mercredi 28 juillet 2021

Héroïnes oubliées du rock 'n rol : Las Vulpes


Le rock fut souvent, et c'est là son honneur, provocateur, déconnant et impertinent. Certains l'ont payé cher.
À quinze ans, Loles Vázquez, petite sœur du batteur et du bassiste de MCD, combo punk de Bilbao, ressent le besoin urgent de former elle aussi un groupe. Elle s'attelle donc à la guitare et embarque une autre frangine, Lupe au chant avec deux amies, Tere et Susi à la batterie et à la basse avant de passer une annonce, "Quatre punkettes cherchent local de répétition". 
Après deux ans de balbutiements, en 1982, le groupe trouve un semblant de stabilité avec toujours Loles à la guitare, Lupe à la batterie, Begoña Astigarraga à la basse et Mamen Rodrigo au chant. Pour fêter ça, elles se baptisent Las Vulpes (s'écrit aussi avec deux S et signifie quelque chose comme "les Traînées" en plus grossier) et reprennent des titres des Ramones, des Stooges ou de Tonton Loquillo. Elles commencent à tourner au Pays Basque, en particulier avec les mythiques et insupportables Eskorbuto.
 
C'est l'époque où la musique la plus brute, la plus sauvage et débridée se joue au Pays Basque ou en Catalogne, la scène de Madrid, à de notables exceptions près, étant plus dandy, plus mode, branchouille, quoi.
Comme il y a là-dedans un potentiel commercial, les producteurs de l'émission Caja de ritmos,seul programme rock de la télévision qu'on a placé le dimanche matin (rigolez pas, on faisait pas mieux en France avec Chorus) vont inviter quelques groupes de barjots basques. Et comme les filles n'ont même pas de maquettes, elles sont choisies pour interpréter deux chansons en direct dont leur tube scénique Me gusta ser una zorra (j'adore être une salope) reprise même pas déguisée de I wanna be your dog.
 
 
Coup d'essai et coup de maître! C'est bien mignon de chanter Je préfère me masturber que de me taper un idiot qui me cause de lendemains. Je préfère me taper un cadre qui envoie la monnaie et m'oublie. Ou de promettre les pires sévices à un porc nommé Lou Reed, mais dans l'Espagne catholique, apostolique et romaine, ça va provoquer un beau bordel. 
Ça commence par une tribune du journal réac ABC intitulée Ça suffit ! affirmant que ce genre d'émissions "dégrade la société espagnole, écœure les pères de famille, indigne les citoyens responsables, brise la quiétude des foyers et dépasse les limites permises par la Constitution" (rien que ça!) Ça suit avec les membres du conseil des médias qui virent immédiatement les producteurs de Caja de ritmos. Ça continue avec des intellos (de droite) tels Camilo José Cela, Antonio Gala, Francisco Umbral ou Rosa Montero qui y vont de leurs couplets contre l'obscénité. 
Le label Dos Rombos en profitera pour écouler aussitôt 7000 copies de la chanson en 45 tour mais le groupe va désormais être la cible de tous les abrutis du temps et les filles se faire insulter et agresser partout où elles passent. Même en territoire basque, il leur faudra compter sur la solidarité de leurs collègues, en particulier de Mahoma, imposant chanteur de RIP, pour pouvoir s'accrocher à une scène. Elles auront beau s'expliquer auprès de la meute de journalistes lâchée contre elles " Personne ne devrait se scandaliser qu'on se masturbe, tout le monde le fait. C'est plus dégueulasse de faire des films violents ou d'obliger les gosses à adopter telle ou telle religion."    
Avec la police les persécutant, diverses plaintes, un aréopage de fachos ou de militaires venant les empêcher de jouer et même un concert en prison annulé par les autorités judiciaires, le groupe épuisé et ruiné, se sépare en 1985, devenant un mythe et effectuant un bref retour en 2005.   
Reste le premier groupe de filles à avoir chanté un hymne féministe à la télévision ibérique et ayant créé un bordel sur le petit écran seulement comparable à celui des Sex Pistols. Mais eux n'étaient pas arrivés trop tôt et en ont largement profité.


samedi 24 juillet 2021

Hommage aux autochtones

Clin d’œil à Crasses et Voluptés
 
Suite à la mise à jour de nombreux charniers de gamins autochtones enterrés près des institutions religieuses au Canada, les églises se sont beaucoup enflammées par là-bas.
Puis des provinces entières ont brûlé mais ça, c'est une autre histoire.
L'histoire de ces gosses enlevés à leurs familles dès leur plus jeune âge afin de les rééduquer, c'est à dire d'éradiquer "l'Indien" en eux est toujours une plaie ouverte. 
En hommage à ces jeunes gens bousillés par un système et une église, un film d'à peu près de quatre minutes, La Tonsure, réalisé par Meky Ottawa, de la nation Atikamekw en 2009.
Ça se trouve chez les films Wapikoni.

 

Et John Trudell, poète, chanteur et ex activiste de l'AIM, issu de la nation Sioux Santee, a deux ou trois chose à  dire à Dieu et à ses représentants.


lundi 19 juillet 2021

Morves écarlates

C’est un de ces jours où tu vas peinard, en plein registre zen, avec ta respiration biodynamique et tes chakras ouverts plein pot, te faire vacciner à cause de l’autre cochonnerie chinoise et il faut que débarque le flic municipal le mieux noté de sa promotion para-olympique pour te prendre le chou alors que ça fait à peine deux minutes que tu es stationné là et qu’il te sort que ça fait une demi-heure que tu es garé et alors, tu lui réponds la vérité, que ça fait trente secondes, qu’il n’est qu’une merde et qu’il peut toujours te la sucer et qu’il le prends super mal alors qu’il devrait être habitué vu qu’on les entraîne à ça dans leurs académies de chiens de garde mais qu’il te lâche la totale, qu’il va le dire au juge et toi tu réponds que d’accord, que le juge vienne te la sucer aussi. Le tout s’est déroulé en deux secondes, puis tu prends l’amende, en fait une boulette, la jette et elle atterrit sur le front du grand connard qui recule et donc, tu as gagné, comme c’est justice, et tu penses que tu lui as fermé le bec et que tu es enfin libre.

Et puis finalement non. Vient le jour du procès où revoilà l’autre enfoiré de municipal avec d’autres têtes de nœuds et tu le défie du regard jusqu’à qu’on passe à autre chose puis tu entres dans la salle parce qu’on t’appelle et que lorsque le procureur te demande si c’est vrai que tu as dit au municipal qu’il te la suce, tu réponds la vérité. Que pas du tout. Et lorsqu’il te demande si c’est vrai que tu as dit que le juge te la suce aussi et qu’il se trouve que la juge est une pure beauté, alors tu réponds que ça, tu l’as peut-être dit mais que tu ne t’en souviens pas vraiment bien parce qu’on t’avait vacciné et que t’avais encore des traces de junkie au bras et que t’étais mort de trouille de te choper un AVC. Et pour conclure, on en vient au truc de la boulette de papier et toi, ben non, ça c’est pas passé comme ça, juré, craché. Puis vient la sentence et tu te retrouves à devoir payer trois cent euros, que tu n’as pas, à un imbécile qui touche deux mille balles par mois pour arrêter des boulettes de papier avec son front. Si c’est à ça qu’il se consacre, qu’il se fasse clown dans un cirque, l’autre con. En fin de compte, au moins, la nuit même, tu te branles en pensant à la juge. Branlette un peu hors de prix mais bon, on est pas là pour jeter l’argent par les fenêtres.

Pour commencer, à cause du speed, on a saigné des gencives puis on perdu nos dents, puis finalement la garde des enfants pour avoir transité des afters aux urgences puis on a accumulé des séparations, des procès pour agressions, résistances à l’autorité, comparutions immédiates, comparutions au long cours, comparutions perdues, moitié regagnées, séparations de biens, assistantes sociales, poli toxicomanies, gosses qui te haïssent, chômage, boulots de merde, parents qui finissent par pardonner, copines qui ne le feront jamais, voisins qui ne t’adressent plus la parole, contrôles anti-terroristes, copains morts les bottes aux pieds, disques vinyles, maquettes et fanzines. Et voilà qu’il faut que je dégotte trois cent balles et que je dois vendre ma collection de fanzines Masakre et Si Volem, la première maquette de Nocivo, un CD de Cólera qui sonne génial parce que même si mon ex à la somme, elle ne veut pas me la refiler mais je vais me les démerder rapidement.

Ouvrir un crowfunding parce que j’en peux plus de cette bande de fils de chiennes. Vous pigez ou je dois tout réexpliquer sans le côté biodynamique ? Il me faut trois cent balles là, tout de suite !

Sinon, allez vous faire un selfie avec vos morves écarlates sur Instagram. 

Josu Arteaga

Traduction maison  



vendredi 16 juillet 2021

Savoir terminer une révolution

 

Le canon de San Lazaro continuait de tonner (...)
Belarmino était hors de lui parce que ce canon semblait prouver que les ouvriers ne respectaient pas le pacte. Il décidé d'aller lui-même les mettre au pas, suivi d'un groupe de fidèles.
Le canon était servi par un artilleur de Trubia qui obéissait aux ordres d'un groupe de Mieres. Belarmino se dirigea vers lui.
- Mais vous n'avez pas reçu l'ordre de cessez-le-feu ?
- C'est qu'ils m'obligent. Je dois tirer de force.
- On va voir ça. Où est le chef de groupe ?
Le chef, un petit jeune trapu à la chemise déboutonnée et à l'air hostile apparut à la porte d'une maison voisine. Il avait le pistolet au poing et était escorté d'une demi-douzaine d'hommes armés. Belarmino l'interpella.
- Tu ne me reconnais pas, camarade ?
L'autre le regarda, un peu sombrement avant de répondre.
- Si, je sais que tu es Belarmino, celui de Sama.
- Pourquoi n'a-tu pas exigé le cessez-le-feu ? Le comité l'a exigé.
- Le comité, connais pas, répondit le mineur excité. Y'en a qui disent que les comités se sont enfuis, d'autres qu'ils négocient avec les militaires. Moi, j'en sais rien. Moi, c'est Peña qui m'a nommé ici et il ne m'a pas encore donné l'ordre d'abandonner.
- Nous autres on se rend pas, intervint un autre jeune en arme. S'ils veulent le canon, qu'ils viennent le chercher.
Belarmino Tomàs expliqua calmement dans quelles conditions la reddition avait été décidée. La lutte était perdue et il fallait éviter des représailles dans les foyers des bassins miniers. L'idée socialiste n'était pas vaincue et ils auraient l'occasion de retourner au combat en son nom. Mais y faire obstacle désormais ne ferait que nuire à la classe ouvrière.
Face à ses paroles, les révolutionnaires ont cédé.
- Mais on rend pas les fusils, hein ? Ça, à aucun prix.
 
Manuel Grossi Mier L'insurrection des Asturies
cité par Ignacio Diaz, Asturies 1934, une révolution sans chefs 
Belarmino Tomàs  

Germaine Montéro dans une chanson de Paul Lançois et Paul Arma (1934)

Et pour détendre l'ambiance, Cuenca minera (bassin minier) de Siniestro Total (1993)

lundi 12 juillet 2021

Version du lundi : Nino se casse

Twist à Saint Rupert

C'est l'été. 
Comme le dit sobrement un collègue rural "Les doryphores sont de retour". Sauf que de nos jours, plus la peine de faire du marché noir. Gîtes ruraux et marchés du pays sont là pour soutirer le pognon du visiteur. Quitte à cacher une armée de saisonniers dans des endroits reculés et quasiment salubres pour que le randonneur ne voit pas ces travailleurs assez peu bucoliques. 
Mais revenons à nos moutons. Début 1968, Nino Ferrer enregistre une nouvelle version d'un de ses tubes qui s'est révélé ô combien prophétique puisqu'il a précédé une vague de migration de jeunes gens lassés de la société marchande vers des arrière-pays qui semblaient se dépeupler inexorablement.
Cette version, plus rock, plus funky, plus véhémente est à nos oreilles largement supérieure à l'originale et est donc parfaite pour attaquer la semaine aux champs et à l'atelier.
Que dire d'autre ?
Que la campagne ne lui pas forcément porté bonheur, comme on sait.

jeudi 8 juillet 2021

Le blues de la travailleuse : la grève de Douarnenez 1924

 

 
À Douarnenez, à Concarneau, les hommes sont généralement marins et les femmes travaillaient aux ateliers de conditionnement des prises, principalement des sardines. On appelait d'ailleurs ces ouvrières des Penn Sardin
Travaillant jusqu'à 18h par jour, payées à la pièce, ces femmes déclenchèrent une série de grèves en 1905 pour exiger un paiement horaire. S'étendant à toutes les villes côtières, ce conflit se conclue par la victoire des ouvrières et la création du Syndicat des sardinières. 
En 1924, elles perçoivent entre 80 centimes et 1,30 franc de l’heure. Elles sont en poste plus de 70 heures par semaine et il n’existe aucune prise en compte du travail de nuit ou des heures supplémentaires.
Une grève réclamant une augmentation conséquente éclate en novembre 1924. Elle va durer 46 jours et, pour la première fois, les hommes se rangent derrière les ouvrières. Les marins entrent dans la danse et toute la côte est bientôt paralysée. Le maire communiste de Douarnenez, Daniel Le Flanchec, soutient le mouvement et organise des soupes populaires. Ce qui lui vaudra d'être destitué par l'État et la ville mise sous tutelle. Autre leader communiste, Charles Tillon, récemment sorti des geôles pour mutinerie se démène et connaît même quelques cuisants échecs en tentant d'étendre la grève à la côte basque et vendéenne.  
Malgré la violence des gendarmes mobiles et le recours massif à des jaunes, la ville est paralysée. Le Flanchec est même victime d'un attentat causé par des nervis du patronat.  
Les agriculteurs locaux ravitaillent les grévistes et des collectes sont organisées dans toute la France. Le ministre du Travail offre sa médiation.
Le 8 janvier 1925, les patrons finissent par cèder et les ouvrières gagnent 20 centimes d'augmentation. 
Ces ouvrières, réputées catholiques et soumises, ont foutu un beau bordel sur toute la côte et, comme on chantait pas mal dans les ateliers, voici la chanson la plus célèbre qui leur rend hommage, paroles écrite par Claude Michel (une femme) musique de Jean-Pierre Dovilliers : Penn Sardin.

 

Un autre air fort populaire fut Saluez, riches heureux, repris aux ouvriers de Carmaux lors des grèves de 1909 et 1910. Ici chantée par Marie-Aline Lagadic et Klervi Rivière

 

On retrouve cette histoire dans une chronique d'Aliette de Laleu sur France Musique.

À Bastien R.  

In memoriam

lundi 5 juillet 2021

Ferré Grignard : quand Johnny plagiait un folkeux


C'est par un de ces blog d'infatigables dénicheurs qu'on a, avec 60 ans de retard, eu vent de l'existence de ce particulier d'Anvers (Antwerpen en local).
Fils de bonne famille évadé de la bourgeoisie flamande, Ferré Grignard, peintre, guitariste et chanteur a eu une belle notoriété dans les années 1960 / 1970 autant due à son jeu de guitare qu'à un talent certain à construire sa propre légende. 
En 1964, cet anarchiste racontait revenir des États-Unis où il avait vécu dans les pires ghettos noirs et appris le blues là-bas. Ce qui n'était que fiction. C'est l'année où il est à la fois embauché par le producteur Hans Kusters et où il s'installe en résidence au café concert Le Muze où son folk-rock un peu en avance sur les Byrds et moins niaiseux qu'Hugues Aufray lui vaut un beau succès d'estime. En 1966, il commet deux tubes coup sur coup Ring Ring et My crucified Jesus. 
 
 
Ça vous semble familier, n'est-il pas ? Un autre Belge, un certain Jean-Philippe Smet, va repomper cet air sans vergogne pour répliquer dans la querelle qui l'oppose alors à Antoine qui l'avait tourné en ridicule dans ses Élucubrations. 
Comparons donc la mélodie avec la précédente: 
 
 
Ferré qui vient de se payer l'Olympia porte aussitôt plainte pour plagiat. Et est débouté car sa propre compo est largement inspirée d'un traditionnel américain. 
Dépité, le gars sort son deuxième album Captain Disaster, qui marchera très modérément. 
De plus, dès qu'il a trois sous, il n'a rien de plus urgent que de les dilapider en fêtes, invitations et autres jams dans sa maison. Comme il oublie de remplir la moindre déclaration, le fisc belge finit par l'assassiner financièrement et cet artiste prometteur fera une carrière de chanteur de bar jusqu'en 1982 où il meurt d'un cancer dans le dénuement le plus total.  

Un petit extrait du concert parisien de 1966 de notre beatnik anversois  avec She's gone et Ring Ring. Toute une époque...


jeudi 1 juillet 2021

Son côté punk

 Mon côté punk est un collectif de musiciens fondé en 2003 par Mourad Musset, Olivier Leite,tous deux issus de La Rue Kétanou, Fathi Oulahci (décédé en 2015) du Théâtre du Fil, Karim Arab et deux vieilles connaissances Loic Lantoine et François Pierron, fils de Gérard. 
Cette bande à géométrie variable, se formant au grès des occasions, on évoquera ici leurs débuts, plus précisément les deux premiers albums où le Lantoine ravi du bon gag, assurait le chant. 
Avec la chanson qui donna son nom au groupe.

 

Et un titre de Bernard Dimey qui était habituellement récité par icelui mais qui supporte très bien un poil d'accompagnement musical. 
Brève conversation entre deux petits truands de l'antique Jérusalem :