On vient d'apprendre que Marc Tomsin, correcteur, animateur radio, érudit, fondateur des éditions Ludd puis Rue des Cascades, animateur du site La voie du jaguar, annuaire ambulant du mouvement libertaire, particulièrement espagnol, et ami serait décédé.
Cette disparition stupide serait due à une chute au squat La Rosa Nera de La Canée , Crète, qui venait juste d'être arraché des griffes policières.
Cette année-là, de l'aveu général, la population avait été particulièrement
indemne de toute maladie ; mais toutes celles qui sévissaient aboutissaient à
ce mal. En général on était atteint sans indice précurseur, subitement en
pleine santé. On éprouvait de violentes chaleurs à la tête ; les yeux étaient
rouges et enflammés ; à l'intérieur, le pharynx et la langue devenaient
sanguinolents, la respiration irrégulière, l'haleine fétide. A ces symptômes
succédaient l'éternuement et l'enrouement ; peu de temps après la douleur
gagnait la poitrine, s'accompagnant d'une toux violente ; quand le mal
s'attaquait à l'estomac, il y provoquait des troubles et y déterminait, avec
des souffrances aiguës, toutes les sortes d'évacuation de bile auxquelles les
médecins ont donné des noms. Presque tous les malades étaient pris de hoquets
non suivis de vomissements, mais accompagnés de convulsions ; chez les uns ce
hoquet cessait immédiatement, chez d'autres il durait fort longtemps.
Au
toucher, la peau n'était pas très chaude ; elle n'était pas livide non plus,
mais rougeâtre avec une éruption de phlyctènes et d'ulcères ; mais à l'intérieur
le corps était si brûlant qu'il ne supportait pas le contact des vêtements et
des tissus les plus légers ; les malades demeuraient nus et étaient tentés de
se jeter dans l'eau froide ; c'est ce qui arriva à beaucoup, faute de
surveillance ; en proie à une soif inextinguible, ils se précipitèrent dans
des puits. On n'était pas plus soulagé, qu'on bût beaucoup ou peu. L'on
souffrait constamment du manque de repos et de sommeil. Le corps, tant que la
maladie était dans toute sa force, ne se flétrissait pas et résistait contre
toute attente à la souffrance.
La plupart mouraient au bout de neuf ou de sept
jours, consumés par le feu intérieur, sans avoir perdu toutes leurs forces. Si
l'on dépassait ce stade, le mal descendait dans l'intestin ; une violente ulcération
s'y déclarait, accompagnée d'une diarrhée rebelle qui faisait périr de
faiblesse beaucoup de malades. Le mal, qui commençait par la partie supérieure
du corps et qui avait au début son siège dans la tête, gagnait ensuite le
corps entier et ceux qui survivaient aux accidents les plus graves en gardaient
aux extrémités les traces. Il attaquait les parties sexuelles, l'extrémité
des mains et des pieds et l'on n'échappait souvent qu'en perdant une de ces
parties ; quelques-uns même perdirent la vue. D'autres, aussitôt guéris,
n'avaient plus dès lors souvenir de rien, oubliaient leur personnalité et ne
reconnaissaient plus leurs proches.
ThucydideLa guerre du Péloponnèse livre II
Une pensée solidaire pour des oubliés parmi les oubliés (à l'exception notable de ce reportage du 27 mars sur FC) : les prisonniers. Car ça commence à tomber comme à Gravelotte à l'intérieur. Contrairement à ce qui a ét annoncé, la chancellerie s'est contentée de doubler par décret le temps de détention provisoire. Les détenus ont déjà bloqués de nombreuses promenades avant de s'en prendre plein la gueule. Leurs revendications ? Des mesures sanitaires et la sortie des courtes peines.
Une pensée aussi pour le camarade Olivier, disparu il y a trois jours. C'est le premier avril et on a très moyennement envie de rigoler.
Un classique du rebetiko repris en rock par les Villagers of Ionnanina City. Ça envoie des mots doux au forces de l'ordre.
Voici l'histoire d'un morceau bien connu des amateurs de rock qui se trouva universellement popularisé par l'ennuyeux Tarentino : Misrilou (l'Égyptienne).
Quelle ne fut pas notre surprise de découvrir que cette très célèbre descente de stratocaster a pour origine rien moins qu'un rebetiko enregistré en 1927 par un certain Michalis Patrinos.
Un autre Grec, de New-York celui-là, Nick Roubanis, n'hésita pas à s'attribuer abusivement la paternité de cette mélodie traditionnelle une quinzaine d'années plus tard.
Son thème ? Rapportons-nous au Mille et une nuits : Shéhérazade dit au
Sultan : «Sire, je vais vous raconter l’histoire de Misirlou.
Il y avait autrefois un riche marchand qui se rendit en Égypte pour
affaire. Il y rencontra une femme d’une beauté ensorcelante. Pour
elle, il composa une chanson d’amour…»
Et voilà le travail :
Devenue danse populaire aux États-Unis,Richard Monsour, jeune bostonien d'origine libanaise et plus connu sous son pseudonyme de Dick Dale, l'immortalisa en un surf rock retentissant qui assurera sa renommée.
Sa version de la mélodie méditerranéenne sera ensuite reprise par les Beach boys, les Trashmen, les Ventures, Jan and Dean, les Rumblers, Link Wray, etc, etc...
Le voici, avec ses Del Tones, dans une séquence du film A swinging affair.
C'est tellement du playback qu'on se demande forcèment où est passé le saxo. Mais on ne peut qu'admirer le jeu de jambes.
Et en français ?
Entre ici, Dario Moreno, toi qui roulait si bien tes R :
Comme on vous l'a raconté là, avant de devenir invité permanent des salons parisiens de gauche chic, le compositeur grec Mikis Thodorakis a été prisonnier et déporté dans le « centre de rééducation » de l'île de Makronissos en compagnie de bon nombre de ses camarades antifascistes de l'ELAS (armée communiste de libération) en 1947-1948. Là-bas, ils furent copieusement torturés, affamés et pour la plupart, assassinés par les badernes royalistes avec la bénédiction des troupes sa Gracieuse majesté britannique.
Exilé, puis revenu en Grèce non sans être devenu un compositeur internationalement reconnu, il rejoint la clandestinité en avril 1967, suite au "putsch des colonels". Arrêté quatre mois plus tard, il retrouve le béton des cachots et un traitement particulièrement brutal à la prison d'Avéroff. Brinquebalé durant deux années de camps de concentration en résidences forcées il compose plusieurs oeuvres qu'il fait sortir discrètement ( Le Soleil et le temps, Arcadies, Ephiphania Averoff, la musique du film Z ainsi que État de siège, postérieurement sud-américanisée pour le film de Costa-Gavras...)
Une des chansons qui reste à la postérité est Imaste dio
Finalement expulsé en France dans un état de santé lamentable, en 1970, il adapte certaines pièces musicales en français.
Sur ces deux extraits du documentaire filmé par Roviros Manthoulis, on le retrouve à sa sortie de l'hôpital, travailler à ces adaptations (en particulier Nous sommes deux et l'Abattoir) avec Georges Moustaki. Ces deux-là parlaient bien le même langage.
Le très cruel roman de Georges Darien, "Biribi" a été adapté au cinéma avec, dans les rôles principaux Bruno Crémer, Georges Géret et Pierre Vaneck
On avoue ne pas avoir vu cette production franco-tunisienne de Daniel Moosman (1971) de laquelle est extraite la chanson qui suit.
La musique en fut confiée à Mikis Theodorakis qui, depuis quelques années cartonnait sur le grand écran (Zorba, Z, Serpico, État de siège...)
Responsable du KKE (parti communiste), membre de l'ELAS (Armée populaire de libération) au cours d'une guerre contre l'occupant nazi, évoluant en guerre civile, ininterrompue pendant sept ans, Theodorakis avait connu arrestations, tortures et déportation sur l'île bagne de Makronissos. En parallèle il suivait des cours au conservatoire d'Athènes. Ce qui lui permettra de gagner la France en 1954 avant de retourner se faire tabasser par les sbires des colonels en 1967. Sa renommée lui ayant sauvé la peau, il sera banni par les militaires sous la pression de personnalités aussi diverses que Dimitri Chostakovitch, Leonard Bernstein, Henry Miller ou Harry Belafonte. Il deviendra ensuite la coqueluche des personnalités de gauche. Mais sa musique restera marquée par le désespoir de ses années de détention. Et aussi, pour être juste, par une certaine emphase toute "réaliste socialiste" (on va pas dire "stalinienne" à tous les coups).
C'est à notre cher petit Marcel qu'on a confié l'interprétation des chansons du film. Ce qui charme nos oreilles.
Qu'on nous permette de n'avoir aucune leçon à donner aux Grecs*.
Qu'on nous permette, au passage, de ricaner quelque peu devant la roublardise d'Alexis Tsipras, qui au lieu de tenter s'inspirer de la voie tracée par Salvador Allende (mieux vaut finir avec dignité que de trahir) va faire passer en bonne part le programme contre lequel il fut élu.
Qu'on nous permette de ne pas être stupéfaits outre-mesure par la morgue, la brutalité tranquille, des argentiers du monde ainsi que de leurs représentants qui se prennent pour des hommes et des femmes d'État.
Et qui ne sont que des délinquants en col blanc.
Qu'on nous permette enfin de rappeler cette simple constatation : même avec la meilleure volonté du monde, le capitalisme ne s'aménage pas.
Il n'y a pas de capitalisme à visage humain.
Et tous les compromis historiques ou petits arrangements entre ennemis ne serviront qu'à lui donner un peu plus d'entrain.
La chanson qui suit est une reprise grecque de la rappeuse marseillaise Kenny Arkana.
* En n'oubliant pas que l'économie grecque a longtemps reposée sur l'exploitation à outrance d'une main d’œuvre immigrée, d'abord albanaise, puis africaine, moyen-orientale, afghane.
Drachme ou euro, dans les îles, on attend les touristes