samedi 30 mai 2020

Quelques réflexions en désordre


On a reçu, on fait tourner :

Que puisse encore être un tant soit peu, si ce n’est reçue comme crédible, mais déjà écoutée la parole d’État, 34 ans après la catastrophe nucléaire de Tchernobyl et les mensonges sur le nuage radioactif contournant les frontières, laisse rêveur... même si des générations trop jeunes n’ont pas connu ce précédent.

La crise sanitaire permute des positions idéologiques provoquant une situation à fronts renversés : telle frange libertaire soupçonnant (sans doute à bon titre) un darwinisme social qui avance masqué - tri hospitalier des malades entre ceux en état d’être prolongés et ceux abrégés -, a tendance à surestimer la contagiosité par souci de protéger les plus fragiles, se retrouve proche d’un État maximisant la peur pour tenir les populations.
Tel philosophe italien critique, à juste titre, la tendance lourde à pérenniser l’état d’exception et se retrouve voisin, dans la minimisation de l’épidémie, d’un Bolsonaro, chef d’État du Brésil, partisan d’un État fort, et qui la considère être juste « une grippette ».


Je suis amené à formuler l’hypothèse suivante : la gestion des populations devient la problématique centrale qui renouvelle le rôle de l’État et sa configuration (depuis une dizaine d’années, l’intitulé nouveau d’une des administrations centrales de l’État comporte le terme de « cohésion sociale ») surtout en moments de crise (et comme ils ne cessent de se succéder...). Dans une société de classes, le dilemme des possédants est cruel car il leur faut
bien vivre dans la même société que les pauvres qui peuvent ruer dans les brancards : a fortiori quand la société étant unifiée dans les flux de marchandises, toutes les populations ont perdu leur mode de subsistance autonome (liquidation de la paysannerie) et deviennent de facto dépendantes d’une survie administrée : on peut même considérer que le salariat en est une des modalités depuis que l’économie ne peut plus intégrer tout le monde.

Le coup du monde numérique, comme on pouvait dire auparavant « coup d’État
militaire », a au moins ce côté vertigineux de la science fiction en acte. La généralisation du plexiglas, quant à elle, a un côté bricolage provisoire fait pour durer.

mercredi 27 mai 2020

Bob le farceur

La pochette a, elle aussi, un air de déjà vu
Peut-être avez-vous appris que Bob Dylan, prix Nobel, vient de sortit trois "nouveaux" titres en avant-première de son futur album.
False prophet, est un blues de bon aloi : voix traînante, éraillée à souhait et guitares avenantes.
À ce stade là, on n'y voit qu'un seul problème : ça ressemble un peu, beaucoup, passionnément, à un titre de Billy "The Kid" Emerson, obscur (et pas uniquement par sa couleur de peau) pianiste et chanteur de chez Sun Records, tout de même un peu connu pour avoir été le compositeur de Red Hot, titre dont Billy Lee Riley a donné, pour le coup, une version nettement supérieure à l'original et aussi avoir écrit If it rain it pours, repris par le King lui-même.
Les artistes noirs n'étaient pas légion chez Sun, même si les frontières entre musique "de Blancs" et "de Noirs" étaient bien plus poreuses que ce qui en a été dit ensuite.


Pour illustrer notre propos, If loving is believing, enregistré le 11 janvier 1954 aux légendaires studios du 706 Union Av. (Memphis, Tenessee)

 

Après, ce qu'on en dit... il y a des choses tellement pires que d'être pompé par le Zim'. Le plus drôle est que Billy Emerson (93 ans) est toujours vivant. Que peut-il bien penser d'être ainsi pillé par un jeunot de 79 balais ?
On tient cette affaire de Greil Marcus qui lui-même la sait par un certain Mr Moon, qui lui-même...

lundi 25 mai 2020

Les Vanneaux de juin, petit tour en littérature

Écrivains notoires dont les journaux de confinement ont été refusés par les éditeurs
C'était au mois de février dernier, il y a longtemps.
Souhaitant exceptionnellement coller à l'actualité, les Vanneaux vous avaient concocté une émission du mois de mars consacrée aux épidémies.
Et puis est venu l'enfermement général. Notre studio s'est retrouvé inaccessible et, comme bien d'autres radios, nous en fûmes réduits à passer des rediffusions.
La porte s'est entrouverte et on s'est dit que nos distingués auditeurs en avaient certainement soupé des playlist et autres chansonnettes pandémiques.
Alors, comme ça fait longtemps qu'on use et abuse de poètes et écrivains mis en zizique, comme il y a des rapports plus que troubles entre auteurs de chansons et de romans et qu'il ne s'agit là que de tourner des mots, on reviendra pour un programme tout simplement consacré à la chose littéraire.

Ce sera le lundi 1er juin à 17h30 sur notre bon vieux 92.2fm ou le site de Canal Sud.
Tant qu'à faire dans l'écrivain reconnu, voici la Canción de Belisa de Federico García Lorca par Germaine Montéro





Et un poème  de Sergueï Essenine, de 1925, Tu ne m'aimes ni ne me plains par Alexeï Pokrovski.


vendredi 22 mai 2020

De l'héroïsme

Gloire au travail !
Ce qui est très pratique avec les héros, c'est qu'ils ne coûtent pas si cher que ça.
Chair à canon collective au nom de laquelle des fabricants de monuments aux morts font fortune ou chair à travail qu'on glorifie puis à laquelle on accorde éventuellement une prime, un timbre poste ou une médaille en chocolat, le destin historique du héros est d'être mort, mutilé ou balayé sous le tapis.
Les trois en même temps, si possible. Après y'a plus qu'à lancer des appels d'offre chez les statuaires.


Le meilleur résumé de ce état de fait m'a été donné par un mineur asturien : "Chaque fois qu'on nous traite de héros et de fer de lance de la classe ouvrière, je me demande par où on va nous niquer."
Tant que nos maîtres bombarderont des exploités d'appels à l'héroïsme et qu'il se trouvera parmi ces derniers des crétins pour aller défiler au pas en souvenir du casse-pipe où on les a envoyés, tout restera à régler.
Une fois cette question entendue, on préfère adopter la position des Stranglers*, vilains petits canards du punk, en 1977 : No more heroes.



Puisqu'on aime, on ne compte pas. Une reprise en castillan de ce bon vieux Loquillo accompagné d'Hugh Cornwell, des mêmes Stranglers en guest. Vous remarquerez que si en anglais on cite volontiers Trotsky et Lénine, en espagnol, ce serait plutôt Durruti et le Quijote. Vivement que cette putain de frontière soit rouverte.


* Dont le clavier, Dave Greenfield n'a pas survécu à l'épidémie en cours.

mardi 19 mai 2020

Terroristes et casseurs (6) Weather Underground, le ver était dans le fruit

You don’t need a weatherman to know which way the wind blows

Bob Dylan (Subterranean homesick blues)

Dernièrement, on vous causait de la guerre du Viêt-nam. Aujourd'hui on va s'intéresser à une de ses conséquences, l'histoire des Weathermen.
À l'origine, un groupe d'étudiants d'un syndicat gauchiste, le SDS (Students for Democratic Society) font éclater ledit syndicat, jusqu'alors plutôt orienté aux côté de la lutte des droits civiques et contre la guerre en cours, lors de son congrès de juin 1969.
Le SDS se scinde donc en deux tendances, le Progresive Labour Party, groupe léniniste orthodoxe, et le Revolutionary Youth Movement, anti impérialiste et proche des Black Panthers.
Au cours du congrès, un des manifestes diffusés par un groupe dissident avait pour titre le vers de Bob Dylan ci-dessus, "Pas besoin d'un météorologue pour savoir d'où souffle le vent" et appelait à la création de groupes clandestins armés. Ce groupe sera désormais connu comme les Weathermen ou Weather underground.



La première apparition publique de ces jeunes gens en colère furent les Journées de la rage de Chicago du 8 au 11 octobre 1969.
Originellement, l'idée, toute blanquiste, de créer un foyer de guerre (sociale, celle-ci) dans la troisième ville des États-Unis, un Woodstock de l'émeute qui ferait trembler Babylone sur ses bases.
Comme c'était à prévoir, le soulèvement espéré ne se traduisit que par l'affluence de quelques centaines de jeunes gens chauffés à blanc, décidés à affronter les autorités à n'importe quel prix. Et malgré leur déception, on a pu voir des groupes d'insurgés et d'insurgées (présence féminine qui fut, bien entendu, mise en exergue par la presse) charger les flics pendant trois jours et appliquer à la lettre la sage consigne des énervés du MC5 : Kick out the jam, motherfuckers ! (Foutez tout en l'air, enculés !)



Deux mois plus tard, 300 personnes environ tenaient le fameux "Conseil de guerre de Flint" où furent décidées la mise à mort du SDS et la plongée dans la clandestinité d'un noyau d'activistes. Qui n'allaient rien initier : entre éclatement des cellules familiales, irruption de la (encore) contre-culture, émeutes récurrentes, les campus universitaire avaient connu, cette année là, 41 sabotages à l'explosif. Les USA, un total de 934 dixit le FBI.
Au mois, de mars suivant, l'explosion accidentelle d'un atelier clandestin de bombes à Greewich Village (New York) tue trois membres du groupe, en blesse deux autres et accélère la disparition des autres de la scène publique.
L'action originellement planifiée était un attentat dans un bal d'officiers.
Traumatisés par la mort de leurs camarades et à l'instar de leurs homologues britanniques de la Angry Brigade les Weathermen vont mener une campagne prolongée de sabotages à l'explosif visant uniquement des locaux administratifs (Capitole), militaires (Pentagone, casernes...), pénaux, judiciaires, universitaires (MIT) ou industriels liés à la guerre en évitant systématiquement de faire la moindre victime, quitte à prévenir presse et pompiers afin de faire évacuer les lieux visés.
Dispersés sur l'ensemble du territoire, faisant paraître un journal clandestin, Prairie Fire, les membres du groupe arrivent à se dissimuler comme des fourmis au sein des communautés, ghettos ou banlieues plus cossues et à ne pratiquement jamais être infiltrés par un FBI qui les traque sans merci.

Bernardine Dohrn, fondatrice du WU, jamais capturée. Elle s'est rendue en 1980
Seule action "mercenaire"sous-traitée par les Weathermen contre espèces : l'évasion de Timothy Leary, surnommé le "Pape du LSD" pour le compte de la Confrérie de l'amour éternel.
La fin progressive de la guerre au Viêt-Nam a orienté le groupe sur des positions moins anti-impérialistes et plus lutte des classes.
En 1976, Prairie Fire Organizing Comittee, faux nez du WU, organise une AG à Boston en y invitant des groupes de militants noirs, amérindiens, portoricains, chicanos, antifascistes, etc.
À partir de 1977, divers membres du groupe émergent progressivement de l'ombre. Ronald Reagan décrétera une première amnistie en 1981.
Toutefois plusieurs militants et militantes ont persiste dans l'illégalité. Certains sont restés en cavale jusqu'à leur mort, comme John Jacobs, d'autre ont été arrêtés depuis, quelques-unes graciés par Clinton (Linda Evans et Susan Rosenberg) d'autres, tel David Gilbert, moisissent encore en taule à cette heure.
On peut trouver à cette page l'impressionnante liste des actions du groupe que l'État n'a jamais défait militairement.

Bande annonce du documentaire de Bill Siegel et Sam Green, The Weather Underground.

samedi 16 mai 2020

Tranche de vie (hypocondriaque)


- Dis-moi, lança Minami en se relevant soudain et en me dévisageant, toi tu n'as pas bu l'eau du puits, n'est ce pas ?
- Non, répondis-je embarrassé.
- Pourquoi non ? Demanda Minami soudain sérieux et insistant. Je sais pourquoi. Tu as peur de l'épidémie, non ? Les gens du village ont pris la fuite parce qu'ils avaient peur de l'épidémie. Ils nous ont abandonnés en plein milieu de ces microbes qui grouillent.

L'agitation gagna tout le monde. Je me suis dit qu'il fallait absolument rétablir un équilibre, si difficile fût-il. Sinon, ils deviendraient désespérés et en viendraient aux mains. De plus, c'était un problème qui me concernait de manière imminente.
- Quelle épidémie ? demandai-je avec une moue de mépris. Je n'y aurais jamais pensé.
- Une femme du village est morte dans l'entrepôt, pas vrai ? fit Minami. Puis notre camarade...
- Il y a aussi les animaux, dit Minami après réflexion. Il y a eu tant d'animaux morts.

Les carcasses d'animaux... l'image de ces grands tas que nous avions enterrés la veille et le souvenir de la puanteur me sont revenus aussitôt. J'en ai été bouleversé. Effectivement, comment l'expliquer ?
- La maladie des rats, la maladie des lapins en rut... dis-je en exagérant le ton de dérision. Ceux qui ont peur n'ont qu'à décamper comme les villageois.
- Moi, je décampe, annonça Minami plein de résolution, avant de charger son sac de survie sur son épaule et de se lever énergiquement. Je ne veux pas mourir. Toi, tu n'as qu'à attendre en gémissant de douleur, que l'éducateur revienne avec l'autre groupe.

Kenzaburô Ôé Arrachez les bourgeons, tirez sur les enfants  

mercredi 13 mai 2020

Creedence, la guerre et une version ratée

Voir du pays et revenir dans un sac
Il fut un temps où faire du tourisme pouvait se révélait déjà périlleux, mais ça n'avait rien à voir avec quelques virus dévastateurs. Il fut aussi un temps où les guerres étaient autre chose que le fait de se confiner chez soi.
De 1964 à 1975, des centaines de milliers de jeunes états-uniens et  australiens, coréens du sud ou thaïlandais furent ainsi envoyés visiter le Viêt Nam pour faire rempart aux rouges quel qu'en soit le prix.

Visitez Saïgon et gagnez une bastos

On sait que ce pays ainsi que ces deux voisins, Cambodge et Laos furent ravagés et que cet affrontement entre super puissances par pions interposés laissa officiellement plus de 1 500 000 morts, dont quatre fois plus de nord vietnamiens ou de leurs alliés.
On sait également qu'en occident, cette boucherie provoqua une vague de contestation, particulièrement aux USA.
Particulièrement après 1966, date à laquelle le ministre de la guerre, Mac Namara, édicta son "projet des 100 000", destiné à vider les rues des jeunes prolos n'ayant peu ou pas fait d'études. Il suffisait donc de faire des études universitaires pour échapper à la jungle sous napalm. Ou bien de se mutiler ou d'être soutien de famille. D'où les énormes quantités de déserteurs qui se planquaient ou se trouvaient au Mexique, au Canada ou en Europe.
Comme il était évident, depuis l'offensive du Têt de 1968, que cette guerre ne serait pas gagnée ou alors à un prix exorbitant, la contestation anti-guerre gagna encore en ampleur aux États-Unis, de nombreuses chansons en témoignent.
Particulièrement efficace, le Fortunate son de Creedence Clearwater Revival.
Sortie en 1969, cette chanson fustige les va t'en guerre qui n'y vont surtout pas et les gosses de riches échappant au service militaire.
Immédiatement populaires, ces 2.20 minutes de rage ont beaucoup servi lors de multiples manifestations contre la guerre ou la classe dominante. Ici avec les paroles :


Reprise plus récente : où l'on voit Bruce Springsteen, lui-même, battu aux points par un John Fogerty qui fait étonnamment plus jeune que lui

 

Et pour sourire un peu avec le côté pathétique du personnage, voici la version en français par l'opportuniste de service, Johnny Hallyday.



dimanche 10 mai 2020

À nos amours




On suppose que des amoureux séparés, des amants distants de moins de cent bornes, ou plus si affinités, vont enfin se retrouver. À part leur souhaiter bien du plaisir, nous nous faisons un devoir de leur rappeler ci-dessus quelques gestes barrières susceptibles d'éviter la propagation de la grippette qui tue.
Quant aux malheureux, malheureuses et autres qui se retrouveraient encore solitaires, nous rappelons qu'ils ont la consolation de gagner en sécurité ce qu'ils perdent en sensualité.
Et leur conseillons donc d'appliquer à la lettre cette recette chantée par Arlette Téphany écrite par Boris Vian avec Alain Goraguer en 1953.
État d'urgence sanitaire oblige.



Et maintenant un petit message personnel, à vous François.


Profitons de l'occase pour un dernier coup de chapeau à Richard Penniman aka Little Richard, décédé le samedi 9 mai à l'âge de 87 ans. L'affreux Jerry Lee a fini par gagner le match.


vendredi 8 mai 2020

Un chant de partisans

 


- Eh bien, un jour les Allemands vont sans doute organiser le grand supplice des Juifs – elle est trop dure, la vie qu’ils font au pays d’Ukraine.
- Et que viennent faire les Juifs là-dedans ? demanda Voronnko.
- Ce qu’ils viennent faire là-dedans ? Mais c’est un des principes fondamentaux, répondit l’instituteur. Les fascistes ont créé un bagne européen, universel, et afin de maintenir les bagnards dans la soumission, ils ont dressé une énorme échelle d’oppression. Les Hollandais ont la vie plus dure que les Danois. Les Français vivent moins bien que les Hollandais : les Tchèques moins bien que les Français. La vie des Grecs, Serbes, et puis  Polonais est encore pire. Les Ukrainiens et les Russes sont placés encore plus bas. Ce sont là les degrés de l’échelle du bagne. Et à la base de cette énorme prison à multiples étages, c’est un précipice que les fascistes réservent aux Juifs. Leur sort est appelé à semer l’épouvante dans tout l’immense bagne européen, afin que le lot le plus terrible paraisse être un bonheur en comparaison de celui des Juifs. (…) C’est là une simple comptabilité de la sauvagerie, et non haine instinctive.
 Vassili Grossman Carnets de guerre



Une passionnante présentation par Christian Ingrao de son livre, La promesse de l'Est

 

mercredi 6 mai 2020

Tranche de vie (Ibérique)


Le pire est que le système consistant à arracher des aveux de culpabilité aux innocents n'était pas seulement utilisé avec les prisonniers politiques mais aussi et, je le crains, de façon plus généralisée, avec les délinquants de droit commun.
Mais eux, personne ne prend leur défense, les héros sont les activistes politiques, les ouvriers et les étudiants, personne ne parle de la pauvre andouille qu'on arrête, à qui on essaie de coller le délit d'un autre et qu'on massacre de la même façon. Personne ne demande la libération des voleurs qui ont souffert plus que tout autre du système policier, judiciaire et pénitentiaire franquiste, ils en ont certainement souffert plus, parce que le traitement qu'ils subissaient ne faisait pas scandale comme celui des prisonniers politiques, ils ne soulevaient aucune protestation internationale, ne provoquaient ni grèves ni manifestations, ils n'avaient pas d'avocats prestigieux en mesure d'arracher pour eux un minimum de garanties dans le déroulement d'un procès.
Quelqu'un devrait écrire l'histoire de la petite délinquance sous le franquisme car de nombreux escrocs minables mériteraient une plaque commémorative ou au moins une tombe décente, étant donné ce qu'ils ont souffert. Un jour on videra les barrages et remonteront à la surface les voleurs de poules qui sont entrés un soir dans un commissariat ou une caserne et n'en sont pas sortis vivants, ceux que personne n'a réclamé.
Isaac Rosa La mémoire vaine


lundi 4 mai 2020

Bêtes et méchants

Prolos endimanchés partant se chamailler avec les autorités
On avoue que face aux propos et attitudes de la clique gouvernementale, on hésite. On ne sait pas toujours faire la part entre ce qui tient de l'improvisation, de l'incompétence crasse et de la volonté de vexation, d'humiliation et d'une soif de reprise en main revancharde (complètement illusoire, on espère).

On ne sait non plus qui mettre en haut du podium en ce qui concerne le passage du Mur du çon, comme on dit dans un certain volatile paraissant tous les mercredis.
Macron et ses "chamailleries" du premier mai ? Après un Alexandre Benalla en poseur d'ambiance à la Contrescarpe en 2018 et une manifestation massacrée à Paris en 2019, fallait oser ! C'est même à ça qu'on le reconnaît.
Et Fourmies, gros malin, c'était une chamaillerie entre les prolos et la ligne ? Et Haymarket, c'était certainement une rixe entre ivrognes...



Autre sérieux concurrent, l'inénarrable Olivier Véran qui n'a pas pu s'empêcher de nous menacer, ce dimanche, sur l'air du "si vous vous relâchez, on vous relâche pas".
Mais à qui crois-tu donc t'adresser, escroc ? À une bande de sales gamins ? D'où te permets-tu d'oser nous faire du chantage, menteur patenté ? Toi qui as été de tous les cabinets ministériels, toi qui a contribué, comme tes compères, à bousiller le service de santé. Non seulement tu oses mais, comme tu nous prends pour une bande de demeurés, tu dois sans doute t'imaginer, qu'en plus, nous souffrons d'amnésie.


Et l'interdiction des bords de mer, on la met au compte de la stupidité ou de ce manifeste désir d'avilir le populo ? Et l'application flicarde pour smartphones, on la range dans quelle case ? Désolé, crapules, les chiffres sont formels : cette saloperie tue avant tout des vieux et ce sont essentiellement des jeunes gens qui sont munis de ce gadget et de ses multiples applications. Alors, vous cherchez quoi en fin de compte ? On va pas épiloguer sur l'opportunité offerte par la situation pour le grand bon en avant numérique et le contrôle social...
Et la limite des 100 kilomètres, c'est par amour des chiffres ronds ?
Sans parler du nombre de pays voisins où il n'est PAS réclamé la moindre dérogation bidon pour prendre un peu d'air frais. 
Parfois, on a envie de vous remercier d'être aussi nuls, aussi hautains, aussi méprisants et aussi menteurs parce que ça finit par salement se voir.
Jusque à quand allons-nous laisser infantiliser par une bande d'assassins en costard ?


samedi 2 mai 2020

Tranche de vie (conviviale)


- C'est là-haut que des Coréens sont morts ? insistais-je.
- C'est un ghetto de Coréens, précisa le forgeron. Mais il n'y a eu qu'un seul mort. On ne sait pas si c'est la même maladie que pour les bêtes.

Mes camarades se disposaient à à transporter un veau très lourd dont le ventre lacéré laissait échapper un mélange visqueux de chair, de sang et de pus. Il m'a semblé que la maladie féroce qui avait attaqué ce robuste veau pouvait aisément étrangler un être humain.

- Dans le hangar une réfugiée est en train de mourir, dit un autre enfant dont la voix laissait percer son excitation. C'est parce qu'elle a mangé des légumes pourris qu'elle avait ramassés par terre. tout le monde dit ça.
- S'il s'agit d'une maladie contagieuse, dis-je, il faudrait la mettre en quarantaine. Si ça se propage, ça va être épouvantable. Tout le monde va mourir.
- Il n'y a nulle part où isoler les malades, répondit le forgeron, excédé.
- Mais  quand une épidémie se déclare dans le village, qu'est ce que vous faites ?
- Tout le village s'enfuit en abandonnant les malades. c'est la règle. si une maladie contagieuse se déclare dans notre village, les autres villages autour nous hébergent. Si au contraire ça se passe ailleurs, nous prenons en charge ceux qui viennent se réfugier ici. Ça c'est produit il y a vingt ans, quand le choléra s'est déclaré. On a dû passer pas moins de trois mois dans le village voisin.
Il y avait vingt ans... C'était aussi simple et solennel qu'une légende et ça me faisait rêver. (...)
- Pourquoi cette fois-ci ne fuyez-vous pas ?
- Quoi ? Cette fois-ci ? Mais il n'y a aucune épidémie. des animaux sont morts, on a eu deux personnes malades dont une est morte. c'est tout.

Kenzaburô Ôé Arrachez les bourgeons, tirez sur les enfants