(...) Demain après-demain dans huit jours peut-être les bruits des plaques d'égout sautant sur la gueule des flics tailleront dans le ciel autant de bleu qu'il en faut pour la tête de la plus jolie femme du monde.
Benjamin Péret "Rendre l'âme" (1934)
En Espagne on les appelle "chiens", aux États-Unis "gorets" après les avoir nommés "bœufs", en France "poulets", "vaches", "bourriques" ou "perdreaux" et il y a longtemps "hirondelles". Prolongation de notre émission animale ? Nullement.
Le bras armé de l'État a toujours usé de méthodes qui ont fait sa renommée et, de ce fait, entretenu avec la populace des rapports aussi riches que variés.
Qui se reflètent évidemment dans la chanson populaire. On rappelle qu'une très recommandable anthologie sur le sujet est sortie l'an dernier.
Et c'était avant la "loi travail" et les manifs de policiers qui veulent qu'en plus on les aime (et il nous resterait quoi à nous?) Nous nous inspirerons donc de cet ouvrage salutaire pour faire un tour chez nos policiers et peut-être ceux des autres.
Ce sera le lundi 5 décembre à 18h sur le 92.2 de Radio Canal Sud.
En apéro, un extrait du film de Ray Gange "Rude boy" où l'on constate que la seule évocation des bourres met le regretté Joe Strummer en transe.
Enregistrés à la radio en 1950, des airs de Mac Orlan chantés par Laure Diana accompagnée d'un accordéoniste, sont présentés par nos deux poètes, ci-devant montmartrois.
Ici, on nage dans la nostalgie du biffin (on disait alors assez peu bidasse) avec sa vérole, son cafard, ses cors aux pieds, ses aventures coloniales et les filles à soldat. Surtout les filles à soldat, d'ailleurs.
Ce troupeau servira de chair à canon en masse pendant les quatre années d'une guerre qui allait en finir avec les derniers débris de romantisme populaire pour annoncer un futurisme tout empreint d'acier et de gaz.
Pierre Mac Orlan, qui avait morflé d'une "bonne blessure" (celle qui vous renvoie dans votre foyer à peu près "intact") devant Péronne, lors de la bataille de la Somme en 1916, en savait quelque chose.
Les quelques habitués de ce blog connaissent déjà plusieurs de ces chansons mais l'interprétation de Laure Diana est parfois fort différente des habituelles.
Dans l'ordre, elle chante Bel-Abbès, La belle de Mai, Marie-Dominique, Fanny de Lannion, Nelly, Rose des bois.
Richard Anacréon, Pierre Mac Orlan, Marceau Verschueren et Francis Carco (Denise Colomb, 1949)
Dans un tout autre ordre de chose, l'année de merde continue : disparition la même semaine de Paul Tourenne (le plus petit de la bande) et de Sharon Jones. Y'a des jours comme ça où on aimerait que la faucheuse choisisse un peu mieux ses cibles.
C'est en 1976 que Philippe Dauga, bassiste et chanteur, Vincent Palmer, guitares, chant et lunettes noires, et Dynamite Yann à la batterie, sortent de leur cave avec l'ambition de changer la face du rock hexagonal.
À cause de leurs costards et de leur rhythm'n blues nerveux, on les a d'abord pris pour des mods à la française alors qu'ils s'apparentaient à merveille à la vague de groupes de pub rock (rock de bistrot, quoi) qui secouaient les cocotiers (sic) d'outre-manche : Dr Feelgood, Eddie & the Hot Rods, Count Bishop, Sean Tyla Gang, etc.
Et d'ailleurs, tout ce petit monde du tchacapoum de comptoir et du punk naissant va se retrouver aux deux premier et uniques festivals punk en France, ceux de 1976 et 1977 à Mont-de-Marsan. Bijou y a fait des apparitions remarquées.
Contrairement à la plupart des rockers de l'époque, Bijou n'a jamais renié ses grands ancêtres, ici par exemple :
C'est en reprenant les "Papillons noirs", de Gainsbourg qu'ils s'acoquinent avec l'auteur au creux de la vague et le font regrimper sur scène pour leurs rappels. Reconnaissant, il leur écrira Betty Jane Rose en 1978.
Les voici ici réunis. Et puisqu'on citait, Dr Feelgood, nos petits gars de Juvisy ont carrément emprunté le riff de "Watch your step" au maître Wilko Johnson. On la passe en hommage aux nouveaux maîtres des USA.
Mais le parolier attitré du groupe était essentiellement Jean-William Thoury, manager du groupe.
Malgré un succès d'estime et quelques semblant de tubes comme "Rock à la radio", "Danse avec moi" ou " Ok Carole", ils se sont retrouvés victimes de la vague anti-rock des lamentables années 80. Et ils sombrèrent dans la tourmente.
Mais dans les années 2000, Dauga a remonté les Bijou SVP (lire Sans Vincent Palmer).
Il tourne encore avec Frantz Grimm (gtre) et Jo Mathis (Batt.) et ça continue (presque) comme avant. Quoi ? Le rock, une musique de vieux ?
On les retrouve avec le gars Didier Wampa en invité.
Luc Bérimont , fut écrivain, poète, mais aussi auteur de
chansons.
Il a aussi été un grand homme de radio, avec des émissions
consacrées à la poésie et à la chanson poétique. "La fine fleur de la
chanson française" comme "Jam Session Poésie chanson" ont été des
émissions phares de la chanson francophone.
Pour les plus grands, ceux
qui avaient atteint le grand public : Brel, Brassens, Félix Leclerc,
comme pour ceux qui régnaient sur les cabarets : Francesca Soleville,
Jacques Marchais, Anne Sylvestre, Monique Morelli ou Colette Magny.
On entend dans cette émission plusieurs des sus-cités et d'autres encore.
Un programme d'Héléne Azéra, le "Chanson boum", du 28 juin 2015.
En compagnie de Marie Hélène Fraïssé, compagne du poète.
Nos quelques lecteurs, lectrices, habitués, habituées, belges, belges, ont bien remarqué qu'il n'est pas dans nos habitudes de faire la pub pour un album récemment sorti.
Disons qu'après un an, ça fera un honorable temps de prescription.
Car, d'un point de vue chanson, l'adaptation par Sanseverino du livre d'Henri Charrière, "Papillon", en bluegrass, hillbilly, blues tout court et avec même un chouïa de musique amérindienne est une belle réussite.
Pour ce faire, Sanseverino s'est adjoint Christophe Cravero au violon alto,
Christian Seguret à la mandoline et au violon, Jean-Marc Delon au banjo,
Jidé Jouannic à la contrebasse,Lionel Suarez à
l’accordéon et Xa Mesa aux percussions.
Dixit le chanteur : « J’ai
écrit l’album dans l’ordre du livre et il s’écoute donc dans l’ordre de
composition. Au départ, je savais seulement quel son je voulais
entendre. C’est un karaoké littéraire »
Extrait de la présentation du disque : Ce n’est pas vraiment un truand, ce n’est pas vraiment un militant
anarchiste. Mais c’est un sacré bonhomme, Papillon. Chez lui, la liberté
compte plus que tout. Et quand on est bagnard, cela conduit à de folles
aventures – les longs préparatifs, l’adrénaline de la fuite, l’ivresse
d’échapper aux barreaux, la rage d’être repris, l’horreur de la
punition, les préparatifs qui reprennent, une autre évasion (...) Car il faut l’avoir connu, le bagne de Cayenne ! La chaleur
atroce dans les cellules étroites infestées de vermine, la férocité
sadique des matons, la cruauté sans âme de l’administration
pénitentiaire, la violence entre détenus, les maladies tropicales et
surtout le désespoir, le désespoir des réprouvés qui ne reverront jamais
la France qui les a rejetés pour toujours, le désespoir de ces hommes
qu’un tribunal a condamnés à une sentence que la rumeur dit pire que la
guillotine »
Une bande dessinée suivant le texte des chansons et réalisée par Sylvain Dorange et Cécile Richard est sortie parallèlement.
Deux mots sur le bouquin d'origine, sorti en 1968, vendu à des millions d'exemplaires et estampillé "Récit" par l'éditeur Robert Laffont.
Une adaptation cinématographique, de Franklin Schaffner en a été tirée en 1973, avec Steve Mc Queen et Dustin Hoffman. Gros succès également.
Réfugié au Vénézuela, suite à sa dernière évasion, Charrière a affirmé avoir écrit ce livre à la lecture de "l'Astragale" d'Albertine Sarrazin, livre qui eut lui aussi une renommée certaine. Deux ouvrages sont ensuite parus pour dénoncer les mensonges et la mythomanie de l'auteur. Ces deux livres sont l’œuvre d'un journaleux proche des flics, Georges Ménager, et d'un, tout autant, grand ami des flics et des barbouzes, Gérard de Villiers, ce qui rend a priori plus que méfiant quant à leurs intentions.
Ceci dit, l'éditeur qui avait dépêché un enquêteur à Cayenne, était parfaitement au courant des inexactitudes (pour le dire gentiment) contenues dans l'ouvrage. De plus, les connaisseurs de l'histoire du bagne ont reconnu que Charrière s'est attribué sans complexes quelques mésaventures parvenues à rien moins que Marius Jacob, René Belbenoît, Pierre Bougrat ou Eugène Dieudonné (celui qu'on embringuât dans la Bande à Bonnot).
Une belle trompette, donc !
C'est pourquoi on est reconnaissant à Sanseverino d'avoir surtitré son adaptation du qualificatif "Roman".
Antifascisme de mauvais aloi (trouvé chez le Moine Bleu)
Pour ceux qui n'ont pas qu'une vision manichéenne et idéologique de l'histoire, on se doit ici de rappeler quelques banalités de base.
Par définition, la chair à canon sert à toute besogne militaire au service d'intérêts qu'elle ne maîtrise généralement pas.
Ainsi en est-il de la soldatesque de deuxième catégorie : les mêmes troupes coloniales peuvent être tout aussi bien employées en premières lignes dans des dites "bonnes causes", à Monte Casino ou ailleurs, pour se retrouver ensuite simplement mises au rencard et méprisées ou également servir à, entre autre, garder et racketter des camps de "républicains espagnols", traquer le Viet-Minh dans les rizières, massacrer quelques milliers de Malgaches énervés, voire, après coup, se faire mitrailler par ses employeurs dès qu'elle réclame sa paye.
On se permet donc de souligner que même s'il est rassurant que le rôle des colonisés soit désormais à peu près reconnu dans l'histoire populaire, il serait méprisant de les cantonner à un rôle de "victimes". Leurs raisons d'aller au casse-pipe n'étaient généralement ni plus ni moins misérables que celles de leurs collègues de la métropole. Avec souvent, comme arrière pensée, être enfin reconnus, voire gagner une certaine autonomie pour "services rendus". De même qu'il serait malhonnête d'oublier le rôle néfaste des troupes coloniales dans un certain nombre de répressions à l'encontre d'autres "indigènes".
Et s'il faut enfoncer le clou, on donnera un dernier exemple : si les troupes de Franco étaient en bonne partie formées de tabors marocains, on trouvera un certain (certes moindre) nombre de marocains tombés contre ce même Franco et sa clique. Faites-donc un tour au cimetière du Camp du Vernet (09) si vous voulez vérifier...
Ces quelques réflexions nous ont été inspirées par la vision de cette vidéo du fort honorable groupe de rock marocain Hoba Hoba Spirit. Formé, en 1998, de Anouar Zehouani, Saâd Bouidi, Adil Hanine, Réda Allali, Abdessamad Bourhim et Othmane Hmimar.
Loin d'être des nationalistes utiles Hoba Hoba Spirit, chef de file de la Hayha music, qui mêle rock, gnawa, reggae est un acteur de la contestation marocaine. Ainsi, en 2003 l'un des membres du groupe a été accusé de satanisme lors du procès des musiciens présumés démoniaques.
Témoin de leur activisme, ce titre, très clashien en soutien au "mouvement du 20 février".
Donc ce fut une émission toute d'amour pour nos amies (et ennemies parfois) les bestioles. Ça donne quelques classiques :
Joseph Racaille Nous sommes animaux
Charles Trenet Le serpent python
Gainsbourg Le serpent qui danse
Brel Les toros
Bobby Lapointe Saucisson de cheval (2)
Michel delpech Le chasseur
Brassens Montélimar
Énigme au poulet
Prévert par ? Le dromadaire mécontent
Thomas Fersen Zaza
François Hadji-Lazaro Je prends mon bain avec mon pingouin
Ricet Barrier Vie de cochon, vie de vedette
Dick Annegarn Mireille
Bobby Lapointe Saucisson de cheval (1)
Ottawan Qui va garder mon crocodile ?
Miliciens et leur ours, Madrid, nov. 1936 (Robert Capa)
On peut écouter ou télécharger en cliquant là.
Et une complainte de 1974 par les Beau Dommage
Lorsqu'il ne dessinait pas l'actualité anticommuniste du moment ou des vieilles dames soi-disant indignes dans le très réac Figaro, Jacques Faizant écrivait quelques chansons vachardes et tout à fait charmantes intitulées "Bouts-rimés".
Le plus bizarre est qu'elles ont assez bien passé l'épreuve du temps.
Ça doit tenir à une certaine misanthropie de bon aloi.
Voici donc La bergère (1958), chanson pour enfants par Paul Hébert, comédien sorti de chez Dullin qui chantait aussi du Vian et du Dimey, à l'occasion, chez Moineau ou à La Colombe:
Exceptionnellement, on va commencer par la reprise en français.
Depuis la fin des années cinquante, notre Claude local, pas encore statufié, n'aimait rien tant que d'aller picorer des standards du jazz, puis de bossa nova, pour y imprimer la marque de ses mots.
Comme le bonhomme s'associait à d'excellents musiciens (Maurice Vander, Eddy Louis, Michel Portal, Bernard Lubat, etc.) il se permit de reprendre sans complexe Louis Armstrong, Dave Brubeck, Charlie Mingus, Thelonious Monk Baden Powell, Chico Buarque, entre autres...
Cela a donné quelques pépites comme ce Sing Sing Song, inclus sur l'album Bidonville de 1965, archétype d'adaptation intelligente.
Ce morceau avait été écrit par le cornettiste Nat Adderley (1931, 2000) avec le titre "Work song", publié sur le premier disque solo de Oscar Brown Jr, en 1960.
Les paroles d'origines sont de JJ Johnson. Pour mémoire, une "Worksong" est un chant de taulards, généralement destiné à être repris en équipe pour ponctuer l'interminable journée de travaux forcés. Les Lomax, père et fils, en ont enregistré quelques splendides exemplaires dans les années 30 et 40.
Ici, la chanson relate la lamentation d'un petit gars, qui tout en ne niant jamais son crime, rêve de sortir de cet enfer de soleil, moustiques et matons tout en maudissant le juge qui l'a amené là.
Ce titre a été popularisé par Nina Simone, en 1961, sur l'album Forbidden fruits. Inutile d'épiloguer sur le talent de la dame, c'est enregistré ici en 1966 à l'émission de Merv Griffin.