Sans le GAM, la chanson francophone belge ne serait pas tout à fait pareille. On peut d'ailleurs en dire autant de l'histoire sociale belge. GAM n'est pas un groupe comme un autre. Si ce sont d'excellents musiciens, ce sont aussi - et sans doute surtout - des individus, hommes et femmes, profondément engagés et inscrits dans leur réalité sociale et économique de la fin du 20e siècle et de ce début de 21e siècle.
Une fameuse bande de musiciens d'abord :
Michel Gilbert, dit "Roudoudou", compositeur et auteur de nombreux morceaux, voix, guitare et bouzouki ;
John Dobrynine, composition, guitare, banjo, flûte, clarinette, orgue ;
Jean-Claude Salémi, composition, guitare… et illustrations !
Ils ont bien sûr travaillé avec d'autres musiciens dont notamment Viviane Fortuné (flûte traversière), Daniel Léon (basse et prise de son), Paolo Radoni (arrangements, guitare, contrebasse), Jeannot Gillis (trombone) et Rudi Schroder (contrebasse). Dans les années 1970, il ne se passait pas un combat social en Belgique - mais aussi à Chooz, en France - sans que le GAM ne vienne pointer ses instruments et ses chansons. Pour faire la fête, mais aussi pour clamer bien haut qu'il ne faut pas se laisser faire, qu'on est tous solidaires et que c'est en s'exprimant ensemble qu'on referra le monde. Ambitieux, oui. Mais ils ont bien raison : une bonne chanson qui dit clairement les choses fait parfois avancer autant les combats qu'une grève bien sèche. Quand on associe les deux, c'est encore mieux ! Jacques Parent, qui les a bien connus et sans qui cette page n'existerait pas, raconte : "Ce fut "Délégué" à Monceau-sur-Sambre, "36 heures" à Cockerill, "Est-ce que tu l'aurais cru ?" chez Siemens à Beaudour, "Chant des chômeuses" à La Louvière. Des amis à eux avaient une résidence secondaire à Chooz. Un jour, au début du mouvement contre la centrale nucléaire, vers fin 78, ils sont passés un WE, nous ont rencontrés, ont improvisé un tour de chants. Cette journée est très bien résumée dans la chanson "Ballade à Chooz"… ! En 79, le 45 tours "Non à la 2e centrale" a été enregistré grâce à eux et vendu au bénéfice du comité de Chooz pour nous aider à la lutte. Par la suite, ils sont venus tellement souvent nous soutenir et chanter pour les fêtes et aussi pendant les manifestions face "aux casqués" que nous les avons considérés comme calcéens (habitants de Chooz). La chanson "Allez les gars" est un morceau composé spécialement pour être chanté face aux CRS et gendarmes mobiles… et il a souvent été chanté ! Le début, sereinement, la fin du morceau, souvent dans un nuage de gaz lacrymogène…"
Grand Jojo Patrouille de nuit Marcel Mouloudji Le voleur La chanson du Dimanche Gardien de la paix Jean-Roger Caussimon Histoire de brigands François Béranger La gigue de la reine Jacques Marchais La valse des monte-en-l'air Les voleurs de poules Anatole Les Charlots Parole, parole, joli motard Mélusine La complainte de Mandrin 12°5 Ils sont partout La Rumeur La meilleure des polices Boris VianLes chaussettes à clous
Les VRP Le roi de la route Alain BashungAucun Express Georges BrassensPour me rendre à mon bureau Dashiell HedayatChrysler Rose Philippe Léotard Le bateau espagnol Bob Deschamps D'j'arai un vélo Francesca Solleville Je déménage Jean Yanne La circulation à Rome
Actualité Mise en demeure Violence légitime, mon oeil
Les quatre barbusL'alcool Marie Dubas Le tango stupéfiant Svinkels Bois mes paroles Andrée Turcy Mon anisette ? Ivrogne et pourquoi pas ? Annie Cordy Six roses Chorenslup Les yeux hagards de Léon Alain Kan Speed my speed
Chanson d'actualité Marc Ogeret Faut plus d'gouvernement
Reprise Bohn' Hem Voyage voyage The Bellrays Les cornichons
Pour les enfants Delphine Seyrig Conseil de la fée des lilas
Curiosité Gherasim Luca
Bonus Nitta Jo J'ai soif
Et voilà la première émission de l'herbe. Merci à Paule qui a pris sur son temps précieux pour réaliser ce travail titanesque.
Roger Riffard décèP de le 29 octobre 1981, deux heures avant son ami Brans.
Il arrive parfois de glaner des petites merveilles, même sur l'internet...
Ainsi donc Roger Riffard, ce grand oublié.
Né à Villefranche de Rouergue dans les années 20, prof, puis cheminot, Riffard écrit au Monde Libertaire avant que l'on ne publie ses deux romans La grande descente et Les jardiniers du bitume (ed. Julliard), remarqués par René Fallet.
A côté de ça, il écrit des chansons et ses amis l'encouragent à se produire en public. Il joue alors au Cheval d'Or, où il croisera Ricet Barrier, Anne Sylvestre, Boby Lapointe... et l'on rie alors de son air improbable, de ses costumes élimés, de sa voix de fausset. Cet olibrius attifé en employé SNCF en rajoute par des mimiques décalées, laissant ses spectateurs pantois. D'autant qu'on est vite surpris par ses textes drôles et tendres écrits dans un français châtié.
Jacques Canetti le fait enregistrer en 1959.
Il se produit dans d'autres cabarets parisiens et fait la première partie de Brassens à Bobino, à l'olympia, en province... éclipsant parfois le grand Georges. A la fin des années 60, Riffard délaisse la chanson pour devenir comédien et tiendra des second rôles dans des chef-d'oeuvres comme Buffet froid de Blier, Lacombe Lucien de Louis Malle, le sauvage Themroc de Claude Faraldo, Allons z'enfants d'Yves Boisset.
On le voit également au théâtre jouer dans le fameux Cripure de Louis Guilloux ... et dans un nombre assez inquiétant de nanards. D'où ça tête légèrement ahurie qui dit vaguement quelque chose...
Riffard revient sur scène en 1979 à la Vieille Grille pour un dernier tour de chant. Il décède le 29 octobre 1981, deux heures avant son ami Brassens. « Parti en lever de rideau », selon la formule d'Anne Sylvestre. Des artistes aussi divers que Michèle Arnaud, Suzanne Gabriello,Anne Sylvestre, Julos Beaucarne, Gérard Morel, Mouloudji, Daniel Prévost, Jacques Marchais etc... ont enregistré Roger Riffard.
Une compilation de chansons de Roger Riffard a paru chez universal en 2000.
Pour ceux qui veulent en savoir plus sur le bonhomme et ses chansons rendez-voussur ce site, très complet, d'où j'ai tiré la substantifique moelle de ce texte.
«
On a monté un groupe avec des potes qui sont pas musiciens Nous
on fait pas d’la soupe et quand on joue ça fait hurler les
chiens J’ai
largué mes bijoux et je porte autour du cou Une
épingle à nourrice et une tranche de foie d’génisse C’est
plus économique, c’est plus pratique J’suis punk, c’est
fantastique ! » Gang
mythique du punk franchouillard, Bulldozer a démarré en trombe en
77, drivé par Gérard Pisani et deux autres ex-Martin Circus,
accompagnés du guitariste Lolita Carabine d’Extraballe (le futur
Lol du groupe de l’émission Nulle Part Ailleurs). De sacrés
musiciens, malgré ce que prétend leur manifeste « J’suis Punk »,
qui ont décidé de se fendre la poire et de faire la nique aux kids
en balançant un cocktail explosif de gros riffs qui tâchent et de
paroles inénarrables. Gérard
Pisani (alias Gerry Zipanar !) incarne avec brio le prolo branleur et
alcoolo beuglant d’une grosse voix gouailleuse des textes
anarcho-gaucho-dadaïstes qui narrent déjà les HLM pourries,
le chômage de masse et les gros richards effrayés par les
bolchéviques planquant leur pognon en Confédération Helvétique.
Ironie
de l’histoire, avec ses mélodies imparables et ses refrains
épiques, cet album gag va devenir l’un des rares classiques du
punk seventies hexagonal. Sa couverture, un collage azimuté
agrémenté de légendes à l’avenant (« Dédié à Amin Dada »
ou « L’écoute de cet enregistrement est fortement déconseillée
aux cons. »), sera même réutilisée pour le Killed By Death # 200,
sur lequel figure d’ailleurs « J’suis Punk », un tube mémorable
qui sera notamment repris par les No Talents. Les
blagues les meilleures étant les plus courtes, le deuxième album
(Des Gamelles Et Des Bidons) fut un bide total, ni punk ni drôle, et
nos héros désertèrent les terrains vagues, laissant à la
postérité quelques grands moments de poésie urbaine.
MERCI AU COMMANDANT SYLVAIN (Dig It !
Canal Sud le jeudi à 21h30) DU BLOG DU CHANT A LA UNE POUR CETTE
BIO.
Le tube du printemps 2012 au Québec par le groupe "Mise en Demeure".
Quand ils coupent les programmes sociaux
Qui demandent aux pauvres de travailler plus
Pour que les riches payent moins d'impôts
On se statch tous ensemble dans les bureaux d'la Loto
Pis on chante des beaux slogans, on est bin belles on est bin beaux
Refrain
On reste, on reste, on reste pacifique
Quand y nous demande gentiment de partir
Que les gardas nous tapoche un peu pour pas que la situation empire
Ils nous siffle à l'oreille un doux avis d'éviction
Les policiers courent à l'appel pour faire leur job avec passion
Refrain
Quand l'anti émeute rapplique
Pour nous protéger des méchants
Ils tapent sur leurs boucliers
Sont pas bin tight avec nos slogans
Et on se met à genou, les médias vont prendre des photos
Fak on fait des oreilles de lapin
On est rebelle on est pas fin
Refrain
Vu qu'on fait des signes de peasse
Ils nous donne du poivre de cayenne
On s'amuse on est festif
entre citoyen et citoyenne
et ils tabassent des militants
ils foutent toute leur yeules en sang
ils les arrêtent arbitrairement
pour leur faire passer trois jour en d'dans
Refrain
Ils nous envoient des flash bombes
Qui nous explosent dans yeules
Nos ami-e-s se font peter des membres
Yen a même un qui perd un œil
On dérange rien, de rien on reste pacifique
On casse rien, on veux pas troubler l'opinion publique
On dérange rien, de rien on reste pacifique
On casse rien, on veux pas troubler l'opinion publique
Quand ils flingueront un cégepien
Un peu trop idéaliste
On va ptête se dire mine de rien
Qui serait temps qu'on réagisse
Ça reste, ça reste, ça reste des osti de flic!
Au service des riches et des fascistes!
C'est pas des pacifistes qui vont changer l'histoire!
On pitch des pavé et puis on brule des chars!
En 1966, les frais de la guerre du Viêt Nam amènent des suppressions de postes dans les universités américaines. Un Français, Joël Sternheimer, docteur en physique théorique de 23 ans, voit son poste d’assistant à Princeton (chez le professeur Wigner) dans la liste de ces suppressions.
À cette époque, en France, le phénomène Antoine prend l'allure d'une véritable révolution, son diplôme d'ingénieur le met à part du monde classique de la pop. Joël ne pourrait-il faire à son tour un disque, lui « par rapport à qui Antoine n'a qu'un bagage de collégien » ?
Revenu en France pour les vacances de Noël, il passe avec succès une audition chez Disc’AZ (obtenue via un ami rencontré au restaurant de l'École normale supérieure), et enregistre en quelques jours, sous le pseudonyme d’Évariste (référence à Évariste Galois), un disque en forme de dialogue surréaliste entre un oiseau de nuit et un saurien rugissant, qui, dans le sillage d’Antoine et de ses élucubrations, connaîtra lui aussi un vif succès : Connais-tu l’animal qui inventa le calcul intégral ?.
Cette escapade se voulait au départ sans lendemain. L’année suivante éclata cependant en France Mai 68, qui poussa le chanteur à reprendre la guitare pour enregistrer, en autogestion cette fois — avec l'aval du patron de Disc'AZ, Lucien Morisse — un disque aux accents plus clairement politiques :
« Si j’suis tombé par terre
C’est la faute à Nanterre Le nez dans le ruisseau
C’est la faute à Grimaud… »
Il se retrouve vite adopté par la bande d’Hara-Kiri, à commencer par Georges Wolinski qui dessinait dans Action, et écrira plus tard quelques articles politiques et épistémologiques assez abstraits dans Charlie Hebdo.
Lorsque Claude Confortès se propose de faire un spectacle à partir de la série Je ne veux pas mourir idiot de Wolinski, c'est tout naturellement à Évariste qu'il demande d'en écrire et interpréter les chansons.
Par la suite, le chercheur Joël Sternheimer — chercheur indépendant, car ses disques lui ont donné une certaine autonomie financière — prendra le pas sur le chanteur Évariste. Il s'intéresse ainsi aux relations possibles entre la croissance des plantes (et plus généralement la synthèse de protéines) et leur exposition à des séquences musicales, assisté par sa jeune épouse japonaise.
Mais l'humour ne l'a pas abandonné pour autant : il a épousé celle-ci dans la ville de Seix (Ariège).
Et une version du classique d'Aristide Bruant jadis interprété par notre Schultz national pour la compilation "pour en finir avec toutes les prisons" elle même liée à l'anthologie de textes anti-carcéraux édités chez l'Insomniaque.
Pour en finir avec le travail, "Chansons du prolétariat révolutionnaire". Anthologie de la chanson française, EPM.
L'album, paru en 1974, introuvable depuis, était devenu un mythe : la seule trace discographique qu'ait laissée la mouvance situationniste, soit neuf chansons appelant toutes à une révolution violente, la plupart détournant un air connu, selon une des plus typiques pratiques du groupe situ (mais les chansonniers, en composant leurs chansons sur des airs en vogue étaient depuis toujours des situationnistes à la Monsieur Jourdain).
Depuis longtemps, les initiés se passaient le mot : la plupart des chansons de l'album étaient signées Jacques Le Glou, compagnon de route des situs, mais certaines " anonymes " auraient été écrites soit par Guy Debord, ou par Raoul Vaneigem... On murmurait aussi le nom de Roda-Gil, plus connu aujourd'hui pour ses activités dans le Top 50 qu'en tant qu'anar (même si une romance comme Il neige sur le lac Majeur, chantée par Mort Shuman, fait allusion à une célèbre anecdote de la vie de Bakounine).
Le Glou, devenu producteur. Plus besoin de jouer les analystes stylistiques pour "démasquer" les auteurs : pour cette réédition, les signatures sont accolées aux chansons. On retrouve sans étonnement dans la Java des bons enfants le laconisme sardonique de Debord, et dans la Vie s'écoule, le temps s'enfuit l'obsession temporelle récurrente chez Vaneigem. Le seul emprunt au passé est un anonyme daté de 1892, le Bon Dieu dans la merde, popularisé par Ravachol qui la chanta en montant à la guillotine... avant que le couperet ne l'empêche d'aller jusqu'au dernier couplet.
Vingt-cinq ans après, Jacques Leglou, qui fut la cheville ouvrière de Pour en finir avec le travail, reçoit à Paris, à la Butte aux Cailles, dans une jolie maison transformée en bureau. Aujourd'hui, il est exportateur de films français à l'étranger, producteur. Quand on croise son œil débonnaire, comment croire qu'il a pu signer des lyrics sanguinaires du genre "Les maquisards sont dans les gares / à Notre-Dame on tranche le lard"?
"...Les 403 sont renversées La grève sauvage est générale Les Ford finissent de brûler Les enragés ouvrent le bal..."
Fidèle au folklore situ, l'histoire commence par une exclusion: quand Le Glou est éjecté de la Fédération anarchiste à la suite du Congrès de Bordeaux de 1966. On lui reproche d'avoir titré en une du Monde libertaire à la mort d'André Breton : "Deux grands malheurs pour la pensée honnête en France : André Breton est mort et Louis Aragon est toujours vivant". De toute façon, lui et ses amis récusaient le Monde libertaire qui avait refusé des textes situs. Le Glou fonde une Internationale anarchiste, et prend ses premiers contacts avec les situationnistes.
En Mai 1968, il participe au Comité pour le maintien des occupations (CMDO), créé le premier jour de l'occupation de la Sorbonne, où l'influence de Debord et de ses proches est signifiante. Passionné de chansons, les événements l'inspirent : "Pour faire comme Jules Jouy pendant la Commune, j'écrivais une chanson par jour. En parlant avec Debord je me suis aperçu qu'il en avait aussi écrit beaucoup. Je lui ai présenté Francis Lemaunier, un musicien qui venait des rangs libertaires, ils ont travaillé ensemble".
Vers 1972, sans aucune expérience, il décide de faire un disque avec tout ça. "On a enregistré quatre chansons, Pierre Barouh nous a prêté son studio. J'ai fait le tour des maisons de disques, personne n'était intéressé. J'ai trouvé 100.000 F pour produire l'album. La législation d'alors était plus dure pour les détournements : il fallait l'aval de l'éditeur, de l'auteur, du compositeur. Brassens, Ferré, Moustaki ont refusé. C'est Lanzmann et Dutronc qui les premiers ont permis qu'on mette "Paris s'éveille" à notre sauce. Pour A bicyclette, Barouh avait écrit le texte, alors ça ne posait pas de problème. Prévert a beaucoup ri de nos Feuilles mortes. Roda-Gil m'a laissé sa chanson sur les partisans de Makhno, il avait fait un passage au CMDO". Étienne Roda-Gil aime à rappeler que cette chanson remonte à 1961 : "Elle était chantée par les anars de l'AIT. Elle contribuait à la lutte antifranquiste en l'identifiant à la lutte antistalinienne" (les deux chansons de Guy Debord remontent elles aussi à cette époque, ndlr). Ravi que ce souvenir de jeunesse réémerge, Roda-Gil raconte : "J'ai rencontré Alice, elle m'a dit : "On va ressortir le disque et là on va mettre ton nom" (Alice Becker Ho, signataire d'une des chansons de l'album, est la veuve de Guy Debord. Ni elle ni Vaneigem n'accordent d'interviews).
Pour enregistrer l'album, Leglou avait choisi des musiciens de l'Opéra, afin de casser l'image des productions gauchos avec de la musique au rabais. Leglou était ami de Pia Colombo, il aurait voulu qu'elle chante, mais elle était malade. Sur le CD, la voix féminine est toujours créditée "Vanessa Hachloum", quand l'amateur reconnaît Jacqueline Danno. "Elle a eu peur devant les textes, c'était pas son public. On lui a trouvé son pseudo, Hachloum comme HLM". Aujourd'hui, Jacqueline Danno s'amuse encore de ce pseudonyme : "C'était si drôle, j'ai préféré qu'on le garde sur la réédition. En fait, j'étais sous contrat avec une maison de disques qui n'aurait pas du tout apprécié... C'est la même histoire que pour le film Lola : Jacques Demy m'avait demandé de chanter la chanson du film. C'était difficile, la scène avait déjà été tournée, je devais chanter en suivant les lèvres d'Anouk Aimée. J'étais sous contrat à cette époque, le disque est sorti dans une autre maison, sans mon nom. Récemment j'ai vu un CD avec la chanson de Lola où il y a écrit "avec la voix d'Anouk Aimée !"
"La voix masculine, c'est Jacques Marchais, fleuron de la chanson Rive Gauche (prix Charles-Cros 1966)* qui n'avait jamais connu les honneurs du laser." Je crois que Leglou est venu me chercher à la Contrescarpe, où j'ai chanté jusqu'en 1968. Je lui disais toujours "pour qui sonne Leglou !". Les textes m'ont tout de suite amusé. Il devait y avoir un second volume, et puis cela ne s'est pas fait. J'avais déjà travaillé quelques titres. Je me rappelle d'une "anarseillaise", ils avaient détourné Gatztibella, le poème de Hugo chanté par Brassens. Au lieu de "Il est des filles à Grenade" ça commençait par "Il est des filles à grenades / Il en est d'autres à bazooka". Après ce disque, Jacques Marchais se met à écrire ses propres chansons, qu'aujourd'hui encore des groupes bretons interprètent. Il a adapté la comédie musicale Cats en français, et puis "j'ai essayé de gagner ma vie en faisant des doublages, des dessins animés, de la pub : j'ai été la voix du capitaine Igloo, j'ai fait beaucoup de gros chiens".
*Sa discographie comprend une douzaine de 33 tours, dont le mythique On a chanté les voyous chez Vogue, à partir d'un répertoire de chansons de taulards de la belle époque.
Fin 1973, le disque enregistré, Leglou en écrit les notules avec Guy Debord. Certains amis de 1968 sont devenus des ennemis, depuis que l'Internationale situationniste a scissionné l'année d'avant. On garde leurs chansons mais, pour les initiés, la notule sur la chanson de Vaneigem, qui fait allusion à son pseudonyme d'alors de "Ratgeb" sent le règlement de comptes. Le disque paraîtra sans nom, sauf celui de Leglou, et on brouille les pistes : "Pour la Java des bons enfants, on a attribué la chanson à Raymond Caillemin, le vrai nom de Raymond la Science, un membre de la bande à Bonnot; depuis, l'information a été reprise par des historiens "sérieux"
"Ils ont sorti 3500 disques, 500 cassettes. La critique était délirante :Delfeil de Ton nous encensait, le Monde me comparait à Renaud... La Fnac nous avait mis à l'entrée, en vue sur des pyramides. Tout s'est épuisé en quatre mois. Je suis revenu pour un autre tirage, mais entre-temps ils avaient vraiment écouté les textes : c'était devenu hors de question". C'est en apprenant le prix qu'atteignait aujourd'hui cet album aux puces, que Leglou a voulu le rééditer. "Quinze boîtes ont refusé. Finalement, j'ai appelé François Dacla à EPM : Il m'a dit: "Viens tout de suite !" Il était PDG de RCA en 1974 ! Mais cette fois, j'ai tenu à mettre le vrai nom des auteurs".
Propos recueilli par Hélène Hazera Article paru dans libération le 27 février 1999
Les titres des chansons, leurs "auteurs" & les commentaires tels qu'ils apparaissaient dans l'édition de 1974.
1 - L'Bon Dieu Dans La Merde [1892 - anonyme]
Cette chanson, très en vogue dans les milieux anarchistes de la fin du 19ème siècle, aété chantée par Ravachol motant à la guillotine le 11 juillet 1892, dans la prison de Montbrison. L'exécution interrompit Ravachol à la fin de l'avant-dernier couplet, qui est aussi le plus significatif. On y retrouve, à travers la référence au Père Duchesne et à Marat, l'évocation des revendications sociales des Enragés & des bras-nus de la première Révolution française. Les travailleursqui se dressent contre la sociètè de classes y désignent encore leurs ennemis, voués à la lanterne, sous les seules figures traditionnelles du propriétaire & du prêtre.
2 - La Java Des Bons Enfants [1912 - Raymond Callemin]
On connait le massacre causé dans le personnel du commissariat de police de la rue des Bons Enfants par la bombe anarchiste, du modèle classique dit "marmite à renversement", qui y explosa le 8 novembre 1892. Quoiqu'elle fût sans doute destinée à soutenir la grève des mineurs de Carmaux, une partie des ouvriers parisiens d'alors nièrent l'efficacité tactique de cette forme de critique sociale. On entend un écho de ces divergences ("les socialos n'ont rin fait...") dans cette java des Bons-Enfants, qui du reste n'est pas contemporaine de l'évènement. Exprimant une franche approbation de l'action directe, la chanson n'est en fait écrite que vingt ans plus tard parmi les anarchistes de la fameuse "Bande à Bonnot", quand celle-ci mène, à l'aide d'automobiles volées, la première de toutes les tentatives de "guérilla urbaine". Son auteur, guillotiné en 1913, est Raymond-La-Science, de son véritable blase Raymond Callemin.
3 - La Makhnovstchina [1919 - anonyme ukrainien]
On sait comment la révolution soviétique en 1917 a été vaicue par le parti bolchevik qui, saisissant le pouvoir étatique, constituaa sa propre bureaucratie en nouvelle classe dominate dans la société. Cette dictature totalitaire fût naturellement combattue par les travailleurs révolutionnaires, notamment les marins du soviet de Cronstadt et le mouvement anarchiste d'Ukraine, qui simultanément furent au premier rang dans la guerre civile contre les armées blanches de la réaction tsariste. L'armée anarchiste de Makhno, la Makhnovstchina, fut utilisée dans les phases critiques de la lutte contre les généraux blancs Dénikine et Wrangel par Trotsky, chef de l'armée rouge, lequel, une fois le péril écarté, exigea sa soumission à l'État renforcé et, ne pouvant y parvenir, l'anéantit par les armes.
Modernité à relever, c'est sur un air bolchevik (Chant des partisans) aussitôt détourné par les communistes-libertaires et les autogestionnaires d'Ukraine que cette chanson de la Makhnovstchina a été composée. Son attribution à Nestor Makhno lui-même n'est pas crédible et, pour diverses raisons, ne nous semble pas m^me mériter l'examen. Sans pouvoir trancher cette question, notons que les noms de Voline et, beaucoup plus vraissemblablement, d'Archinov, ont été souvent avancés.
5 - La Vie S'écoule, La Vie S'enfuit [1961 - anonyme belge]
Sur un air qui évoque curieusement le folksong de l'Ouest américain, cette chanson mélancolique tire son origine de la grande grève sauvage de la Wallonie, au début de 1961. On y sent toute le tristesse d'un prolétariat une fois de plus humilié et vaincu. L'évocation assez conventionnelle, de "la violence" qui mûrira dans l'avenir, ne peut dissimuler la déception, la sensation poignante de devoir vieillir sans avoir pu atteindre ce que l'on s'était promis de la vie. C'est parmi les travailleurs de chez Ratgeb, à Linkebeek dans la banlieue bruxelloise, entreprise bien connue pour la radicalité & la fermeté constantes de ses luttes quotidiennes, qu'a été composée la chanson. On est amené à remarquer, une fois de plus, à propos de cette production où une indéniable maîtrise du langage sert un rythme délicat, combien de talents dorment, inemployés, dans la classe ouvrière; talents qui, chez des petits-bourgeois passés par l'université, se prostitueraient tout de suite dans le journalisme alimentaire ou parmi la valetaille des petits cadres de l'édition.
6 - Il Est Cinq Heures [1968 - Jacques Le Glou]
L'original de la chanson, interprétée par Jacques Dutronc, était un succès des premiers mois de 1968. Le moi de mai devait amener sa version détournée, plus concrète quoique encore prophétique. Chantée dans les rues, sur les barricades, elle a été de nombreuses fois ronéotypée dans les assemblées fièvreuses de ce temps-là, en particulier dans la "Salle Jules Bonnot" de la Sorbonne occupée.
Ce détournement, tout en retrouvant la fête de la Commune, avec sa colonne qui tombe, est visiblement une réponse aux urbanistes & autres policiers de l'époque gaulliste. Ce ne sont plus les Halles que l'on démolit, mais le Panthéon. Ce ne sont plus les quais que l'onravage, mais la place de l'Étoile. Cette critique préfigureles futures actions révolutionnaires pendant les émeutes, et après si elles ont réussi : détruire à tout jamais la laideur répressive et morale du pouvoir.
Si certains s'étonnent des violences qui menacent les bureaucraties syndicales ou le "parti dit communiste", il leur suffira de lire aujourd'hui les articles de l'Humanité du mois de mai 1968 pour en vérifier l'inoubliable ignominie. Il faudra évdemment d'autres Mai à la classe ouvrière afin qu'elle revendique elle-même son autonomie, ses propres organisations, sa propre autodéfense. Elle sait déjà qu'elle ne peut combattre l'aliénation par des moyens aliénés, et que la bureaucratie syndicale est son premier ennemi. En Italie comme en Angleterre, en Allemagne comme au Portugal.
"Après Paris, le monde entier..." Ce fut vite vérifié.
8 - La Mitraillette [1969 - Jacque Le Glou]
À paartir d'une bicyclette chantée par Yves Montand, cette chanson exprime le retour de l'extrémisme révolutionnaire dans la jeunesse d'aujourd'hui. On y retrouve sa sensibilité, les seuls héros du passé qu'elle veut reconnaître, et l'essentiel de ses projets d'avenir. On remarquera tout particulièrement l'importance accordée au thème de l'armement.
9 - Les Bureaucrates Se Ramassent À La Pelle [1973 - Jacques Le Glou]
Les Feuilles mortes de Prévert & Kosma, la plus connue peut-être des chansons de la fin des années 1940, la chanson de St-Germain-Des-Prés, voit ici son contenu détourné d'une manière significative. Dans le lyrisme d'un temps changé, la "grève sauvage" de l'avant-révolution a remplacé, comme référence centrale, les amours mortes d'après-guerre. L'internationalisme nouveau y rapproche la lutte des anti-péronistes d'Argentine et l'exemplaire grève antisyndicale des dockers d'Anvers. Surtout, on y trouve formulé le but révolutionnaire explicite des "loulous", des jeunes prolétaires des banlieues modernes : "Ne plus jamais travailler." Comme dans toute l'expression nouvelle qui se développe depuis mai 1968, la valeur libératrice de la pratique de l'érotisme est évoquée.
"...Quelques mois avant sa mort, nous embauchâmes Fréhel la Grande pour venir chanter ses vieux succès. Le musette l'avait vue débuter momignarde sur une table où elle grimpait pour pousser ses goualantes, après elle faisait la quête.
Entre ses deux époques de musette elle avait eu le temps de bouffer toute sa braise, quand elle vint chez nous elle était à la côte, et avait l'impression de se retrouver subito à la tête d'une nouvelle carrière. Ça lui plaisait. Pierre allait la cueillir chaque soir sur les pentes de Montmartre où elle créchait pour la ramener dans une invraisemblable voiture : un châssis et deux sièges. Sur la route les gens la reconnaissaient et criaient son nom, elle saluait de la main et passait comme une reine mère. Elle portait bien son âge qu'elle ne voulait avouer. Son corps usé, meurtri par trop de tentatives de suicides, était intouchable, il fallait faire très attention pour lui serrer la main. En pantoufles sur des socquettes de laine rouge, en jupe noire plissée de fille des Halles, poings sur les hanches, dans un coin de la piste elle regardait la salle puis se tournait vers l'accordéoniste.
- Vas-y, minet vert...
Les conversations s'arrêtaient, tous les visages n'avaient plus qu'un objectif, celui de la chanteuse, les cigarettes brûlaient passives au bout des doigts pour être brusquement abandonnées lorsque, à la fin de la chanson, Fréhel stoppait la musique.
- Pour moi toute seule la dernière note...
Elle l'envoyait, sa dernière note, sous les applaudissements sans arrière-pensée de l'auditoire soufflé.
- Elle a toujours sa voix de vingt berges, y a pas d'histoire, pas une qui lui arrive à la cheville.
Son tour terminé, Fréhel regagnait la table qui lui était réservée. Elle s'affalait sur la banquette et selon le jour commandait du champagne ou de la limonade.
- Viens faire un cochon.
Le cochon est un jeu fort simple. Il se joue avec trois dés, une feuille de papier et un crayon. Chaque fois qu'il sort un as, on dessine une partie de l'animal en question... la tête, les oreilles, les yeux... jusqu'à ce qu'il soit complet. Ensuite on rejoue pour le tuer. Chaque as sortant permet d'effacer une partie dessinée précédemment. Le premier qui a terminé est déclaré gagnant et commande une tournée.
Fréhel gagnait toujours. Chaque cochon tué, elle se tournait vers le comptoir.
- Patron, une coupe c'est pour Bob...
Les affaires marchaient trop bien pour ne pas attirer l'attention de quelques amis qui avaient une vieille histoire à régler avec Jo. Ils atterrirent une nuit, et l'entretien qu'ils eurent avec notre associé ne nous fut jamais communiqué. Après avoir fermé la boutique sans prévenir, Jo et Lolotte disparurent on ne sait comment."
Robert Giraud , Le vin des rues
Pour en savoir plus sur les derniers concerts de Fréhel au Bal des tatoués, nous vous invitons à aller ici.
Et plus généralement pour en savoir plus sur Robert Giraud, Doisneau, Jean-Paul Clébert, Jacques Yonnet et toute la faune de la Mouffe, de la Maube, des Halles et de la Contrescarpe dans l'après-guerre, n'hésitez pas à compulser le blog très fouillé le copain de Doisneauconsacré à Bob Giraud et à son univers.
Gabin et Fréhel, "La môme caoutchouc" dans "Coeur de lilas (1932)
Pour finir en beauté, Philippe Clay et Serge Gainsbourg nous chantent à l'ORTF une bien belle chanson qui rappelle ces temps oubliés. Les nippes avec...