lundi 21 décembre 2020

Bootboys

Skins en 1979 ? Non Slade en 1969

I’m a juvenile product of the working class, whose best friend floats in the bottom of a glass.
Satuday night's allright for fighting (Bernie Taupin / Elton John)
 
Habituellement on laisse la joie des organigrammes aux flics ou aux juges d'instruction. On va faire une exception sur ce coup là car le joyeux bordel dont il est ici question n'est rien moins que le chaînon manquant entre mods et skinheads.  
Si on en croit le dictionnaire de Cambridge, le bootboy est un cireur de godasses. Le très honorable dictionnaire semble ignorer qu'entre 1969 et 1974, de jeunes sujets de sa gracieuse majesté issus des classes prolétariennes se sont donnés ce sobriquet (on les appelait aussi hard mods ou smoothies par antiphrase) tout droit venu de leurs godasses d'embrouilleurs tout en se rasant la boule à zéro afin de se différencier de la masse des hippies. 
Comme le capitalisme et son serviteur, la mode, n'avaient pas encore revendus les fringues de chantier à dix fois leur prix aux petits bourges, les jeans et les Doc marteens coquées, si pratiques pour la baston, étaient de rigueur. De même le crâne d’œuf interdisait au flic ou à l'ennemi du moment de vous saisir par la tignasse. Un des premiers groupes à adopter ce look tout droit issu des bandes de hooligans furent une bande des Midlands managés par Chas Chandler (ex guitariste des Animals et importateur de Jimi Hendrix en Angleterre) les Slades pour envoyer un rock bruyant et sans prétention rattaché au courant glam rock
The shape of things to come (hommage non dissimulé aux Yarbirds)

 

Glam rock, le gros mot est lâché ! Car ces amateurs de rhythm'n blues et de soul pétaradante ont inondé le Royaume Uni du début des années 1970 de refrains à deux balles, limite vulgaires, qu'on a rattaché à ce courant. Mais attention, contrairement à la tendance sophistiquée représenté par Bowie ou Roxy Music, on ne sort pas des beaux-arts mais de l'usine et du pub du coin.
Lorsque ce n'est pas de la maison de correction pour mineurs, les sinistres borstals, comme les Fresh qui enregistrèrent un album sur le sujet entremêlant une musique funky à des témoignages de jeunes taulards. 
Il semble que même les Glimmer twins (Jagger et Richards) aient écrit un air pour ce disque qui nous change agréablement des opéras rock sur les sourds muets aveugles, par exemple. C'était huit ans avant les Sham 69.

 
 
Mais les hymnes de cette mouvance célébrant la vie entre potes ponctuée de virées au bar, au stade et au commissariat sur fond d'ambiguïté sexuelle furent sans doute Mott the Hoople des gallois (z'avez remarqué à quel point cette zique est la revanche des ploucs ?) menés par Ian Hunter, formés en 1969 et poussés par Bowie. Ils vont influencer une ribambelle de futurs punks de 1976 / 1977 en rythmant leur adolescence.
Une bonne définition des bootboys : One of the boys


À ce stade, le lecteur se demande ce qu'Elton John cité en exergue, vient foutre dans ce merdier. Ben, le petit gars du middlesex a eu sa période hooligan bien avant de faire dans un style sirupeux qui l’anoblira et son Saturday night's allright for fighting n'est rien d'autre qu'un hymne à la baston à la crade. 
Terminons la monstrueuse parade par quelques Écossais.
Les Iron Virgins (Tudieu ! Quel nom à la con !) ont débuté sur scène attifés en Orange Mécanique avant de se transformer en footballeurs américains équipés de ceintures de chasteté. Autant dire que ces gars n'avaient aucune chance de percer.

Les trois masochistes qui sont encore là peuvent retrouver ces Benny Hill du rock'n roll avec cette sélection.
Amis du bon goût, bonsoir.

9 commentaires:

  1. Euh, vous êtes au courant que les premiers skinheads sont apparus vers 1968, issus de la frange prolo du mouvement mod ? Et que les boot-boys étaient un autre de leur sobriquet avant de devenir une sorte de style à part entière début 70's quand les cheveux ont commencé à repousser ? Vous vous embrouillez dans les époques les gars...
    La passade "skin" de Slade visait justement (sans grand succès) à surfer sur la mode skin de 1969. Or ils avaient oublié un truc : les skins ne juraient que par le reggae.
    Le premier groupe de rock vraiment skin fut The Neat Change, auteur d'un seul 45T en 1968. Il faudra, ensuite, attendre la vague punk pour voir d'anciens skins (genre Paul Simonon ou Glen Matlock) se mettre à jouer eux-mêmes des instruments... On connaît la suite.
    Quant à The Shape of Things to Come, c'est surtout un hommage à l'ouvrage éponyme d'HG Wells (1933) qui donna un superbe film ô combien prémonitoire en 1936.

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  2. Le glam-rock est un peu plus tardif, largement initié il est vrai par Slade quand ceux-ci se sont débarrassés de leurs déguisements de faux skins (qui leur avait valu les foudres des vrais, pas dupes).
    Ce sacré Elton John rend d'ailleurs un hommage très appuyé aux bootboys dans Tommy, des Who.
    Quant à Iron Virgin, leur nom est sûrement aussi stupide que celui d'Iron Maiden, vu que ça fait référence à la même chose (une "vierge de fer", instrument de mort moyen-âgeux).
    De toute façon, pour du bon rock de prolos anglais de la même époque, on n'a jamais fait mieux que Third World War.
    Bref, en guise de rappel chronologique, voici un bon p'tit reggae made in 1970 illustré d'images d'époque : https://www.dailymotion.com/video/x1k69s

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  3. Quant aux smoothies, ce fut une évolution, début 70's des skinheads. Entre les deux (skins et smoothies), il y eu les suedeheads. Le tout faisant référence à la longueur des cheveux s'épaississant au fur et à mesure. Pas étonnant, car vu le bordel qu'ils avaient mis en 1969-70, les tondus étaient triquards de tout-par !
    Et à l'époque skin originelle, on se rasait pas la boule à zéro... Ça c'est venu plus tard, avec le revival de 1978 mais surtout vers 1980.
    Pis si les skins de 1969 se sapaient en jeans et godasses de sécurité et de chantier pour aller au stade ou batifoler dans la rue, ils savaient porter le crombie et le sta-prest en soirée. La classe ouvrière quoi.
    Tiens, un autre p'tit morcif (de 1969) d'anglojamaïcinas rendant hommage à leur public tout en lui demandant de se calmer un brin : https://www.youtube.com/watch?v=WXDbAGGXDQ0

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    1. On vous attendait un peu sur ce coup là mon Chéri.
      Alors, bien évidemment qu'une part des premiers neusks écoutaient du rock steady, après tout "Israelites" fut le tube de 1968 MAIS à voir la vague spécifiquement "Boot boys", on formule l'hypothèse que ça concernait essentiellement des londoniens.
      Y'a qu'à voir que ces lourdauds qui déboucheront sur le glam venaient comme par hasard du centre et du nord de l'Angleterre, de Glasgow et du pays de Galle. Ce qui en fait une branche spécifique.
      Après, z'avez raison dans la chronologie et la longueur de tifs mais c'est pas contradictoire. Comme chez nous, l'a fallu que les provinciaux s'y mettent.
      Enfin, c'est comme ça qu'on le voit, on va pas chipoter comme des zuniversitaires en mal de cuistrerie.
      Et bien vu pour l'allusion à HG Wells. Elle nous avait complétement échappé.
      Au fait, ne concevez-vous les commentaires qu'en rafale ?
      Salud ! On va écouter tout ça.

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    2. Ah, et si on n'a pas cité les très méritoires Thirld world war, c'est qu'on y avait consacré un article en juillet dernier :
      https://radioherbetendre.blogspot.com/2020/07/heros-oublies-du-rockn-roll-third-world.html.

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    3. Oui, m'enfin Israelites c'est un reggae, pas un rocksteady. Bon, on va pas chipoter. Reste que si vous aviez, mes chers Michel & Simon, pris le temps de voir le tout à fait convenable reportage didactique de Don Letts dont ai-je mis le lien ci-dessous, vous auriez des éléments de réponse à votre interrogation sur l'ampleur du phénomène skin hors des frontières londoniennes. N'en reste pas moins que votre article, ci-dessus, mélange les époques –à peu d'années près, je vous le concède– et les rapports de causalité.
      Slade a adopté ce look parce que Chandler s'est dit qu'ils pourraient attirer les innombrables skinheads... pas l'inverse. Et il s'y est cassé les dents (il y a, je ne sais plus où sur la toile, un excellent documentaire sur Slade très clair à ce sujet).
      Donc ne serais-ce que la légende de la photo ouvrant ce billet devrait plutôt être "Skins en 1969? Non, Slade la même année". A preuve, leur look (manteau "sheepskin", gilet sans manche, chemises claires) est typiquement celui de la première vague skin, pas franchement de la seconde. Donc le sobriquet le plus usité à l'époque 1969 n'était plus "hard mods" (un des premiers surnoms des skins, vite abandonné)et pas encore "smoothies" mais bel et bien "skinheads". L'appellation bootboys s'est généralisée autour du hooliganisme de plus en plus chevelu des early 70.
      Et que dire de la soul, sûrement autant suivie que le "glam" naissant ?
      Bref, fin 60's-début 70's les skins se sont propagés dans une bonne partie le Royaume-Uni, jusqu'en Australie où ils donneront naissance aux "sharpies" (zéra avec un mulet !) qu'en bons amateurs de glam rugueux,vous avez sûrement déjà entendu parler.
      Et désolé pour mes courts messages en rafale, ça m'énerve de pas pouvoir me relire sans faire défiler un petit machin gris sur le côté de là où j'écris.
      La bibise

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    4. Tiens, la première partie du docu de la BBC sur Slade : https://www.youtube.com/watch?v=frRDTQz4RsU

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  4. Bref, de 1968 à 1971, une énorme frange des jeunes prolos rosbifs étaient skinheads et écoutaient surtout voire uniquement du reggae. Voir cet extrait du documentaire Reggae 1971 du cinéaste anglo-trinidadien Horace Ové : https://www.youtube.com/watch?v=9PFhcDhQbFA

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  5. Tiens, vu que vous jactez bien l'espingoin, voici le doc sur les skins de Don Letts sous-titré en castillan : https://www.youtube.com/watch?v=D5QVwE9B17Y

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