lundi 29 novembre 2021

Souplex au cinoche

De Raymond Guillermain  alias Raymond Souplex (1901-1972) les téléspectateurs d'antan ont certainement retenu la réplique "Bon Dieu*, mais c'est bien sûr !" du feuilleton Les cinq dernières minutes
Avant de devenir le commissaire Bourrel, en 1957, le gars avait été essentiellement un chansonnier d'avant-guerre au Caveau de la République ou au Deux ânes, se spécialisant déjà dans un genre vieillot et quelque peu suranné en duo avec Jane Sourza. Outre la chanson rétro, Souplex devint une des premières vedettes radiophonique en interprétant un rôle de clochard philosophe sur Radio Cité en compagnie de Noël Noël.
 
Il passa une assez douce occupation entre présence au théâtre, sur Radio Paris et tournée en Allemagne au profit des travailleurs du STO. Il s'en tira avec un blâme à la libération avant d'entamer une carrière de second rôle au cinéma pour une quarantaine de films avant de faire sa renommée à la télévision jusqu'au début des années 1970.  
L'intérêt de la série, somme toute assez molle, Les cinq dernières minutes fut surtout d'y inviter pour des apparitions une brochette d'acteurs confirmés ou appelés à le devenir tels Pierre Brasseur, Marcel Bozzuffi, Ginette Leclerc, Françoise Fabian, Bernard Fresson, Jean-Pierre Cassel ou même Serge Gainsbourg.
Quant au chansonnier, le voilà dans son numéro de plouc à la ville avec Au cinéma. Vu l'intervention du début, on soupçonne cette séquence de s'être tenue sur Radio Paris et on frémit d'avance à la blague heureusement coupée.  
Voilà pour notre contribution du jour à la culture générale.

 

*"Bon sang !" c'était dans le Rubrique à Brac de Marcel Gotlib.

lundi 22 novembre 2021

Et naquit le blues

 
Entre autres réjouissances, un dossier long et passionnant dans le Chéri Bibi n°12, fanzine de 130 pages tout simplement intitulé Les femmes ont inventé le rock'n roll.
Le rock, on ne sait pas, même on trouve là une sacrée brochette de chanteuses, guitaristes, trompettistes ou autre productrices dont on avoue qu'une majorité nous était totalement inconnue.
Par contre, quelle ne fut pas notre surprise d'y apprendre que le tout premier enregistrement de blues répertorié fut une chanson de Mamie Robinson aka Mamie Smith (née en 1883 à Cincinnati et morte en 1946 à Harlem dans une profonde dèche).
Danseuse, chanteuse, meneuse de revue, elle brûla les planches dès l'âge de 10 ans et fit partie des Maids of Harlem. Elle enregistra dès le début 1920, à l'origine en remplaçant une autre chanteuse grippée. Elle entre dans l'histoire de la musique du Diable avec Crazy blues, écrit par perry Bradford et enregistré par le pionnier Ralph Peer en ce 10 août 1920.
L'excellente surprise réside dans le fait qu'outre son aspect précurseur, cette chanson est tout simplement épatante !
Écoutez voir cette voix et prêtez attention aux paroles, particulièrement au dernier couplet : Je vais me conduire comme un Chinois et prendre de l'opium, me procurer un flingue et me faire un flic ! J'ai rien que des mauvaises nouvelles. Et j'ai le Crazy blues....
 

 

Ce disque s'est vendu à 75 000 exemplaires en un mois. Pas mal pour une époque où tout le monde ne possédait pas un phonographe et où cette catégorie musicale estampillée Race music était réservée aux seuls considérés Noirs.
Suite à ce carton, Mamie Smith enregistrera une centaine de titres et fit de nombreuses tournées accompagnée de ses Jazz Hounds (Les clébards du jazz). Elle est également apparue dans une demi-douzaine de films dont Jailhouse Blues (tout un programme, ça vous rappelle rien ?), Paradise in Harlem ou Murder on Lenox Avenue.
On part donc immédiatement à la recherche de ces films !

vendredi 19 novembre 2021

Le blues du travailleur : bullshit jobs

 

La photo ci-dessus, trouvée le blog de M. Pop 9, nous a irrésistiblement attiré l’œil. On s'est d'abord demandé quel était le curieux instrument dans lequel soufflait la gaillarde. Heureusement, il y a une légende jointe, en anglais, qui donne à peu près ceci : Mary Pierce, "tambourineuse vers le haut" qui gagnait 6 pences par semaine en tirant des pois secs sur les fenêtres afin de réveiller les gens qui devaient aller bosser (East London, années 1930).
Franchement, connaissiez-vous beaucoup de boulots plus merdiques qu'aller réveiller autrui les bombardant des petits pois ? 
Quoiqu'à notre commentaire en ce sens, l'intéressé répondit : Tu m’étonnes. Mais faut aussi reconnaître qu’à l’époque, y avait des turbins bien pires que d’faire la tournée des popotes avec une sarbacane — et aujourd’hui, quand je regarde les jeunots qui font du vélo avec un sac à dos cubique pleins de sushis industriels et de pizzas lourdingues…
Notre camarade lorrain étant dans le vrai, on avoue qu'il y a eu et existe encore des métiers ô combien plus pénibles. On nage juste avec ce boulot entre l'absurde et le loufoque. 
Ce qui nous a évoqué cette chanson du premier album des Clash reprise sur leur triple disque Sandinista ! (1980).
Après tout, à l'origine, elle avait été écrite pour prévenir les gosses.
 
 
Dans le genre chagrins stupides ou délirants, le petit commerce possède des variantes illimitées. Prenez ces vendeurs d'attrape-mouches.
 
Ou ceux de dentiers d'occasion (devaient être confortables en bouche, tiens).
 

Mais à évoquer ces allumeurs de réverbères et autres marchands d'Arlequins, offices d'un monde lui aussi disparu, on risque de glisser dans une nostalgie à tendance folklorique.
Il est donc temps de réitérer notre position vis à vis du salariat qui pour être théorique (ben oui, nous aussi on est allé gagner notre croûte) n'en est pas moins ferme.
On va l'illustrer par ce tube de Zoufris Maracas, groupe de variétoche des années 2010 à orientation poil à gratter.

mardi 16 novembre 2021

Johnny et Ray dans la dèche, Eddy en profite

 

Voici l'histoire d'un pauvre fermier dont ni les animaux ni la terre ne produisent de quoi nourrir sa famille. Même son frangin, tout aussi miséreux, ne peut rien pour lui. Qu'à cela ne tienne, au lieu d'exterminer sa maisonnée (conclusion classique des murder ballads, équivalent américain de nos complaintes) le gars finit par émigrer en espérant rejoindre une contrée plus clémente.
Depuis Les raisins de la colère, un thème familier repris par la chanson rurale, donc. 
Busted ou I'm busted fut écrit par le chanteur de country du Michigan, Harlan Howard, en 1962 et d'abord chantée par Burl Ives.
Mais elle fut surtout immédiatement, popularisée par Johnny Cash (album Blood, sweat and tears) et Ray Charles dans une version plus jazzy.
 
 
En argot étazunien, Busted a de nombreuses significations, on peut le traduire par "cassé", "lessivé", "au bout du rouleau" mais aussi par "gaulé par les flics", ou, en gros, "fait comme un rat".  
En 1964, Monsieur Eddy y alla de son adaptation, inspirée de la version Ray Charles, sur son album Toute la ville en parle. Les paroles sont du Schmoll lui-même.
 
Pour compléter ce petit panorama de la débine, ajoutons-y comme reprise en français, les Hou-lops. En allemand Volker Lechtenbricht a chanté un Ich bin pleite  mou à souhait( de la variétoche germanique des années 70, quoi) repris ensuite Johana von Koczian
En Italie, Sono un fallito taillera sa route entonné par Gino Santercole et par l'inévitable Adriano Celentano.
Quant aux multiples versions anglo-saxonnes, au rayon curiosité citons une parodie de Ben Colder, Busted n°2.
Et une autre, celle du regretté Andre Williams, disparu en 2019, qui fut à la fois chanteur de blues, de rock, de punk, et de bien d'autres choses encore...
 

vendredi 12 novembre 2021

Aphorisme du jour


Celui qui promet des récompenses est souvent dans une profonde affliction.
Celui qui impose des châtiments est souvent en difficulté.
Celui qui est d'abort excessivement brutal et qui, ensuite, craint les masses représente le summum de la stupidité.
Sun Tzu L'Art de la guerre

lundi 8 novembre 2021

Vous en reprendrez bien une tranche ?

 

La principale raison du Pass Sanitaire – plus importante que d’aider Big Pharma à accumuler des milliards, et en plus de la destruction de toute confidentialité en matière de santé et du serment d’Hippocrate – est l’intensification du contrôle social, du suivi et du traçage et l’acceptation croissante d’être surveillé en permanence “pour notre propre bien”. Ce qui, surprise, est pour le bien de nos gouvernants qui, si nous décidons de nous révolter alors que les choses empirent invariablement, auront considérablement intensifié leurs moyens de réprimer cette révolte. Et obtenu que les gens acquiescent à cette répression. Une expression anarchiste anglaise “La guerre est la santé de l’État” est devenue ‘La santé’ est la guerre de l’État”.

Extrait du pamphlet "À bas les manifs rituelles routinières"

mardi 2 novembre 2021

Un hymne sur un malentendu

 

Malgré un nombre respectable de films et de romans noirs, en particulier ceux de Dennis Lehane qui le démontrent, insistons ici sur le fait que Boston, Massachsetts, n'est pas qu'une cité coloniale de la haute réputée pour ces espaces verts, ses élites et son université, cette ville a aussi ses quartiers interlopes et son prolétariat vivant par communautés puisqu'elle est aux États-Unis. On dit aussi que c'est une des plus grandes villes irlandaise de la planète.
Or, à Boston, Noirs et Blanc, Latinos et Asiatiques, irlando-américains ou italo-américains, tout le monde se réconcilie non pas lorsqu'il s'agit de rosser les cognes mais plutôt d'entonner en chœur Dirty Water.
On sait que les chansons comportant le nom d'une ville dans leur titre ont en moyenne meilleur chance de faire carrière que d'autres mais le cas de celle-ci est assez curieux.
Les amateurs savent généralement qu'elle fut créée par un obscur groupe de Garage, The Standells, en 1965.    

  

On sait généralement moins que le groupe (Larry Tamblin, clavier et chant, Tony Valentino, guitare et chant, Jody Rich, basse et Benny Hernadez batterie et chant) est issu de Los Angeles, à l'autre bout du continent. Mieux, lorsque cette bande qui végéte sort d'abord la chanson au riff impeccable en 45 tour puis en album éponyme, les petits gars n'ont jamais foutu les pieds à Boston ! C'est leur manager, Ed Cobb, qui a effectué un séjour là-bas en galante compagnie et a écrit les paroles afin de se venger d'une cité où il a connu quelques émotions pas toutes agréables.
Car les paroles font référence aux bas quartiers irlandais près de la rivière Charles (aux eaux polluées) à l'étrangleur de Boston, à la frustration des étudiantes de l'université Simmons. Tu parles d'un dépliant de l'office de tourisme !
Tout en connaissant un succès d'estime et restant le tube (assez confidentiel) des Standells le morceau sera purement ignoré du côté de Boston. L'honorable groupe de rock aura quelques autres succès d'estime avant de se déliter autour de 1968. Sometimes good guys don't wear white, par exemple.
 
 
On aurait pu en rester là mais en 1972, Lenny Kaye, par ailleurs guitariste de Patti Smith, exhume des 45 tours oubliés des années 1964-1968, racines du rock garage et proto-punk des USA sous le nom de compilation Nuggets (pépites). Et le premier 33 tour de la série s'ouvre par Dirty Water, faisant aussi sec accéder le titre au statut de légende méconnue.
Toute une génération des années 1970 se fait les dents en reprenant les Nuggets, et les titres sont encore joués de nos jours dans les bistrots et autres salles confidentielles, devenant une école pour rockers débutants ou confirmés.
D'ailleurs, nous sommes quelques-uns à avoir d'abord connu ce truc repris par un honnête et énergique groupe de pub rock anglais, The Inmates, en 1979, sur leur premier album First offense. Ils avaient juste changé Boston par... London ! Commerce oblige.

 

La chanson poursuit donc son bonhomme de chemin, devenant de plus en plus connue et en 1995, l'équipe de hockey de Boston l'adopte comme hymne, aussi tôt imitée par les supporters des Red Socks, équipe de base-ball nationalement classée. Du coup, tout Boston se met à chanter cet air dédicacé aux eaux crades, même les citoyens écolos s'en servent pour leurs campagnes de dépollution. Et voilà comment un relativement obscur single de 1965 s'est retrouvé beuglé par une capitale de 700 000 habitants.
Entre-temps, Dodd et Tamblyn ont remonté une nouvelle mouture des Standells. Et dans les années 2004-2006, les californiens se verront jouer leur désormais succès aux ouvertures des matchs de Boston.
Surtout, ne jamais désespérer !  
Allez, une dernière par des gloires locales, les Dropckick Murphys.