jeudi 16 septembre 2021

Un poème de Cara Quemada

 

Je veux que ma tombe 
se trouve loin des champs consacrés,
là où il n'y a ni blouses blanches
ni caveaux dorés.
Loin de ces lieux trompeurs
où les gens passent une fois l'an
déposer leurs pleurs.
Je veux être enterré
en haut de la montagne
près de ce pin blanc
qui ne pousse qu'au fond du ravin.
Ma tombe sera
entre deux galets  
et mes compagnons seront
couleuvres multicolores et lézards verts.
À mon enterrement, je ne veux 
ni curés laïques ni romains
et les fleurs seront
un bouquet de chardons acérés.
Je ne veux pas plus
de discours ou de psaumes,
de drapeaux ou de gerbes,
oripeaux du monde civilisé.
Pour oraison, les croassements
des corbeaux et des corneilles
le glapissement du vieux renard
aveugle et abandonné.
Pas de lumière de cierges,
éclairant l'effroi.
Je serai illuminé
par les rayons du soleil et les éclairs.
Que ma tombe soit recouverte
de hautes épines,
de ronces épaisses,
de chardons sauvages
et que pousse autour
de l'herbe pour le bétail
pour que se repose à son ombre 
le chien noir fatigué.
Je veux que mon corps repose,
loin du tapage humain,
contre le plus haut pin du ravin solitaire.
Trad. maison

 

Le vœu de Ramon Vila Capdevila, dit "Cara quemada" (visage brûlé) dit "Pasos largos" (grands pas) dit "Capitaine Raymond" dans les FFI, ne fut jamais exaucé. Il dut se contenter d'un enterrement à la sauvette dans une tombe anonyme, ce qui est presque aussi beau. Il fut l'ultime maquisard de sa génération en activité en territoire espagnol. Mineur anarchiste de la CNT, volontaire de la colonne de Fer en 1936, guérillero jusqu'en 1939, héros de la résistance française ayant refusé la légion d'honneur, il continua la guerre contre la dictature jusqu'au 7 août 1963 où il tomba dans une embuscade de la Garde civile qui le laissa se vider de son sang six heures durant sans oser l'approcher. Il avait 55 ans.  

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