lundi 28 septembre 2020

Cécile, un chemin au burin

 
La traversée (Fred Deux)

Dans ce cabinet de n'importe quoi, il est rare que l'on rende hommage à une artiste graphique. Sauf quand elle disparaît si discrètement qu'on ne l'apprend que plusieurs mois plus tard par quelques lignes de la presse régionale. Et qu'une amie envoie un texte pour l'occasion. Quand modestie et talent se conjuguent...

Cécile Reims avait posé ses burins qu’elle ne pouvait plus manier mais sans les ranger pour ne pas abdiquer.

Graveuse, tisserand, écrivain, tout chez elle a rapport avec la constance, l’effort et le travail.

Elle gravait Hans Bellmer (dans la clandestinité, pour l’ego, vous repasserez), Leonor Fini, Fred Deux, compagnon de travail et de route de toute une vie, et enfin ses propres dessins. De l’écouter parler, de la lire ou de regarder ses gravures, on tire une force et une joie assez singulières. Tout est dans le détail, la réflexion, la recherche. À presque 90 ans, elle disait persister à apprendre, non pas pour amasser, mais bien pour continuer à donner un sens au temps qu’il reste en fonction des capacités qui vont déclinant, avec un rire de petite fille dans la voix.

À ses côtés, Fred écrivait, dessinait et a parlé à son magnétophone pendant des années*. Lui aussi cherchait, à piger, à ordonner, à avancer. Ses dessins sont terribles, tout en détails, tout en cauchemar, laissant jaillir tout ce qu’un cerveau a pour habitude de cacher.

On peut les lire, regarder leurs dessins ou gravures indépendamment bien sûr, mais quand on rapproche tout ça, on se dit que ces deux-là firent une sacrée route, se complétant, marchant comme dit Cécile « côte à côte ou l’un tirant l’autre » mais toujours avec cette précaution de ne pas évincer l’autre, nous laissant des traces de tout ce travail, effectué sur fond de doute perpétuel, remettant cent fois le cerveau au défi de continuer son chemin.

Elle s’est éteinte, en juillet. Il ne reste plus qu’à feuilleter ses livres dont le dernier nous a laissé pantois justement sur le temps qu’il reste, à nous remplir les mirettes de ses gravures, écouter les rares interviews disponibles sur le net et à dire merci de nous avoir fait partager autant de finesse, d’intelligence et de profondeur.

* On peut l’écouter sur http://lesbandesmagiques.fr/

Née en Lituanie en 1927, Cécile Rachel Reims est arrivée en France en 1933. Elle raconte sa jeunesse, la disparition de sa famille, son engagement à l'Organisation Juive de Combat, son aller-retour en Israël, dans son premier livre, L'épure (1963). Elle a écrit six autres ouvrages.

On la retrouve ici à Lacoux (Ain, 52 habitants) dans un reportage des années 1970.


 



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