Mis à part les velléités de séparatisme catalan accompagnées de la stupidité habituelle du gouvernement de Madrid ou les tristes actes d'illuminés sanglants, un
fantôme hante l’Espagne, celui de l’amiral Carrero Blanco.
Au
nom d’une récente loi « en faveur des victimes du
terrorisme », des procureurs de sa majesté ont
requis deux ans et demi de prison ferme contre une étudiante de
21 ans, Casandra, ou un an ferme pour un rappeur, César Montaña
pour « apologie de terrorisme » suite à quelques tweets
moqueurs à l’encontre de ce magnifique militaire.
Pour les nés après 1973, rappelons que cet homme était à la
fois le bras droit et le dauphin du général Francisco Franco, qui
en était alors à sa trente quatrième année de dictature
sanguinaire.
Non content de se vanter de « fusiller la moitié de l’Espagne », Franco, avait éliminé avec plus ou moins de finesse ou de brutalité tous ses concurrents éventuels au poste de chef suprême avant de jeter son dévolu sur l’amiral.
Non content de se vanter de « fusiller la moitié de l’Espagne », Franco, avait éliminé avec plus ou moins de finesse ou de brutalité tous ses concurrents éventuels au poste de chef suprême avant de jeter son dévolu sur l’amiral.
Maîtrisant
l’équilibre entre les différentes factions de la dictature
(Phalange, Opus Dei, JONS, monarchistes carlistes) Carrero, surnommé
« l’Ogre », était chargé de perpétuer l’œuvre du
Caudillo en prolongeant le régime tout en le modernisant.
La
carrière de cet aimable individu s’arrêta le 20 décembre 1973,
dans la rue Claudio Coello à Madrid, lorsqu’un commando d’ETA
fit exploser une bombe placée sous la chaussée qui projeta sa
voiture à plus de 30 mètres et la fit atterrir sur une terrasse
voisine. L'organisation avait originellement pour projet d’enlever l’amiral
dans l’église dans laquelle il se rendait prier chaque matin à
heure fixe (grossière erreur) mais des considérations techniques et
la présence de nombreux civils ont finalement fait pencher le
commando pour un attentat à la bombe.
C’était
le coup mortel porté au régime gâteux et la voie ouverte à une
modernisation capitaliste de l’Espagne via le retour du roi et à
la « transition (appelée aussi « transaction »)
démocratique ».
L’action
du groupe dirigé par Argala eut aussitôt un retentissement international et
fut généralement
fort arrosée.
Carrero fut rebaptisé « premier astronaute espagnol » ou
« champion du monde de saut en hauteur ». Les
taxis madrilènes devant se rendre rue Coello demandaient
ironiquement « à quelle hauteur de la rue ? ».
De l’autre côté des
Pyrénées, les fêtes populaires donnaient lieu à des festivals de
saut aux cris de « Et hop ! Plus haut que Carrero !»
ou à des refrains comme « Moi, je m’en fous, je
suis de Cambo, j’ai fait sauter Carrero Blanco, si un jour je monte
à Paris, je ferai bien sauter Valéry ».
Côté espagnol, plusieurs
chansons fleurirent comme « Carreo volo » de Falín
Galán
ou « España
toda a una ».
Citons égalemant celle du groupe Soak :
Carrero Blanco, minitro naval tenia un sueño, volar y volar, hasta que un dia ETA militar hizo su sueño una gran realidad.
(Carrero Blanco, ministre naval, rêvait de voler, voler, jusqu'à ce qu'un jour ETA militaire change ce rêve en remarquable réalité).
Carrero Blanco, minitro naval tenia un sueño, volar y volar, hasta que un dia ETA militar hizo su sueño una gran realidad.
(Carrero Blanco, ministre naval, rêvait de voler, voler, jusqu'à ce qu'un jour ETA militaire change ce rêve en remarquable réalité).
Instrument de propagande par excellence du XXème siècle, le cinéma s’en est aussi mêlé.
En 1979, le cinéaste communiste italien Gillo Pontecorvo réalise « Opération Ogre » à la gloire du groupe ayant effectué le tyrannicide. Notons au passage qu’il fallait oser braver le ridicule pour représenter Gian Maria Volonte et Nicole Garcia en combattants basques (voir scène de la rencontre avec la gamine dans un bar) !
Ce film était tellement considéré comme « naturel » à l’époque que la deuxième chaîne de télévision française l’a programmé à 20h30 en 1980. Il est depuis retourné dans les tiroirs pour cause d’apologie d’une action armée.
Cet attentat ciblé a donc joui d’une popularité sans égale dans le pays, donnant lieu à une véritable légende et toute une contre-culture. On croit donc rêver que quarante ans plus tard, au nom de l'hystérie anti ETA la justice espagnole en soit à interdire l’humour.
Tout est donc toujours à recommencer, y compris certains tunnels.
PS : On rappelle en passant que la municipalité de Madrid remet encore et toujours la plaque commémorative de la rue Coello en l’honneur de Carrero, régulièrement vandalisée, et que le monument franquiste par excellence, le « Valle de los caidos » attend toujours ses démolisseurs.
Je remarque dans l'illustration que l'amiral a été expédié chez les Jésuites...
RépondreSupprimerRetour à l'envoyeur ?
Le tout-puissant donne et reprend.
RépondreSupprimerMême si l'amiral avait écrit un ouvrage fondamental "La victoire du Christ à Lépante", il ne sortait pas de chez les Jésuites. Il n'y fit donc qu'un bref passage.
Allez en paix, cher Tenancier.
J.
Z'auriez pu vous fendre au moins d'un « Pax vobiscum », zutalafin, pour rester dans le ton.
RépondreSupprimerOn s'excuse, on est d'après Vatican II.
RépondreSupprimerJ.