jeudi 5 mars 2020

Les Ablettes : rockers cherchent tube (el le trouvent)

Pascal, Bebeck et Philo
Loin de Paris et de ses frasques, penchons-nous sur une ancienne gloire très locale. C'était du temps où les groupes de rock poussaient comme des champignons à l'ombre d'usines pas encore fermées pour cause de désindustrialisation générale. Et où, par conséquence, la bourgade de Fumel (Lot et Garonne), une des rares zones industrielles du Sud-Ouest, devint le rendez-vous obligatoire de tous les perfectos et bananes à plus de cent kilomètres à la ronde.
Le docu de Philo

La sidérurgie faisait alors vivre les quelques 10 000 habitants du coin et les gosses de prolos, eux-mêmes promis au monstre, se sont jetés sur la vague punk comme la vérole sur le bas-clergé. Outre des juke-box incroyablement fournis dans les bistrots du bled, l'éclosion de la scène fuméloise va avoir comme effet d'y faire venir jouer un grand nombre des (futurs) grands noms de la scène punk ou post punk anglo-saxonne. Contrairement à des villes bien plus renommées, là-bas, tout le monde avait vu jouer les Saints au moins trois fois. 
C'est dans ce contexte que trois potes, Pascal Batista (batterie), Bebeck Lacoste (guitare) et Philo Fournier (basse et chant) montent les Ablettes Masquées vers 1979, vite rebaptisées les Ablettes, du nom du poisson abondant dans les eaux du Lot. 
Comme ils l'ont eux-mêmes écrit dans leur dossier de presse fait main en 1980 : Copains d’école, ils refusent ensemble, de passer au presse-citron de l’usine. Sortie de secours : le rock’n’roll…  
S'imposant par un évident talent scénique, ils passent rapidement d'un punk énervé (un 45 tour confidentiel : Spontanéité zéro / Un amour propre) à un rock plus mélodique, sans grande originalité mais qui lorgne du côté des Jam.
Établis à Toulouse, ils signent sur Réflexes, label local aux pochettes fluos, et font un carton en reprenant un titre de Claude Nougaro et Chico Buarque, Tu verras, début 1984.
Ici ils sont quatre (le dernier doit être Francis Albert) sur FR3, le 25 janvier 1984



Normalement, ce devait être le début de la gloire. Sauf que les gens de Réflexes préfèrent fumer les bénéfs que de gérer une distribution. Résultat, le disque passe en radio et est introuvable en magasin !
Une signature chez Polydor, un succès d'estime pour le 45 tour suivant, Jackie s'en fout, carrément pop, et un gros millier de concerts plus tard, nos poissons d'eau douce asphyxiés disparaîtront progressivement de la surface du rock.
Depuis, Pascal bosse en solo ou avec la comédienne Lo, Philo fait de la techno avec LMZ, le rock est devenu une musique de vieux et l'usine de Fumel a fini par fermer après avoir été rachetée une demi-douzaine de fois.
En 2018, il a fallu que les derniers ouvriers menacent de faire sauter le haut-fourneau pour toucher trois fifrelins.
Il nous reste toujours cet autre titre de nos working class héros, Fumel (calling ?).


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