lundi 30 mars 2020

Héros oubliés du rock 'n roll : Rocket from the tombs


Contrairement à ce qu'a voulu faire croire un certain businessman britannique passé par chez les situationnistes dans sa jeunesse, le punk rock n'est ni né en Angleterre en 1976 ni à New York en 1974.
Pour autant qu'on puisse localiser l'origine du monstre, on la placerait plutôt dans ces villes industrielles géantes des États-Unis du début des années 1970 au ryhtme des chaînes de montages ou à l'ombre des hauts fourneaux.
Le cas de Detroit (Michigan), alias Motor City à cause de ses usines de bagnoles, est bien connu. Tout en étant le creuset du plus gros label de soul / rhythm'n blues ( la Tamla Motown) et avant de devenir la Mecque de la techno cette ville usine accoucha des groupes les plus sauvages de leur génération, les plus connus étant le MC5 et les Stooges.

Autre monument historique du rock teigneux, Cleveland (Ohio) ville de 400 000 habitants située de l'autre côté du lac, haut lieu de la sidérurgie (Cimino y filma ses séquences d'usine dans The deer hunter) et de raffineries pétrolières, cité majoritairement noire dans un État de Blancs.
Un Longwy à la puissance 10.
On dit qu'Alan Freed (dj blanc qui passait la "musique du Diable") y inventa le terme "rock 'n roll" en y organisant le Moondog Coronation Ball, peut-être le premier concert du genre.
Cette riante métropole fut donc le creuset de combos furieux, nihilistes, désespérés, violents, en deux mots : working class.
Formé en 1974, Rocket from the Tombs se composait de David Thomas (chant, saxophone), Peter Laughner (guitare, chant) Gene O'Connor, alias Cheetah Chrome (guitare et chant), John Madansky, alias Johnny Blitz (batterie) et Craig Willis Bell (basse et chant).
Leur existence éphémère (moins de deux ans) leur permit de devenir le chaînon manquant du proto punk en reprenant le Velvet Underground, les Stooges, le MC5, les Stones ou en écrivant de grands titres comme Final solution ou 30 seconds over Tokyo.
Ou une des chansons les plus noires, suicidaires, jamais écrites, Ain't it fun (à côté de ça, Iggy et ses Stooges sont des communiantes). Ici, une démo de 1975, leur plus belle version.



Se démenant comme des diables, ils n'eurent pas le temps d'enregistrer réellement et il faudra attendre 2002 pour que sorte enfin une compilation 'officielle' de démos, enregistrements de répétitions et live, alternant titres originaux et reprises. Parfaite démonstration d'énergie high-rock'n'roll, aucun des combos suivants de nos gaillards ne retrouvera une telle férocité.
Car contrairement à l'immense majorité des groupes de rock, leur séparation s'est passée à l'amiable, entre gens de bonne compagnie, en partageant leurs titres. David Thomas et Peter Laughner allèrent monter Pere Ubu en gardant les morceaux les plus barrés, Cheetah Chrome et Johnny Blitz fondèrent les Dead Boys avec Stiv Bator au chant, s'appropriant les chansons les plus classiquement rock. On retrouvera Craig Bell chez les Saucers.




En 2003, Rocket from the Tombs s'est reformé et a tourné en juin aux USA. Le guitariste Richard Lloyd (ex Television) a repris la place de Peter Laughner, entre-temps décédé. Ils ont finalement enregistré un disque, Rocket Redux, sorti en 2004. Lloyd l'a produit et si le résultat est supérieur aux productions habituelles de ce type de reformation, on préfère, et de loin, leur production de 1974 / 1975 crade, approximative mais si sincère.

Salutations fraternelles à Nicmes et à sa belle érudition.

6 commentaires:

  1. On pourrait ajouter que si la première séquence du film de Cimino est aussi longue, c'est précisément parce qu'il se doit de présenter ces lieux (usines etc) de façon parfaite et détaillée. C'est un peu ce qui explique les différentes "capitulations" des protagonistes.

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  2. Et que le Vietnam ne serait donc que la prolongation de ce cancer qui ronge profondément l'Amérique.

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  3. Putain, Voyage au bout de l'enfer m'avait marqué grave quand je l'ai vu beaucoup plus (trop ?) jeune !
    Et Détroit, on en causera dans le prochain ChériBibi d'ailleurs.
    Amitiés et bonne santé !

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  4. On ne saurait trop conseiller une nouvelle vision de ce film. Perso, j'y vois de nouvelles choses à chaque fois. Quand je pense que les cons ont traité Cimino de facho à l'époque de sa sortie.
    Et surtout la santé.


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  5. Oui, le cancer, peut-être. Mais on peut aussi se demander, je pense, où se situe l'Enfer?

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  6. Visiblement des deux côtés du Pacifique.

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