samedi 9 janvier 2021

Robert Piazza

 

Selon Aki Kaurismäki, c'est notre "trésor national", pour Eric Burdon qui s'y connaît, c'est une des cinq voix du rock, Lemmy Kilminster, avare en compliments, ne tarissait pas d'éloges à son sujet, pour Jean-Bernard Pouy, c'est Marguerite Duras avec un cuir. Il est donc temps, ici de rendre justice à notre grand ancêtre et à sa chère ville du Havre qui ne se limite pas à son triste maire. Oyez brave gens voici la saga de Robert "Libero" Piazza, mieux connu comme Little Bob

Né en 1945 à Alexandrie, il hérita du surnom de son père (Libero signifie "l'anar") un prolo qui débarque au Havre en 1958. Comme tout bon gamin de la classe ouvrière, petit Robert débute comme grouillot d'usine non sans squatter les micros en amateur dès 1966. En 1974, bye bye turbin, le gars monte son premier groupe Little Bob Story, avec le beau Guy Georges Grémy (guitare) le balèze Barbe noire (basse) et Mino Quertier au marteau-piqueur. 


Et c'est parti pour 11 ans de tournées à fond les manettes. Ce qui aurait épuisé n'importe quel être humain doué de santé mais pas la boule d'énergie qu'est Bob. Vu leur position géographique, ils font des sauts outre-Channel et signent chez Chiswick en plaine explosion punk.  En quatre ans, on a fait 350 concerts en Grande-Bretagne mais il a fallu affronter un public qui ne nous connaissait pas. Dès le départ, ça a été la bagarre pour se faire accepter. 

Leur premier 45 tour est un hommage très personnel aux Animals et au maître Burdon: Don't let me be misunderstood. Malgré une musique plus assimilable au pub rock, ils jouent aux deux festivals punk de Mont de Marsan (1976 et 1977) sortant un brillant premier album dès 1975 comprenant au passage, un hymne à notre bonne ville (Nougaro enfoncé !) et son titre, le très inspiré par le MC5 High Time, ici en concert.

Tournant comme des forcenés, reconnus par leurs pairs mais privés du moindre passage à la radio LBS écoule honorablement ses albums mais voit sa carrière systématiquement sabotée par le label RCA (tournée conjointe avec... Ange ! pochette immonde de Come see me qui semble destinée aux routiers les plus bas du bulbe...). Même au fin fond de nos cambrousses, faut vraiment avoir été sourd, aveugle et cul-de-jatte pour avoir échappé aux concerts chaleureux des Havrais.
Mais cet homme délicieux le raconte mieux dans cet entretien à Télérama

 

Quand notre Stakhanov des trois accords sacrés n'est pas accompagné par ses complices, on a parfois la chance de l'écouter dans son numéro de bluesman, seul au piano dans des bistrots à son image, c'est à dire accueillants et grands comme des mouchoirs de poche. 
En 1988, après 10 disques, le combo jette l'éponge et Bob sonne le rappel de ses multiples relations pour persister à jouer en solo tout la décennie suivante.Cet homme ne sait pas rester en place.
Un hommage à ses racines : Vivere, sperare (marrant, pour un mec qui n'a jamais voulu chanter en français).
 
 
Avec Mimie, son amoureuse, il joue son propre rôle dans Le Havre d'Aki Kaurismaki, film moyen qu'il sauve du naufrage par sa prestation. Myriam est morte en 2001 et notre gars soigne sa douleur en écumant les scènes en compagnie de son nouveau groupe, les Blues Bastards, montés en 2012.
Désormais, vu ce que le monde du show-biz lui a rapporté, il s'auto-produit intégralement. 
 
 
Éternel franc-tireur du rock hexagonal, il aura échappé à l'usine et vécu selon ses désirs. Il n'est nullement aigri par une carrière en demie-teinte. Comme disait le père Strummer "La différence entre une star et une légende, c'est qu'une légende n'a pas un rond". Little Bob préfère en rire.
Salut à toi, on te souhaite longue vie et de nombreuses rencontres.
On vous recommande chaudement le docu de Gilbert Carsoux et Laurent Jézéquel qui lui est consacré : Rockin' class hero qui, malgré une forme très classique, rend le personnage encore plus attachant.
 
 

2 commentaires:

  1. Mamy ! Tu m'as fait peur, j'ai cru qu'il nous avait quitté ! Vue l'hécatombe des derniers mois j'ai des réflexes macabres, tendance à enterrer les gens un peu rapidement...

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  2. Pour une fois, on pas attendu une disparition pour un hommage mérité.

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