samedi 16 mai 2020

Tranche de vie (hypocondriaque)


- Dis-moi, lança Minami en se relevant soudain et en me dévisageant, toi tu n'as pas bu l'eau du puits, n'est ce pas ?
- Non, répondis-je embarrassé.
- Pourquoi non ? Demanda Minami soudain sérieux et insistant. Je sais pourquoi. Tu as peur de l'épidémie, non ? Les gens du village ont pris la fuite parce qu'ils avaient peur de l'épidémie. Ils nous ont abandonnés en plein milieu de ces microbes qui grouillent.

L'agitation gagna tout le monde. Je me suis dit qu'il fallait absolument rétablir un équilibre, si difficile fût-il. Sinon, ils deviendraient désespérés et en viendraient aux mains. De plus, c'était un problème qui me concernait de manière imminente.
- Quelle épidémie ? demandai-je avec une moue de mépris. Je n'y aurais jamais pensé.
- Une femme du village est morte dans l'entrepôt, pas vrai ? fit Minami. Puis notre camarade...
- Il y a aussi les animaux, dit Minami après réflexion. Il y a eu tant d'animaux morts.

Les carcasses d'animaux... l'image de ces grands tas que nous avions enterrés la veille et le souvenir de la puanteur me sont revenus aussitôt. J'en ai été bouleversé. Effectivement, comment l'expliquer ?
- La maladie des rats, la maladie des lapins en rut... dis-je en exagérant le ton de dérision. Ceux qui ont peur n'ont qu'à décamper comme les villageois.
- Moi, je décampe, annonça Minami plein de résolution, avant de charger son sac de survie sur son épaule et de se lever énergiquement. Je ne veux pas mourir. Toi, tu n'as qu'à attendre en gémissant de douleur, que l'éducateur revienne avec l'autre groupe.

Kenzaburô Ôé Arrachez les bourgeons, tirez sur les enfants  

9 commentaires:

  1. De par vos citations répétées de cet ouvrage, vous avez excité ma convoitise intellectuelle, et m'avez contraint à le voler à la médiathèque virtuelle.
    C'est mal.
    Moi je ne demandais rien à personne, je surfais sur des forums philo, tout content de pouvoir discuter de Nietzsche en mangeant du saucisson en slip devant mon écran, et me voici obligé de sortir de ma zone de confort.
    Laissez-moi vous dire que vous ne l'emporterez pas en enfer.
    Cochon qui s'en dédit
    (ce qui à tout prendre est toujours mieux que cochon qui sent des pieds)

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  2. Vous verrez, c'est d'une délicatesse et d'une poésie toute japonaise. Un peu à l'image du morceau de zizique du groupe au nom poétique qui va avec l'extrait.

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  3. Oups ! Deux fois le mot poésie en deux phrases. J'arrête de boire.
    Dîtes, monsieur Warsen, vous vous faites rare.

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    1. Je me fais rare pour éviter de répéter deux fois le mot poésie en deux phrases.
      Et j'ai du mou dans la perche à selfies.
      J'abrite en mon sein des tendances excessives, et dois prendre garde à varier mes activités, virtuelles comme réelles, pour éviter de me retrouver pantelant, collé à la vitre de mon auto-addiction.
      c'est la version courte.
      dans la longue, je remonte à 1992, date à laquelle j'ai cessé de consommer de l'alcool, que ce soit sous forme liquide, solide, ou gazeuse. voire encore plus loin. Ne me provoque pas ;-) tout cela est déjà tartiné et retartiné sur mon blog hyper-secret.

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  4. Oh oh! Du "The Stalin", suffisamment rare pour être souligné!

    Une très jolie vidéo tournée par Sogo Ishii qui tourna, entre autres folies filmiques, le non moins très mignon Halber Mensch (Geh weiter, in jede Richtung).


    Voilà, j'ai fini, ouf!

    Milesker

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  5. Traduction de l'allemand, siouplait.

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  6. Oui, pardon:

    Semi-humain, continue dans tous les sens...

    Un exemple en musique et en images:

    https://www.youtube.com/watch?v=5Oef61oHIBg&list=PLAtmGvv5veX9DrGBlgOVrbki99FAPcmUa&index=6

    L

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  7. Como dices y si te dice, te mandaré una de sus pelis, llamada "busrt city". Esperando que todavía la tenga...

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