- C'est là-haut que des Coréens sont morts ? insistais-je.
- C'est un ghetto de Coréens, précisa le forgeron. Mais il n'y a eu qu'un seul mort. On ne sait pas si c'est la même maladie que pour les bêtes.
Mes camarades se disposaient à à transporter un veau très lourd dont le ventre lacéré laissait échapper un mélange visqueux de chair, de sang et de pus. Il m'a semblé que la maladie féroce qui avait attaqué ce robuste veau pouvait aisément étrangler un être humain.
- Dans le hangar une réfugiée est en train de mourir, dit un autre enfant dont la voix laissait percer son excitation. C'est parce qu'elle a mangé des légumes pourris qu'elle avait ramassés par terre. tout le monde dit ça.
- S'il s'agit d'une maladie contagieuse, dis-je, il faudrait la mettre en quarantaine. Si ça se propage, ça va être épouvantable. Tout le monde va mourir.
- Il n'y a nulle part où isoler les malades, répondit le forgeron, excédé.
- Mais quand une épidémie se déclare dans le village, qu'est ce que vous faites ?
- Tout le village s'enfuit en abandonnant les malades. c'est la règle. si une maladie contagieuse se déclare dans notre village, les autres villages autour nous hébergent. Si au contraire ça se passe ailleurs, nous prenons en charge ceux qui viennent se réfugier ici. Ça c'est produit il y a vingt ans, quand le choléra s'est déclaré. On a dû passer pas moins de trois mois dans le village voisin.
Il y avait vingt ans... C'était aussi simple et solennel qu'une légende et ça me faisait rêver. (...)
- Pourquoi cette fois-ci ne fuyez-vous pas ?
- Quoi ? Cette fois-ci ? Mais il n'y a aucune épidémie. des animaux sont morts, on a eu deux personnes malades dont une est morte. c'est tout.
Kenzaburô Ôé Arrachez les bourgeons, tirez sur les enfants
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