jeudi 25 février 2021

Leonard Peltier moisit toujours en cellule


Comme l'écrivit en son temps Pélissard, chansonnier attitré des Travailleurs de la nuit De quel esprit sadique, affreux, dénaturé, naquit l'intention sauvage de la cage, Où l'homme enferme l'homme et le tient emmuré ?
Comme il n'y a guère de choses plus dégueulasses qu'une prison, pourquoi se préoccuper du sort d'un entaulé plutôt que de tous les autres ?
Peut-être parce que certains cas sont particulièrement obscènes et qu'il est possible d'avoir pour eux une pensée de temps en temps.
Ainsi, Leonard Peltier, Lakota membre de l'American Indian Movement (AIM) pourrit-il en cellule depuis 1976. Non sans que plusieurs présidents, de Clinton à Obama aient promis de le sortir de cette situation avant de promettre pour le deuxième d'aller clore Guantanamo. On attend encore. Et on n'espère pas grand chose de Joseph Robinette.
 

Rappel historique. En février 1973, les activistes indigènes de l'AIM occupent le site de Wounded Knee, lieu du dernier massacre officiel des guerres indiennes où, le 29 décembre 1890 la soldatesque du 7ème de cavalerie extermina plus de 200 Sioux. Wounded Knee se trouve dans la réserve Lakota de Pine Ridge, située dans les Badlands (Mauvaises terres, devinez pourquoi) et source d'une éventuelle mine d'uranium. Le FBI et l'armée cernent la réserve pour un siège qui va durer 71 jours. Même si les gars de l'AIM ont fini par se rendre, la réserve demeurera un champ clos d'affrontement entre eux, les flics et une milice pro gouvernementale (les GOONS*, Guardians of Oglala Nation). Habituellement, on appelle ça une guerre de basse intensité (avec par conséquent des morts de basse intensité).
Le 25 juin 1975, deux agents du FBI sont pris dans une fusillade et terminent là leur carrière. Une monstrueuse chasse à l'homme en découle**.
On est alors en pleine période du programme anti insurrectionnel COINTELPRO (qui vise à détruire toute mouvance considérée subversive qu'elle soit du Black Power, latino, proche des Weathermen ou de l'AIM) et le FBI considère Leonard Peltier et Dennis Banks comme des dirigeants du mouvement. 
Arrêté au Canada en 1976, Peltier est extradé sur un témoignage plus que douteux, jugé expéditivement par un juge propriétaire de terres indiennes et raciste notoire. Le chef d'inculpation change plusieurs fois passant de meurtre à complicité. Bon nombre des preuves avancées semblent purement et simplement fabriquées et le FBI refuse toujours de déclassifier plus de 6000 documents. 
Depuis, malgré l'évidence de la confection d'un coupable, Peltier, passé en tabac en prison et placé à l'isolement croupit encore en cellule malgré des promesses de révision et de grâce restant désespérément vaines.
On a longtemps avancé l'hypothèse que la révision de son cas aurait mis à jour les magouilles du FBI et les assassinats de membres de l'AIM sur la réserve. Il semble surtout que de nos jours, cette suite de manœuvres déboucherait que sur un scandale lointain et refroidi et qu'à l'instar de bien d'autres Peltier n'est qu'un déchet oublié dans un cul de basses-fosses. 
Son cas est le sujet de nombreuses chansons, en voici deux. 
Un reggae par Little Steven (aka Steve Van Zandt, vieux complice de Springsteen)

 

Et le Freedom de Rage against the Machine, les énervés de Los Angeles ne pouvaient éviter ce cas.

 

Et comme contrairement à Peltier, l'histoire cavale toujours, ces dernières années la réserve toute proche de Standing Rock a été un champ d'affrontement ces dernières années contre la construction d'un oléoduc de près de 2000 kilomètres censée la découper comme au sabre de cavalerie. Aux dernières nouvelles, le projet est abandonné.

Une vue de la vie quotidienne sous le règne de Donald Trump



      

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

* Acronyme on ne peut mieux trouvé. En argot, Goon signifie, brute, mercenaire ou... milice patronale.

** Deux films narrent ces événements, un documentaire de Michael Apted, Incident at Oglala (1992) et une fiction du même réalisateur et de la même année, Thunderheart. 

En souvenir de Joseph Ponthus, parti le 24 février.

5 commentaires:

  1. L'histoire de Leonard Peltier a aussi très fortement inspiré les auteurs du comics Scalped
    https://fr.wikipedia.org/wiki/Scalped, que je déconseille aux âmes sensibles.

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  2. Y'a un petit côté Archie Cash dans le dessin, non ?

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  3. Réponses
    1. Wouf ! C'est rien de le dire.
      Par contre, le scénario emprunte pas mal au film Thunderheart.
      Merci du tuyau, John.

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  4. Oh ! Tu m'apprends pour Joseph Ponthus !!! C'est cette putain d'usine qui lui a refilé le cancer ? Quoique personne n'est à l'abri des sinistres blagues de la Camarde... Je ne le connaissais pas personnellement, mais je lisais ses chroniques d'éducateur dans Article 11, et j'étais assez admiratif de son parcours d'écrivain par la suite, d'autant qu'il remettait au goût du jour avec succès la littérature prolétarienne. Quelle merde !

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