vendredi 24 juillet 2020

Salsa triste de l'été


On vous a déjà dit ailleurs tout le bien qu'on pensait du chanteur et auteur Rubén Blades.
Outre ses chroniques sociales du barrio ou ses fresques de l'exil, le bougre se fit une spécialité de peindre la situation des pays latino américains dont la majorité vivait la décennie 1970 sous les bottes de militaires placés avec la bénédiction du Tio Sam.
Il écrivit ainsi plusieurs titres plutôt enlevés pour moquer les gens en uniforme (Prohibido olvidar) ou dénoncer l'impérialisme gringo (Tiburón). Mais son coup de maître est, à notre avis, Desapariciones (Disparitions) de l'album Buscando América (1984). Exceptionnellement, il chante ce titre dont le sujet a un titre suffisamment explicite pour ne pas avoir à être expliqué, sur une musique lente et funèbre.
Extraits
Voilà trois jours que je cherche ma frangine / elle s'appelle Altagracia, comme la grand-mère / elle est sortie du boulot pour passer à l'école / avec des jeans et une chemise blanche / C'est pas un coup de son mec, il est à la maison / et la police ne sait rien sur elle / ni l'hôpital.
Que quelqu'un me dise s'il a aperçu mon fils / il est étudiant en médecine / il se nomme Agustín et c'est un brave garçon / Des fois, un peu têtu dans ses opinions / on ne sait pas quelle force l'a arrêté / pantalon blanc, chemise rayée, c'était avant-hier.
Clara Quiñones, c'est ma mère / une sainte femme qui ne s'embrouille avec personne / ils l'ont emmenée comme témoin / pour une affaire qui ne concerne que moi / Et j'ai été me livrer cet après-midi / Et voilà qu'ils me sortent qu'ils ne savent pas qui est venu l'emmener / de la caserne.
Cette nuit j'ai entendu plusieurs détonations / des tirs de carabines et de revolvers / des bruits de moteurs, de freins, des cris / des échos de bottes / des porte qu'on frappe, des plaintes, de la vaisselle cassée. / C'était l'heure du feuilleton télévisé / et personne n'a regardé dehors. / Bande d'autruches !
Évidemment, on pense d'abord à l'Argentine, pays où cette technique technique de terreur d'État fut poussée à son comble, laissant, avant et après le putsch de 1976 plus de 30 000 morts sans corps ni sépultures. Mais ce terrorisme d'État fut (et est) toujours largement pratiqué au Mexique, Guatemala, Salvador, Nicaragua, Colombie, Équateur, Chili, Uruguay, Paraguay, etc.  
Assassins ordinaires et médiocres
Mais pour l'écho que ce phénomène eut en Argentine, la chanson fut reprise, en 1992, par Los Fabulosos Cadillacs, groupe de ska, punk, tropical et jazz de Buenos Aires sur leur disque El León.
On trouve même leur version nettement plus speedée, supérieure à l'original. Et ça nous évoque quelques souvenirs.


Une fois n'est pas coutume, on termine sur une citation de Simón Bolívar Maldito el soldado que apunta el arma contra su pueblo

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