jeudi 18 juin 2020

Terroristes et casseurs (7) The Molly Maguires

Pennsylvanie 1877
Colonisés par l'Angleterre, expulsés de leurs terres par des propriétaires rapaces, crevant de famine par milliers, les Irlandais émigrèrent par vagues successives vers l'Amérique où ils furent traités comme des rebuts, à peine au-dessus des nègres. Ils y importèrent donc leur vieille tradition de répondre coup pour coup à leurs maîtres. 
Quand leur pays d'accueil ne les utilisait pas directement comme chair à canon*, ils étaient souvent recrutés comme mineurs de fond. Outre les conditions d'exploitations inhérentes à cette branche, dans la décennie 1860, les compagnies de charbonnage baissent les salaires de moitié après avoir endettés leurs mineurs et obtiennent des tribunaux l'interdiction de tout syndicat.
Contrastant singulièrement avec les organisations ouvrières ordinaires (et impuissantes) de l'époque, les Molly Maguires, société secrète de mineurs opérant en Pennsylvanie dans les années 1860-1870 avaient arrêté, pour atteindre leurs buts, une méthode principalement résumable en deux mots : terrorisme et assassinat. (Dynamite ! Louis Adamic)
On raconte que le nom pittoresque de cette société secrète de prolos émigrés catholiques en terre protestante vient de Molly, veuve Maguire, qui avec ses rejetons (les Mollies) avait fondé dans le nord-ouest de l'Irlande le Parti de la terre libre et pour mieux appuyer son programme se chargeait d'exécuter flics, huissiers, baillis, ou propriétaires indélicats. Personnage légendaire ou pas, la veuve fit des émules dans les bassins miniers des Appalaches.

 Sous couvert d'une société d'aide mutuelle L'Ordre ancien des Hiberniens, les Mollies recrutaient leurs membres après leur avoir fait prêter serment lors de cérémonies nocturnes.
Constitués en milice d'autodéfense, ils entament dès la décennie 1850 une série de sabotages et d'exécutions de cadres, contremaîtres tyranniques, vigiles abusifs et patrons intransigeants. Généralement, les concernés recevaient d'abord un avertissement puis, la vengeance s'exerçait froidement des mains d'un groupe de Mollies venus spécialement d'un bassin minier voisin.
L'âge d'or des Maguires se situa dans le bassin des Schuylkill dans les années 1873/1874. 
Le communautarisme irlandais allié au serment d'appartenance rendit ce groupe ininfiltrable durant près de deux décennies. Enfin, pas tout à fait puisque l'agence Pinkerton arriva à faire embaucher un de ses détectives, Irlandais pur jus, dans le bassin minier afin de le faire recruter par les Maguires. Le cafard, James Mac Parland, alla jusqu'à dénoncer 347 présumés Mollies. Son seul témoignage suffit à en envoyer une dizaine à l'échafaud dont le fameux "Black Jack" Keogh, innocenté par la justice américaine après un procès en révision en... 1979 !
Après ce coup dur, l'organisation secrète se volatilisa. Même si leurs pratiques ont perduré et que l'Ordre ancien des Hiberniens existe bel et bien encore à cette heure.
Il existe tant des chansons célébrant la veuve Maguire sur l'île que d'autres à la gloire des mineurs teigneux.
La plus connue est sans doute celle des Dubliners (1969)



Reprise, en plus bruyant, les Finnegan's Hell (2014)


Impossible de se quitter sans évoquer le film de Martin Ritt Les Molly Maguires, ou Un traître sur commande (1970) le plus chouette des westerns miniers qu'on ait jamais vu. Faut dire que c'est genre assez peu fourni.
En tout cas, il est magistralement servi par l'interprétation de Sean Connery (Jack Keogh) et Richard Harris (James Mc Parland) parfaits dans leur relation trouble faite de confiance, de méfiance, d'amour et de haine.
Vous ne l'avez pas vu ? Je vous envie....





* Comme lors de la guerre américano-mexicaine de 1846 où tout un bataillon irlandais, le St Patrick, déserta pour passer du côté mexicain par refus de jouer un rôle impérialiste.

4 commentaires:

  1. Faire jouer un prolétaire Molly par un lord écossais : peut-on imaginer plus sournoise vengeance de l'impérialisme !!!!

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  2. Vil jaloux. L'était même pas ennobli à l'époque et comme un bon paquet d'Irlandais viennent d'Écosse, ça passe sans problème.
    Et puis, Sean Mandingo est un vrai prolo d'Édimbourg fils d'un catho irlandais et d'une protestante écossaise. Un vrai accord du Vendredi Saint à lui tout seul.

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    1. Sans doute. Mais aurait-il pu vraiment postuler chez les Mollies, étant donné le caractère très pointilleux (et envahissant) du catholicisme strictement romain de ces derniers ? La question reste ouverte. D'autant que si vous allez par là, y a aussi des irlandais prolos et protestants (en Ulster)...

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  3. Et comment, c'est même une belle partie du problème de cette verte île, que la religion soit venue 's’intercaler entre colonialisme et guerre sociale.
    Pour notre part, on a toujours beaucoup plus supporté la religion du moment qu'elle est vécue dans des catacombes plutôt qu'au palais de l'étage au dessus.

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