samedi 15 février 2020

Quand la Cavalerie se faisait étriller



Parmi les rapports aussi riches que variés qu'entretinrent les Amérindiens des États-Unis et le corps de cavalerie de l'US Army, on garde en mémoire la Little Big Horn (1876) où Sioux et Cheyenne donnèrent une leçon au 7ème de cavalerie ou la bataille de Fetterman (1866) au cours de laquelle un capitaine du même nom s'envoya, avec ses 80 hommes dans un piège tendu par les Sioux de Red cloud. Nul n'en réchappa.
On oublie souvent l'affaire de White Bird Canyon (1877) épisode de la guerre contre les Nez-percés.
Les Nez-percés étaient établis sur un territoire à cheval entre l'Idaho, l'Oregon et le Washington, au Nord-ouest des USA. Selon un traité passé en 1855, personne ne pouvait s'établir sur leurs terres. Et, comme d'habitude, suite à la découverte d'or dans leurs montagnes, un nouveau traité leur fut proposé, amputant leur terre de 90% de sa surface (1863-1871).

Conscient de l'inutilité d'une guerre contre les États-Unis, le porte-parole des Nez-percés, le jeune chef Joseph, Hin-mah-too-yah-lat-kekht de son vrai nom, (1840-1904) tente de remettre en cause la légalité du nouveau traité, avec un certain succès du côté des législateurs américains.
Six ans de négociations s'ensuivent. "Ne vous méprenez pas sur mon intérêt pour la terre. Je n'ai jamais dit que la terre était à moi pour en faire ce que je veux. Je réclame le droit de vivre sur ma terre et je vous accorde le privilège de vivre sur la vôtre." ou " Cette terre renferme le corps de mon père. On ne vend jamais les os de son père et de sa mère." (Joseph)
En juin 1876, suite au meurtre d'un Nez-percé par des colons, Joseph donne une semaine aux envahisseurs pour quitter la vallée de la Wallowa. La cavalerie s'interpose entre colons et Indiens dans un  premier temps.
Un an plus tard, le général Howard adresse un ultimatum aux Nez-percés les enjoignant de gagner la réserve prévue.
Un groupe d'environ 600 Nez-percés, dont les guerriers de White Bird (Peo-peo-hix-hiix) refuse de se soumettre et des jeunes mènent des expéditions vengeresses contre les colons.
Deux compagnies de cavalerie et une milice de citoyens mènent la chasse aux Indiens. Épuisant ses soldats en marches nocturnes aussitôt repérées par les guetteurs Nez-percés, le capitaine Perry, aventure ses 126 hommes dans le White Bird Canyon, véritable souricière.
Les militaires sont flanqués de quelques 70 tireurs amérindiens menés par Ollokot (jeune frère de Joseph) qui se postent sur les hauteurs. Éliminant d'emblée les clairons censés transmettre les mouvements, repoussant les tentatives des militaires de prendre les cimes, les Nez-percés leur causent 38 pertes, n'ayant à subir deux ou trois blessés dans leurs rangs et récupèrent un grand nombre de fusils.
La cavalerie finit par fuir en trois groupes, serrés de près par les guerriers d'Ollokot et de Two Moons. Les trois éclaireurs Nez-percés entrés au service de l'armée capturés sont libérés sous promesse de ne plus jamais rempiler.
Premier affrontement de ce qui sera nommé la "Guerre des Nez-percés", cette bataille est donc une cuisante défaite pour un corps d'armée traumatisé par la Little Big Horn l'année précédente.
Se sachant poursuivis par des forces écrasantes, les Nez-percés entament une course vers la frontière canadienne, ponctuée d'une dizaine de batailles au cours desquelles l'armée américaine est plusieurs fois humiliée.
Cerné dans le Montana à 70 kilomètres du Canada, Joseph, à la tête d'un groupe de 87 hommes, 184 femmes et 147 enfants finira par se rendre au général Miles.

Guidés par White Bird, quelques 300 Nez-percés passent au Canada et y demeureront en paix.
Suite à sa reddition, Joseph prononce un discours considéré comme un modèle du genre : " Je suis fatigué de me battre. Nos chefs ont été tués. (...) Tous les anciens sont également morts... Celui qui dirigeait nos jeunes gens, Ollokot, est mort. Il fait si froid et nous n'avons pas de couvertures. Nos petits enfants meurent de froid. (...) Écoutez-moi, dites au général Howard que je connais son cœur. Le mien est triste et tourmenté. À partir de ce jour, de l'endroit où se tient le soleil, je ne combattrai plus jamais !"
Déportés en Oklahoma, les Nez-Percés pourront regagner le Nord-est après des années de démarches de l'infatigable Joseph qui mourra, le cœur brisé, non sans avoir ramené les siens au pays. 

Cette longue histoire est un prétexte à entendre le bel hommage qui lui fut rendu par Orchestre Rouge sur leur second LP More passion fodder (1983). Ça n'a pas pris une ride.

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