jeudi 28 novembre 2019

Érotisme primitif : Montaigne

 
Titien, 1560


L'usage et l'interest du mariage touche nostre race, bien loing pardelà nous. Pourtant me plaist cette façon, qu'on le conduise plustost par main tierce, que par les propres : et par le sens d'autruy, que par le sien : Tout cecy, combien à l'opposite des conventions amoureuses ? Aussi est-ce une espèce d'inceste, d'aller employer à ce parentage vénérable et sacré, les efforts et les extravagances de la licence amoureuse, comme il me semble avoir dict ailleurs : Il faut (dit Aristote) toucher sa femme prudemment et sévèrement, de peur qu'en la chatouillant trop lascivement, le plaisir ne la face sortir hors des gons de raison. Ce qu'il dit pour la conscience, les médecins le disent pour la santé. Qu'un plaisir excessivement chaud, voluptueux, et assidu, altère la semence, et empesche la conception. Disent d'autre part, qu'à une congression languissante, comme celle là est de sa nature : pour la remplir d'une juste et fertile chaleur, il s'y faut présenter rarement, et à notables intervalles.

Montaigne, Essais III, 5 
(Merci à Orlando de Rudder pour le tuyau)

Un sonnet de François de Malherbe pour enfoncer le clou 


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