Quelle ne fut pas notre surprise en découvrant que Jacques Ducrez, célèbre catcheur, premier d'une lignée dont l'héritier eut de lamentables fréquentations* et à jamais connu sous le nom de scène de Bourreau de Béthune avait eu quelques ancêtres inattendus.
Retour à la grande grève des mineurs du Pas-de-Calais en 1893 :
À Lens, des billets sont glissés sous la porte des "faux-frères" (non grévistes).
Tantôt laconiques (...), tantôt menaçants : "J'espère que vous allez faire cause commune avec nous ou vous allez passer pour des traîtres et attirer la haine des camarades. La police ne sera pas toujours là pour vous protéger. Songez."
Quand les faux-frères n'obtempèrent pas, vitres et portes volent en éclat sous les cartouches de dynamite.
Cette guérilla fait bientôt l'objet d'une intense répression : des mineurs sont arrêtés par dizaines et jugés au tribunal de Béthune. Rochefort rédige un article dans L'intransigeant contre les juges qu'il appelle "les bourreaux de Béthune". L'expression passera dans le langage courant. L'article de Rochefort est reproduit en larges affiches rouges vif placardées dans les corons de Lens.
Rebelle, rebelle ! Révoltes et mythes du mineur. Bruno Mattei.
Champ Vallon 1987
Une ode à la lutte libre par notre Ange Blanc, la grande Fréhel (1938)
* Texte modifié suite à l'intervention d'un érudit du catch et de la littérature dans les commentaires. Allez-y voir, vous constaterez un beau Pan sur le bec ! comme on nomme ça dans un journal du mercredi.
M'enfin, si vous aviez lu attentivement le dernier ChériBibi (n°10, 2018), vous auriez su que la genèse du Bourreau de Béthune (le catcheur -ou plutôt les catcheurs, car ils étaient plusieurs à se partager cette identité: Jacques Ducrez d'abord, imposant chauffeur de taxi, puis Freddy Robert alias Robert Moreau qui deviendra le garde du corps de Lepen) trouve son origine dans le Bourreau de Béthune 1er du nom, à savoir l'un des personnages des Trois mousquetaires d'Alexandre Dumas. C'est le matchmaker Maurice Durand, grand lecteur, qui créera le personnage, inspiré par Dumas.
RépondreSupprimerPar conséquent, sans vouloir insister, l'on peut en conclure que le journaliste de L'Intransigeant, en 1893, était lui-aussi un lecteur de Dumas. Ce qui, en soi, n'a rien d'étonnant pour l'époque ("Les Trois mousquetaires" date de 1844).
RépondreSupprimerPour être encore plus précis, c'est dans "La Jeunesse des Mousquetaires", publié en 1849, qu'apparaît le bourreau de Béthune, qui est donc bourreau de profession, exerçant à Béthune : Milady de Winter, femme perfide d'Athos et alliée du comploteur cardinal de Richelieu, veut se venger de D'Artagnan. Celui-ci se lance à sa poursuite et la retrouve dans une cabane près de Béthune. Athos, d'Artagnan, le comte de Winter et le bourreau de Béthune, qui est le frère du jeune séminariste séduit par Milady, se constituent en tribunal et jugent les crimes de la jeune femme. Elle est exécutée la nuit même par le bourreau (sentimental ? Aïe aïe aie).
RépondreSupprimerTout ça pour dire que c'est pas Jacques Ducrez qui avait des fréquentations lamentables, mais Freddy Robert.
RépondreSupprimerHoly shit.
RépondreSupprimerOn était tellement joyeux d'avoir trouvé ces juges-bourreaux dans le journal de Rochefort (qui a trèèès mal tourné lui aussi) qu'on en a oublié le père Dumas. Donc, Chéri-Bibi vainqueur par Double Nelson : ok, Rochefort a pompé Dumas.
Quant à Ducrez, on s'est gourré aussi mais en fouinant, je tombe sur un bourreau infréquentable nommé Robert Moreau
(https://catch-newz.com/newz/dernieres-newz/4957-une-legende-du-catch-francais-proche-de-jean-marie-le-pen).
C'est un plaisir d'avoir à faire avec des érudits comme vous.
On rectifie.
Oui, Robert Moreau alias Freddy Robert, c'est bien ce que j'ai écrit dans mon premier commentaire.
RépondreSupprimerPour causer d'autre chose, et vous glisser une idée de nouveau post, en revoyant le film Z (1969) de Costa-Gavras en prévision d'une interview de ce dernier (à l'occasion de la sortie de son nouveau film, Adults In The Room, que je ne saurais que trop vous conseiller: il sort mercredi prochain), j'ai tiqué en entendant -dans Z donc- le célèbre morcif Psyché Rock de Pierre Henry et Michel Colombier (1967). Bien sûr, il a été rerpis et adapté pour le générique de la série Futurama de Groening, mais il m'a rappelé un autre morcif que j'adore: Roller Girl de Gainsbourg, interprété par Anna Karina dans une séquence hyper sensuelle du moyen-métrage Anna (1967, donc contemporain de Psyché Rock). En fait, vérification auditive faite, les deux morcifs ont le même riff de guitare. L'explication, après une très corte recherche, est assez simple: Michel Colombier est l'arrangeur du morcif de Gainsbourg. De là à dire qu'il lui a refourgué de la seconde main... Bref, avec quelques vidéos youtubesques à la clef, cela fait un sujet sympa n'est-il pas ?
RépondreSupprimerMerci pour l'oreille, on n'avait pas fait gaffe.
RépondreSupprimerCosta-Gavras a particulièrement soigné ses bandes sons, surtout à ses débuts (un exemple là ) que ce soit dans la musique ou l'ambiance sonore (les poulaillers de Section spéciale).
La séquence de Z au bistrot est une vraie joie qui tombe là-dessus comme un cheveu sur la soupe. À croire qu'il tenait absolument à passer ce truc improbable qui devint un tube grâce à Béjart.
Colombier refourguant des fonds de tiroir à Gainsbourg ? Il serait surprenant que le Lulu se soit laissé abuser. À mon avis, il était plutôt friand de tout ce qui pouvait avoir du succès.
De l'air du temps, comme on l'a écrit dans ce billet .
Ah bah ça m'apprendra à pas éplucher régulièrement vos mirifiques et singulières archives ! Ce qui s'appelle un retour de Pan sur le bec !
RépondreSupprimerD'autant qu'il y aurait eu matière à questionner Costa-Gavras sur le sujet (mais trop tard, la causerie est dans la boîte...).
Bonjour, petit fils de Paul nitenberg, mon grand-père, a un article qui parle de lui ainsi que le faite qu'il est été le bourreau de Béthune mais je n'arrive pas a trouver d'information sur cela... Si vous pouviez m'aider..
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