photo Agustin Centelles |
C’est à Calanda
que se situe un évènement assez extraordinaire, je pense (je ne
sais pas si d’autres villages l’ont connu) , je veux parler de la
proclamation publique de l’amour libre. Un beau jour, sur ordre des
anarchistes, le crieur public s’avança sur la place principale,
emboucha une petite trompette, sonna puis déclara :
- Compañeros,
à partir d’aujourd’hui, l’amour libre est décrété à
Calanda !
Je
ne crois pas que cette proclamation, accueillie avec la stupéfaction
qu’on imagine, ait eu des conséquences remarquables. Quelques
femmes furent agressées dans les rues, sommées de céder à l’amour
libre (dont personne ne savait bien ce que c’était) et, sur leur
très vif refus, relâchées. Mais les esprits demeuraient troublés.
Passer
de la rigidité sans faille du catholicisme à l’amour libre des
anarchistes n’était pas une mince affaire. Pour remettre en ordre
les sentiments, mon ami Mantecon, gouverneur d’Aragon, accepta
d’improviser un discours, un jour, du haut du balcon de notre
maison.
Il
déclara que l’amour libre lui paraissait une absurdité et que
nous avions autre chose à faire, ne fût-ce que gagner la guerre.
Luis
Buñuel
Mon dernier soupir (1982)
Une reprise d'Oum Kalthoum pour honorer le maître.
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