lundi 9 septembre 2019

Souvenir du Maestrazgo

photo Agustin Centelles

C’est à Calanda que se situe un évènement assez extraordinaire, je pense (je ne sais pas si d’autres villages l’ont connu) , je veux parler de la proclamation publique de l’amour libre. Un beau jour, sur ordre des anarchistes, le crieur public s’avança sur la place principale, emboucha une petite trompette, sonna puis déclara :
- Compañeros, à partir d’aujourd’hui, l’amour libre est décrété à Calanda !

Je ne crois pas que cette proclamation, accueillie avec la stupéfaction qu’on imagine, ait eu des conséquences remarquables. Quelques femmes furent agressées dans les rues, sommées de céder à l’amour libre (dont personne ne savait bien ce que c’était) et, sur leur très vif refus, relâchées. Mais les esprits demeuraient troublés.
Passer de la rigidité sans faille du catholicisme à l’amour libre des anarchistes n’était pas une mince affaire. Pour remettre en ordre les sentiments, mon ami Mantecon, gouverneur d’Aragon, accepta d’improviser un discours, un jour, du haut du balcon de notre maison.
Il déclara que l’amour libre lui paraissait une absurdité et que nous avions autre chose à faire, ne fût-ce que gagner la guerre.

Luis Buñuel Mon dernier soupir (1982)

Une reprise d'Oum Kalthoum pour honorer le maître. 
 

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