jeudi 20 novembre 2025

Cinquantenaire et nostalgie

 

Cinquante ans après la disparition dans son lit de cette barbaque faisandée et sanguinaire, 20% des jeunes espagnols affirment ressentir de la nostalgie pour le régime de Francisco Franco.
Rappelons qu'à l'époque, ce même dictateur sut se débarrasser de ses phalangistes les plus excités en les envoyant jouer à la guerre européenne du côté de Leningrad dans la Division Azul* (División Española de Voluntarios).
Nous ne saurions trop conseiller à ces dynamiques jeunes gens d'assumer leur mélancolie en partant jouer à la guerre européenne du côté de l'Ukraine.
Et en plus, tu peux choisir ton camp, camarade !






* Ce qui était finalement bien moins risqué pour lui que d'aller s'emparer de Gibraltar, comme l'exigeait son créancier, Adolf H.

PS (OE) : Bien des questions que vous vous posez sur l'après, dite transaction démocratique, trouveront quelques réponses là.

lundi 17 novembre 2025

Andalucia Joe

 

La peinture murale aujourd'hui disparue

On a souvent quelques chouettes surprises dans les rues de la perle d'Al Andaluz, la toujours superbe et néanmoins livrée au tourisme de masse, j'ai nommé Grenade.
Quel rapport avec notre John Mellor adoré ?
Déjà, il existe une placette Joe Strummer au bas du quartier du Realejo, en dessous de l'Alhambra. Elle fut inaugurée en grande pompes le 20 mai 2013. Il y avait ce jour-là sa veuve, Lucinda Garland, ses filles, Jazz et Lola, quelques vieilles connaissances, Marcia Farquhar, Esperanza Romero et Richard Dudanski, tous trois anciens du squat situé au 101 Walterton road, où naquirent The 101ers, premier groupe de pub rock sérieux de Strummer, le violoniste Tymon Dogg, Mick Jones de vous savez qui, des membres des Pogues (Joe fit une tournée avec eux) et un échantillon de la fine fleur du rock et flamenco grenadin (Quini Almendros, Curro Albayzin, José Antonio Lapido, José Antonio García, Lagartija Nick, etc.). Accompagnés d'une foule d'habitants venus faire la bringue au bout de la nuit.














Plutôt que d'aller faire le couillon à Almeria ou sur la Costa Brava, comme les Anglais moyens, notre agité de la Telecaster fréquentait déjà la cité dans les années 70 avec sa copine de l'époque, Palmolive, future batteuse des Slits.
Mais en 1984, ayant décidé de jeter l'éponge suite à une prolongation désastreuse de The Clash, Strummer s'établit à Grenade. 
Quelque peu émotionnellement en vrac et s'inspirant sans doute de son éphémère carrière de fossoyeur, le grand projet de la légende ci-devant punk était de tenir une quincaillerie du côté de Víznar, bled situé à une dizaine de bornes de Grenade, où se trouveraient, les reste de Federico García Lorca, massacré par des phalangistes en 1936 en compagnie de plusieurs centaines d'autres.
Ladite quincaillerie n'aurait évidemment constitué qu'un camouflage destiné à mener à bien l'exhumation du poète. 
Bien entendu, ce projet délirant resta à l'état de rêve et il en demeure une trace dans le documentaire de Carlos Prats, Quiero tener una ferretería en Andalucia
Par contre notre Strummer farceur profita de son séjour, non seulement pour faire la tournée des bars de la ville mais surtout produire le second album du groupe de rock local 091 (numéro d'appel de police secours à l'époque) formé par José Ignacio Lapido, Tacho GonzalezJosé Antonio García (El Pito) et Antonio Arias, bassiste qui rejoindra ensuite le groupe Lagartija Nick.
Le titre qui donne son nom à l'album : 


Enfin, inévitablement une très honorable reprise de Spanish bombs par les Mexicains de Tijuana No datant de 1998. 

vendredi 7 novembre 2025

Des blessés de Sainte Soline

C'était pas mieux avant : en 1968, ils sortaient les armes de guerre

Le 25 mars 2023, lors d’une manifestation à Sainte-Soline (Deux-Sèvres) contre les mégabassines, les forces de l’ordre ont blessé plus de 200 personnes – dont nous quatre gravement. Une plainte a été déposée par nous ou par nos proches, notamment pour tentative de meurtre et pour entrave à l’arrivée des secours. 

Les experts que le procureur de la République a chargés d’enquêter sur les violences policières ont mis deux ans à rendre leurs conclusions, qui sont à la fois partiales et lacunaires. Selon eux, les forces de l’ordre auraient seulement répondu à la violence de certains manifestant-e-s. En fait, comme l’ont démontré force témoignages, images et enquêtes journalistiques, les 3 200 policiers « défendant » un trou de terre vide ont bombardé (de 5 010 grenades) sans sommation l’ensemble des manifestant-e-s. 

Toujours selon ces experts, l’organisation des secours n’aurait pas entraîné une « perte de chance » pour les victimes… parce qu’elles ont été soignées sur place « de façon consciencieuse et irréprochable ». En fait, ce n’est pas la qualité de ces soins qui a été dénoncée, c’est l’interdiction faite aux ambulanciers d’accéder aux personnes blessées même quand il y a eu un retour au calme – interdiction que, là encore, divers témoignages confirment.

L’enquête indique que les soignants n’étaient pas autorisés à arriver seuls sur les lieux, et que des tirs « non réglementaires » ont été opérés par les forces de l’ordre. Mais de nombreuses zones d’ombre subsistent dans ses conclusions, en particulier concernant les ordres explicites d’effectuer ces tirs « non réglementaires » : quoique figurant dans le dossier, ils n’ont pas été traités. Enfin, si des « dysfonctionnements inexplicables » sont relevés dans l’organisation des secours (le PC pompiers ne répondait pas aux appels à l’aide, des motards de la police ont tardé à venir escorter des ambulanciers et les ont abandonnés en chemin, etc.), aucun avis n’est émis dessus. La manière dont a été conduite cette enquête laisse clairement apparaître l’intention de classer sans suite nos plaintes ; aussi demandons-nous la poursuite des investigations. 

Loin d’être un événement ponctuel, le 25 mars 2023 à Sainte-Soline s’inscrit dans un processus visant depuis de nombreuses années à banaliser une répression toujours plus violente. L’objectif de l’État ce jour-là n’était pas d’empêcher les manifestant-e-s de parvenir sur le chantier de la mégabassine, mais de dissuader quiconque de manifester à nouveau contre de telles constructions – lesquelles ont depuis été jugées inutiles et illégales par les autorités compétentes. La mobilisation antibassines de Sainte-Soline a ainsi été pour l’État une occasion d’appliquer sa « doctrine du maintien de l’ordre », qui implique d’assimiler les mobilisations sociales à des attentats terroristes afin de déclencher officieusement un plan Orsec permettant leur répression par de véritables moyens militaires, mais ne prévoyant pas les moyens sanitaires à la hauteur de cette répression.

Le terrorisme, c’est ça : rendre une population passive face aux agissements d’un pouvoir devenu omnipotent. Nous avons aujourd’hui les preuves audio et vidéo de ce dont nous nous doutions : les actes qui ont causé tant de blessures et fait frôler la mort à nombre d’entre nous ne sont pas l’œuvre d’individus particulièrement violents, mais découlent de l’ordre donné par une institution. Et des actes semblables ont blessé et tué dans d’autres contextes (mouvements des Gilets jaunes ou contre la réforme des retraites, émeutes après la mort de Nahel…). Alors nous voulons faire peser sur cette institution le cadre juridique dont elle s’affranchit délibérément. Apporter un éclairage sur ce dossier ne suffira évidemment pas à le clôturer, mais cela nous aidera à trouver les réponses dont nous avons besoin et à affirmer un refus de se laisser tétaniser par la terreur. 

Nous n’en continuerons pas moins de mener d’autres batailles pour une réelle justice sociale et environnementale.

MICKAËL, SERGE, ALIX, OLIVIER et des proches,
le 5 novembre 2025.


À la vision de la vidéo publiée par Médiapart / Libération, ce n'est pas tant la brutalité, somme toute raisonnée, comme écrit ci-dessus, de la garde mobile (corps qui, sous l'acronyme de GMR, connut ses heures de gloire sous l'Occupation dans la chasse aux maquis et réfractaires) mais c'est plutôt le niveau de jubilation et la misère du vocabulaire. Ce qui tend à confirmer qu'une bonne part des concernés ne sont que de mauvais voyous (les "bons", eux, assument leurs risques) se protégeant sous l'uniforme et que leurs expressions et leur "humour" ne sont autres que ceux de nervis fascistes.


Remarquez, c'est partout la même

lundi 13 octobre 2025

The Smugglers : rock de proximité

 

Il était une fois quatre gars plus vraiment dans le vent qui décidèrent, malgré leurs multiples activités annexes, de combattre l'ennui et la médiocrité ambiante par tous les moyens à leur portée.

Ainsi naquirent les Smugglers (en français passeurs, contrebandiers) aimable combo de rythm'n blues à tendance punkisante voire rockabilly s'ils sont en forme. 
Passant d’une balade libidineuse à un blues mexicain, d’un rock alcoolisé à un chant de voyou de la Belle époque, d‘un hymne aux guérilleros à un country folk en hommage à l’espoir nos lascars (Nick Zegrick à la basse, Champion Jack Thierry à la guitare, Mojo Guitou à l'harmonica et Julio V. au chant) se mirent donc à écumer irrégulièrement* les bistrots du midi toulousain, les bonnes causes à défendre ou un piquet de grève si on en trouve encore un qui tient.
Malgré les crins poussant dans dans leurs mains, nos lascars ont fini par laisser une trace en espérant que la postérité se montrera bonne fille.
Après tout, si Sixto Rodriguez est arrivé à réaliser un comme-back en Afrique du Sud**, qu'est ce qui les empêcherait de devenir cultes et reconnus en Albanie ou au Paraguay ?
En attendant cette future glorieuse tournée, on peut toujours les entendre en cliquant à cette adresse, sachant que tout téléchargement y est gratuit et fortement encouragé. 
Afin d'illustrer le propos, voici leur première vidéo sur le tube : un hommage aux guérilleros anti-franquistes tout comme au groupe de Pampelune, Barricada.
Avec par ordre d'apparition (hélas, de disparition serait plus juste) sur les images... Bah, on vous le dira pas ce coup-là.


De l'aventure, de l'amour, de la fureur, de la dérision, donc.
Ça tombe bien, ils seront au Bistro Ducoin (40 rue du gal Compans, Toulouse) jeudi prochain, le 16 !
Ah ! Bien entendu les trois gugusses de l'affiche ne sont pas le groupe annoncé. Qui sont-ils donc ? Sachez juste que la photo fut prise aux États-Unis en 1977.


Et tant qu'on y est, quelque part entre Muddy Waters et Guy Debord, un classique

* Ça leur va si bien !
** Vu dans un documentaire que nous soupçonnons fort d'être bidonné ( Sugar man, de Malik Bendjelloul, 2013) 

mardi 30 septembre 2025

Le 2 octobre mexicain

 


S'il est une maxime toujours vivace à Mexico, c'est bien "Nous n'oublierons pas le 2 octobre". Ce qui fait référence à "la nuit de Tlatelolco" ou la tuerie qui mit le point final à la rébellion de la jeunesse mexicaine en 1968.
Tout avait commencé là-bas au mois de juillet, le 22. Le feu aux poudres avait été allumé par des bagarres entre diverses bandes d'étudiants et des porros, gros bras chargés par le parti au pouvoir de faire le ménage des éléments contestataires à la matraque, tous ces jeunes gens ayant ensuite été brutalement dispersés par la police anti-émeute.
1968 était aussi l'année où le président Gustavo Díaz Ordaz s'était payé SES Jeux Olympiques qui débutaient le 12 octobre et était prêt à tout pour que ceux-ci soient la vitrine d'un pays triomphant (ça vous rappelle rien ?).
Rajoutons que ces années furent celles d'une expansion soudaine de la ville de Mexico et que les étudiantes et étudiants qui se répandaient dans les rues étaient petit à petit rejoints par des jeunes prolos et marginaux ravis de défier le pouvoir (ça vous rappelle rien ?).
Durant tout le mois d'août, les rues de la capitale, puis des autres villes du pays, furent envahies de manifestations contre la répression et un régime sclérosé soi-disant héritier de la Révolution de 1911-1920 (qui fut, en fin de compte, la confiscation du pouvoir par des propriétaires du Nord).
Le côté remarquable étant qu'aucun leader n'était apparu et que le seul organe menant ce combat était le Comité national de grève (CNH) formé d'un groupe de 250 représentants des écoles en excluant tout parti politique.

Bus incendié au cours des affrontements  
Dès l'origine, ce mouvement, qui réclamait essentiellement un peu d'autonomie et de démocratie, la libération des prisonniers et la dissolution de corps répressifs (dont les sinistres granaderos) fut traité par l'État comme "tentative subversive téléguidée de l'étranger pour instaurer un régime communiste" et ses participants de "délinquants, terroristes et dangers sociaux" (ça vous rappelle toujours rien ?).
Ce qui fait que le niveau de répression fut particulièrement élevé, surtout dès la nuit tombée, le gouvernement n'hésitant pas à envoyer l'armée fédérale contrôler la rue. 
Blindés sur la place du Zocalo
 
Les troubles ne faiblissant pas et la date des JO se rapprochant, l'État mit les bouchées doubles : fin septembre, la soldatesque s'empare de l'Université Autonome (UNAM) au sud et de l'Institut Polytechnique National (IPN) au nord de la ville, école fréquentée par des étudiants plus pauvres et qui donnera une nuit d'affrontements sanglants.Suite à cette répression, le CNH appela à un meeting géant près de l'IPN, sur la place dite "des trois cultures" (on y trouve un reste de pyramide aztèque, une église espagnole et des immeubles modernes et moches) plus connue comme place Tlatelolco (comme ça se prononce). 
Le quartier étant cerné par les troupes fédérales, un groupe paramilitaire (le bataillon "Olympie") se chargea d'ouvrir le feu sur les soldats depuis toits et terrasses suite à un signal lancé par un hélicoptère, atteignant même le général commandant le dispositif.

La réponse fut immédiate : les fédéraux mitraillèrent copieusement la place, laissant environ plus de 300 cadavres (qui furent aussitôt escamotés), commirent plusieurs exécutions sommaires dans les appartements alentour, procédèrent à des arrestations massives (la plupart des prisonniers ayant atterri, au secret, au camp militaire n°1) et achevèrent ainsi violemment cette révolte de la jeunesse mexicaine. 
L'État reconnut officiellement 4 morts et les JO s'ouvrirent en grandes pompes le 12.
Un procès monstre fut ensuite monté contre les prétendus "auteurs intellectuels" du mouvement (dont l'écrivain communiste dissident José Revueltas) et on envoya des centaines de gens moisir à la prison de Lecumberri avant une amnistie de 1971.
Il fallut attendre 1998 pour qu'une commission d'enquête soit mise en place (mais les archives avaient magiquement disparu) et 2002 pour que l'État reconnaisse un semblant de responsabilité.
Depuis les années 1980, ce massacre est commémoré chaque 2 octobre par des manifestations, généralement agitées, devenues le rendez-vous de la jeunesse (mais pas que) en colère.
Une des dernières séquelles de la tuerie fut la disparition des 45 étudiants de l'école normale d'Ayotzinapa (Guerrero) en 2014. Ces jeunes gens s'étaient emparés d'autobus pour se rendre à la manif du 2 à Mexico avant d'être interceptés à Iguala par des policiers, confiés à des narcos et disparus à côté d'un camp militaire.
À l'heure actuelle, on en est encore là... 

À titre d'illustration musicale, le chanteur agitateur de rue José de Molina (ici d'après une VHS de 1995) dans En esta plaza. On vous laisse son long discours avant. 


Et les rockers chilangos de La Maldita Vecindad commémorant eux aussi le 2 octobre.

La place Tlatelolco le 3 octobre au matin

Et suite à un commentaire, on rajoute les Salario Minimo (nom de groupe utopique)

mercredi 10 septembre 2025

C'est un bon jour pour bloquer

Gare de Saragosse oct 1934


On va enfin savoir si la plèbe a encore son mot à dire ou si les militants se contenteront de leur happening.
Et quoi de mieux, pour y aller en sifflotant, que ce bon vieux Joe qui nous manque encore (boomer, va !).
À tout de suite dans la rue ou au violon !
 

Même gare côté extérieur


vendredi 5 septembre 2025

Un docu sur OTH

 


On vient tout juste d'envoyer un morceau d'OTH sur ce bric-à-brac (ci-dessous) et en le recherchant, voilà-t-il pas qu'on a découvert que le seul et unique documentaire sur ces gloires du rock'n roll montpelliérain et au-delà, celui de Jérôme Prudent vu à FR3 à l'époque, a été posé sur YouTube.
Y'a donc pas de raisons de ne pas partager.
Et comme disent des potes : "ce qu'il a de bien avec eux, c'est qu'ils n'étaient pas prétentieux, pas comme... (suivez mon regard), que c'était une belle histoire d'amitié et que le succès ne leur allait vraiment pas."
Non seulement j'approuve ce message mais j'ajoute que c'est pour ça qu'on les aimait et que c'était un putain de groupe de scène.
Tous ceux et celles qui ont assisté au fameux concert du Bikini (l'ancien) où, à la demande générale ils on rejoué le concert intégralement et où la condensation atteignit un tel stade qu'il pleuvait à l'intérieur savent de quoi je parle.




Domi (Villebrun, guitare) est mort en 2016 et Beubeu (Banon, batteur qu'on avait vu officier derrière Comelade) en 2019. Les images de Dom viennent leur ultime répétition en 1991.
On les retrouve ici après la séparation du groupe tous deux d'accord sur leurs rapports avec la belle famille du showbiz.

samedi 30 août 2025

Désolation

 


Résumons l'affaire : le 10 septembre le pays est censé être paralysé suite à un appel d'on ne sait qui (ou parfois trop bien). Les journaleux qui font normalement silence dans ces cas en ont rajouté durant tout ce mois d'août. Frustrés d'avoir raté le train jaune des gilets, les récupérateurs divers et avariés sont déjà sur les rangs sans même réaliser à quel point leur présence seule fait office de repoussoir. 
Certes, on n'est jamais à l'abri d'une divine surprise et ce serait trop con de ne pas attiser les braises. Quitte, pour une fois, à tenter d'être là où on ne nous attend pas.
Pour désamorcer, la crise annoncée le ravi de Bétharam se suicide politiquement remplissant à merveille son rôle de fusible. Son honneur s'appelle certainement fidélité (point Godwin, on sait).
Par ailleurs, les syndicats qui font tout pour ne surtout pas déranger ont appelé à la grève... le 18 !
Alors oui, on se méfie des prédictions soi-disant auto-réalisatrice et il y aura des fafs, des pénibles, des staliniens divers, des complotistes, mais que voulez-vous, face à ce monde lamentable, il faut bien commencer (continuer ?) quelque part.
À bientôt donc sur les barrages.

Quant aux gesticulations politico-syndicales :

vendredi 20 juin 2025

On a chanté les narcos avec talent (il y a longtemps déjà)



Le film de 1978
 
Un des nombreux charmes du Mexique est la vivacité toujours réelle des corridos.
Équivalents à nos anciennes complaintes, ces chansons dont l'origine remonte à la colonisation espagnole sont des chroniques obéissant à quelques règles musicales qui narrent les faits divers, les bouleversements politiques, les faits glorieux, dérisoires ou catastrophiques parvenus dans le pays, la région, le quartier.
La longue tradition de banditisme mexicain a été bien entendu un des thèmes centraux de ces chansons populaires alors propagées toujours encore par des musiciens ambulants mais désormais popularisées par les radios, l'industrie du disque puis internet. 
Et voici l'entrée en scène du plus populaire des groupes de corridos, señores y señoras, j'ai nommé Los tigres del norte :

Bon goût typique du Nord

 Aussi incroyable que cela paraisse, cet ensemble de 
musique norteña, c'est à dire du Nord, avec accordéon omniprésent, fondé en 1968 au Sonora (État historiquement de narcotrafic) a dans le pays toujours une popularité seulement comparable ailleurs à Oum Kalthoum, Édith Piaf ou Johnny Cash.
Talentueux, non dépourvus d'une bonne dose de démagogie, les Tigres chantent, comme tout bons Mexicains la vie quotidienne, les amours malheureuses, la vie des migrants, les rapports conflictuels avec le voisin du dessus (présentement Trumpland) des saloperies politiques nationales et surtout... des histoires de voyous.
Coup de maître en 1974 : Contrabando y traición (contrebande et trahison) aventures d'un couple infernal qui s'achève par un meurtre amoureux (où c'est la femme qui flingue l'homme) dans une ruelle californienne. Cette chanson accouchera de deux suites en zizique (Ya encontraron a Camelia et El Hijo de Camelia), de trois romans, d'un film (Contrabando y traición, Camelia la Texana, 1975), d'un opéra (Únicamente la verdad) et de droits d'auteur qui auraient dus plonger le groupe dans une saine inactivité.
Mais en 1975, re-belote selon la même recette : La banda del Carro rojo va devenir le morceau qui tourera en boucle pour une trentaine d'années au moins.  
L'histoire (imaginaire) des frères Rodrigo y Lino Quintana et de leurs deux complices forcés par l'injustice sociale et les dettes à se convertir en trafiquants et qui en paieront le prix sera reprise par tous les groupes de baloches du pays.
Faut dire que le texte est assez habile pour poser une situation : Il paraît qu'ils venaient du Sud / dans une bagnole écarlate / chargée de 100 kilos de coke / en route vers Chicago... Ainsi le dit le mouchard / qui les avaient balancés.
Ou pour la conclure dignement : Et "Nino" Quintana disait / Ça devait arriver / mes copains sont morts / ils ne peuvent plus se mettre à table / et je le regrette, shérif / mais je ne sais pas chanter. 
Avec même la morale de rigueur : Des sept qui y sont passés / Il n'est resté que des croix / Quatre étaient de la bagnole rouge / les trois autres du gouvernement / Pour ceux-là, vous en faîtes pas / ils rejoindront Lino en enfer.


Évidemment, ça va donner un aimable nanard en 1978, réalisé par Rubén Galindo, un genre de Sam Peckinpah du pauvre.... 


Mais surtout ça va déboucher sur un certain nombre de reprises, y compris par des groupes de rock qui ne peuvent qu'être séduits par ces destins de hors-la-loi.
Et voici donc le type même de la reprise intelligente par La Barranca de Mexico sur un disque d'hommages aux Tigres en 2001.


Bon, inutile de préciser qu'au Mexique, le narcotrafic est devenu tout sauf folklorique depuis, qu'il a gangréné la société à tous les niveaux et que les chansons sont devenues vulgaires, grossières et à la gloire de parrains qui payent sans compter.
Au moins, les Tigres inventaient-ils leurs chroniques...

vendredi 30 mai 2025

Enfumage

 

Délinquants de bas étage

Il est assez croquignolet de constater que la même semaine où est officiellement rétabli l'usage de pesticides jamais éradiqués, où on reprend l'autorisation des méga bassines, où on apprend que l'absurde autoroute Toulouse-Castres va repartir de plus belle, la plus urgente tâche de notre ministre de la santé soit de traquer les fumeurs en plein air que ce soit sur les plages, dans les parcs et jardins ou à proximité des établissements scolaires (c'est beau comme du Churchill en 1940). Vous allez voir que les mômes finiront par s'en griller une dans les chiottes de leurs écoles, comme dans les films en noir et blanc.
Ah oui, nos petits génies suppriment aussi les ZFE pour pas pénaliser les pôvres. Et curieusement, l'augmentation du prix des clopes ne réserve toujours pas le cancer aux hautes sphères de la société car ces cons de gueux n'entendent toujours pas perdre leurs honteuses manies. 
Certes, il existe de multiples sujets tellement plus cruciaux et tragiques.
Mais avouez que dans le genre foutage de gueule et bonne conscience à deux balles, ça se pose un peu là...  
Le mot mascarade est encore faible. 
Enfin, ça aurait pu être pire, au lieu de naître en Absurdie on aurait pu voir le jour, je sais pas moi, au hasard à Gaza ou dans un camp réservé aux Sahraouis. 
Allez, honneur aux Dames :




lundi 19 mai 2025

Gattaca en ville

 


Les bonnes nouvelles étant rares, ne les boudons pas.
Sans hésiter à y rajouter un zeste de copinage.
Jeudi prochain, 22 mai, nos vétérans de la scène rock toulousaine Gattaca, délivreront en public leur deuxième album. 
Ce sera au Labo des Arts (8 rue Clement) à 19h30.
Outre, un nom, certes bienséant mais qui les rend un peu difficiles à dénicher sur un moteur de recherche standard, nos lascars (Bog, David, Nico et Léo) se définissent ainsi : Deux guitares acides, une basse génétiquement modifiée portée par une batterie incisive jouant un rock mutant aux accents rétro-futuristes. 
Vous voyez le tableau ?
Soyons plus clair : ces lascars ont digéré tout ce que le rock a produit pour nous faire vibrer, du Velvet au Gun Club, de Fugazi à The Sound pour ne citer que ceux-là (au hasard, tiens).
Illustrons ce propos par une vidéo qui a déjà cinq ans mais dont le titre renouvelé se trouve sur ledit album.


Et rappelons que Gattaca avait enregistré un disque, ADN Machine Drama, en 2018, chez le légendaire musicien et producteur bourguignon Lucas Trouble (remember les Vietnam vétérans ?) plus sobrement connu comme "Le Kaiser". 
On l'entend d'ailleurs triturer son orgue.


L'album en question se trouve à cette adresse
La soirée se déroulera en deux parties : nos héros joueront l'intégralité de l'oeuvre en première. La seconde sera l'occase d'une revue qui fera passer The Last Waltz (Scorsese, 1978) pour un aimable exercice de fin d'étude.
Enfin, normalement...



vendredi 25 avril 2025

Le triste sort d'Héctor

 

Les personnages d'Héctor (à gauche dans le pneu) le recherchent encore

À l'heure où un obscène dirigeant argentin confesse sa nostalgie pour la dictature de Videla et de ses séides, rappelons un cas parmi plus de 30 000 autres qui donnera une idée de l'ambiance de l'époque. 
Héctor Germán Oesterheld était un pur Argentin (donc issu de père Allemand et de mère Basque) né en 1919. 
Il fut un des plus grands scénaristes de bande dessinée de ce pays si prolixe en 7ème art, en massacres et en militaires sanguinaires.
À l'époque où la BD était encore un genre mineur réservé aux gamins.
Ouvrons ici une parenthèse, loin de nous l'idée de faire dans la délation ambiante mais l'anecdote est plaisante : signalons que lorsque le jeune Hugo Pratt, Italien ayant fait ses armes au pays du tango, des grillades et des traîneurs de sabres débarqua faire carrière en Europe, il "oublia" de mentionner que ses oeuvres ( Sergent Kirk, Tigerconda, Ann de la Jungle, Fort Wheeling, Ernie Pike -auquel il donna la gueule d'Héctor-) étaient scénarisées par Oesterheld. Un certain manque d'élégance de la part du maestro ! C'est depuis réparé.
Mais outre son boulot avec Pratt, Héctor fut, entre autres choses fondateur de maisons d'éditions (Frontera) de magazines (Hora Cero), scénariste de l'unique biographie en BD de Che Guevarra sous la (déjà) dictature du général Onganía, en 1968, ouvrage censuré, de La Guerra de los Antartes, mettant en valeur ses idéaux montoneros (Péronistes de gauche pourchassés par... Péron et exterminés par les militaires) aussitôt interdit.
Avec deux de ses filles, Marina et Estela
Mais son oeuvre majeure est restée L'Éternaute, publiée en 1957 / 1958 avec un deuxième tome en 1976.
Cette pseudo science-fiction narrait une invasion de l'Argentine par des extra-terrestres qu'on ne voit quasiment jamais et qui s'attachent à faire disparaître toute velléité de résistance. 
Ça vous rappelle quelque chose ?
Visiblement, aux crevures australes galonnées aussi.
Mentionnons qu'avant la date officielle de l'ultime coup d'État dégénérant en dictature, en 1976, la situation argentine était déjà ultra-violente, avec des escadrons de la mort, dont la "triple A", qui seraient recyclés en organes officieux dans les années suivantes, et un mouvement de guérilla urbaine, ERP gauchistes ou Montoneros, qui tentait de rendre les coups.
Membre de l'appareil clandestin montonero, comme responsable presse, Héctor vit, lors des premières années du processus de réorganisation nationale (aimable euphémisme) disparaître assassinées ses quatre filles, Estela, Diana, Beatriz et Marina ainsi que ses gendres.
Séquestré à son tour dans les centres de tortures clandestins El Vesubio et El Sheraton, au lieu de simplement le martyriser avant de la balancer à la mer depuis un avion (chose courante) les ganaches sadiques s'étant mis en tête de lui faire réaliser une BD... à la gloire des forces armées, elles le conservèrent un temps.  
Ce qui sera un franc échec et débouchera sur la disparition d'Oesterheld dans le néant après janvier 1978, à presque 60 ans.
Ce scénariste spécialisé dans les ambiances ténébreuses peuplées de personnages luttant pour la justice sans tomber dans le manichéisme a connu le sort de ses créatures.
Depuis, il est devenu une référence, objet de nombreux hommages.
Ce qui doit lui faire une belle jambe au cas où...
Sa veuve, Elsa Sánchez, est logiquement mais vaillamment devenue une figure des Mères et Grands-mères de disparus (ou de la Place de Mai). 

Notre hommage pour terminer : nonobstant la terreur ambiante, il fut assez remarquable que le rocker argentin Charly García ait osé cette chanson en 1983 : Los Dinausorios, dans laquelle si tout le monde est susceptible de disparaître, ce sera aussi le cas des dinosaures (qui n'allaient pas tarder à tomber suite à une lamentable guerre des Malouines). Même si à cette heure, les dinosaures prospèrent un peu partout.


Le régime argentin était tellement entré en putréfaction en cette année 1983 que les punks los Violadores, s'essayaient eux à ce titre : Represión
 

Autre bel hommage : Héctor de Léo Henry (lui-même scénariste).

lundi 31 mars 2025

Communication breakdown : IA et traduction


 Après avoir critiqué Wim Wenders et le jour même où on apprend la disparition d'Yves Boisset, dont les films n'ont finalement pas si mal vieillis (revoyez RAS, Dupont Lajoie, Allons Zenfants, Un condé ou Le juge fayard pour commencer) intéressons-nous au cas d'un autre indécrottable gauchiste, Ken Loach qui a manifesté une constance impeccable dans son propos et commis de nombreux films tout à fait remarquables (la liste serait là trop longue).
Certes, sa dernière oeuvre à ce jour, The Old Oak (2023) n'est certes pas dans nos cinq préférés mais on l'a trouvé mieux qu'honorable. 
Résumons l'argument : un bled du côté de Durham, au sud de Newcastle, ravagé par la fermeture des mines suite à l'écrasement des prolos de 1984-1985 et où le dernier lieu public ouvert est le pub donnant le titre du film, reçoit sans crier gare un groupe de réfugiés syriens alors en pleine débâcle.
Évidemment, cela va créer quelques tensions au sein d'une communauté délaissée qui voit par ailleurs ses maisons abandonnées bradées à des fonds de pensions "qui ne les ont même pas visitées et vont les louer à des crétins" (dixit). C'est sans compter quelques hommes et femmes pétris d'humanités et de valeurs désuètes telles l'accueil ou la solidarité qui vont essayer de recoller les morceaux entre les deux groupes : indigènes plus ou moins vernaculaires (bien des mineurs venaient d'ailleurs) et Syriens largués au milieu du froid.
Le DVD du film comprenant les scènes écartées au montage, on a découvert avec jubilation cette scène (dont on pige pas pourquoi elle fut coupée) : tentative de dialogue sur chantier entre plombiers de diverses origines qui passe par le traducteur automatique de l'IA.
Sauf que dès qu'on a l'accent working class et, circonstance aggravante, de la région de la Tyne, le pauvre logiciel est complètement largué.
Faut donc prendre des mesures radicales mais efficaces. 


Ce qui nous amène à nous demander ce que feraient ces fuckin' traducteurs automatiques avec non seulement la plupart des textes plus ou moins poétiques mais talentueux, ça c'est évident, mais plus simplement avec l'accent anglais de notre Adriano Celentano trop longtemps absent de ce blogue.


Et puisqu'on en est au cas de notre latin rocker, que ferait un logiciel à la con du cas de yaourt évoqué il y a quelque temps et repris ici par un certain Mike Reid en 1974, qui n'a pas osé pousser le bouchon jusqu'au bout.

mercredi 26 mars 2025

Trois minutes de bonheur


Osons enfin l'avouer en société, malgré toute la gloire qu'il généra, le film Les Ailes du désir (1987) de Wim Wenders nous a toujours paru être un pensum laborieux et boursouflé, générateur d'un implacable ennui, même pas sauvé par la présence du génial Peter "Columbo" Falk, bien plus à sa place chez Cassavetes.
Ce qui n'empêche pas d'avoir un certain respect pour le boulot et la carrière d'un réalisateur qui n'aurait peut-être pas dû, pour l'occasion laissé transpirer une empreinte catholique quelque peu pénible (comme dans Paris Texas, tiens).
Néanmoins, il existe trois minutes de joie* justifiant à elles seules qu'on s'enquille les 110 minutes qui les précédent. Je fais, bien entendu allusion au concert des Bad Seeds avec Nick Cave où le groupe (période Kid Congo, mazette !) y interprète les chansons The Carny, présente sur le quatrième album du groupe Your Funeral… My Trial (1986), et From Her to Eternity, issue du premier éponyme album du groupe (1984).
Et comme dernièrement, les occasions de se faire plaisir sont exceptionnelles, autant se rafraichir les yeux et les oreilles.


* Un peu comme la séquence avec les Yarbirds dans le très surestimé Blow up d'Antonioni (1967).

Ils étaient jeunes et pas très larges d'épaule