jeudi 16 mai 2019

Corazon Rebelde, un peu trop tôt


Suite au sanglant coup d'État de Pinochet et de ses sbires, le 11 septembre 1973, la France fut un des pays européens à accueillir nombre d'exilés chiliens. La realpolitik étant ce qu'elle est et la police nationale n'ayant jamais démenti sa réputation, elle se fit un devoir de signaler aux différentes polices Sud américaines les révolutionnaires regagnant leur continent d'origine pour reprendre la lutte armée ou pas. Tout ceci est parfaitement documenté dans les archives du Plan Condor.
Mais là n'est pas le propos.
On s'intéresse aujourd'hui au sort d'un groupe de jeunes Chiliens dont les parents s'étaient réfugiés à Paris et qui tentèrent de laisser leur empreinte dans l'histoire musicale : les frères Vásquez.

En 1982, Oscar (alias Cacho, beau gosse d'un mètre 90), Rodrigo et Luis, fans absolus des Clash, empoignent guitares et basse, s'adjoignent les services de Cyril Noacco (franco-tunisien de son état) à la batterie.
Au lieu de se vêtir de ponchos andins comme leurs aînés et de reprendre Victor Jara, Inti Illamani ou  Violeta Parra, ils décident de changer la face du rock 'n roll en y mêlant du punk, de la rumba, des rythmes caribéens et de chanter en castillan, tant l'exil que le Chili ou l'Espagne "d'avant".
Et de se baptiser, en toute humilité Corazon Rebelde. Comme des Soul Rebels, quoi.

En 1985, ils sortent un premier 45 tour Radio Bemba / Tios de acero qui sonnait comme une baffe. Même les amateurs de salsa ou de rock espagnol n'avaient connu fusion aussi joyeusement sautillante assumée avec un tel sans-gêne.


Aussi sec sort un album sur un label indépendant, Mino Music, produit par un vieux routard de la fusion latina, l’Uruguayen Carlos Pájaro Canzani.
Ce disque contenait au moins quatre tubes potentiels et les quatre sudacas récoltèrent une presse élogieuse tant officielle que fanzineuse. Alors que Paname était en passe de devenir l'autre ville du raï algérien ou de la rumba congolaise, on s'est demandé si un autre genre n'est pas en train de naître.
Oyez leur hommage au port de Valparaiso


Et que croyez-vous qu'il advint ? Nada ! Nib ! Le bide intégral !
Nos Don Quichotte d'occase ont bien enregistré un autre 45 tour funky plutôt anecdotique, De quoi j'me mêle / Soledad en 1987 mais, en fin de compte, ils se sont retrouvés à devoir accompagner la chanteuse de variété belge Lio pour assurer les fins de mois avant de disparaître corps et bien.
La Mano Negra et quelques autres se sont chargés de creuser le (micro) sillon et de passer au tiroir-caisse. Trop tôt, les mecs !
Le beau Cacho avait aussi sorti un roman auto-biographique, Sebasto´s Angels, co-écrit avec sa mère, Ana, avant de sortir des écrans radars.
Mais la destinée ayant le sens de l'humour, un label chilien, Alerce, édita l'album là-bas d'abord en cassette en 1985, avec un petit succès dans le milieu étudiant, avant de le rééditer en CD en 2003 et de donner au groupe disparu une certaine reconnaissance australe.
On sait juste que Cacho vit désormais au Chili et qu'il joue en solo.

Malgré un son pourri, on les repasse en 1982, sur Antenne 2 jouant en direct la chanson Barcelona. Au fait, qu'est devenu le gars au foulard rouge du début ?


2 commentaires:

  1. Corazon Rebelde furent d'ailleurs une des inspirations des bandits manceaux Nuclear Device, cf cet excellent ouvrage que je ne saurais que trop conseiller (séquence autopromo éhontée, hi hi) : http://www.editionslibertalia.com/catalogue/coeditions/nuclear-device-45-revolutions-par-minute
    On les voit par ailleurs dans le clip de Lio "Les Brunes..." : https://www.youtube.com/watch?v=hkHF0xvQOok

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  2. On n'a jamais vraiment su s'ils étaient allés accompagner Lio par amitié ou par obligation économique. Pas jojo après un tel début de carrière.
    Et encore bravo pour les les bandits manceaux (on dit pas mancuniens ?)
    J.

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