Roule au loin roule ô train des dernières lueurs
les soldats assoupis que ta danse secoue
laissent pencher le front et fléchissent le cou
cela sent le tabac, l'haleine, la sueur.
Aragon, Tu n'en reviendras pas.
Il arrivait donc à Aragon d'écrire de fort belles choses qui mettent à jour cet immense mélange de déprime, de fatigue, de crasse qui a toujours fait le quotidien des armées en campagne.
L'industrie mettant ses dernières production au service de la guerre (et inversement) on peut considérer que c'est à partir de la Guerre de Sécession qu'un réseau ferroviaire conséquent permit de trimballer la chair à canon d'un bout à l'autre des territoires en conflit. Et de considérer les voies ferrées en tant qu'objectifs militaires, comme lors de la campagne de destruction des infrastructures ennemies menée par le général Sherman.
Au Mexique, Pancho Villa, après avoir utilisé un train comme cheval de Troie à Cd. Juarez, réalisa toute sa guerre éclair grâce à un ensemble ferroviaire dont la responsabilité revenait au redoutable Rodolfo Fierro. Les monuments à la Révolution sont souvent là-bas de vieilles locomotives.
Quelques années plus tard, les régions bordant le Transsibérien furent le théâtre de tueries interminables, de retournements d'alliances, et d'une multiplication de seigneurs de la guerre.
Et comme de la chair à canon, à la chair à charnier, il n'y a qu'un pas, on sait la rationalisation qu'appliquèrent les nazis aux réseaux ferrés, un certain Adolf Eichmann étant chargé du ballet de mort.
Outre, la boue, les poux, les éclats d'obus, de grenades et de multiples autres projectiles, les survivants de la Guerre de 14-18 sont restés marqués par ces transports qui les amenaient au casse-pipe ou les en ramenaient dans un plus ou moins sale état.
Un bel exemple en est cette chanson de Michel Vaucaire et Ivan Devries, enregistrée en 1935 par le duo Gilles et Julien qui, dans les années 30 préfigurèrent tout un pan du cabaret d'après guerre, en paroles et gestuelles.
Voici donc, en référence aux sinistres écriteaux cloués sur les wagons Hommes 40 ... Chevaux 8
Y a l'amour à trois, la guerre de Troie, l'ascète de Troyes et la marchande de Foix.
RépondreSupprimerJe ne connais pas l'histoire du Transsibérien mais, pendant la Révolution, en Ukraine, les voies ferrées ont aussi joué un rôle stratégique. Là-dessus, on peut lire Makhno, Archinov, Voline, Skirda ou "Maria Nikiforova, la révolution sans attendre. L'épopée d'une anarchiste à travers l'Ukraine (1902-1919)", de Mila Cotlenko, Mutines Séditions.
Amitiés
Marcela Zulu
Les trains ont joué un grand rôle au cours des boucheries dans lesquelles on n'a pas choisi d'enterrer les hommes dans des tranchées.
RépondreSupprimerCeci dit, en Ukraine ça cavalait plutôt sur des chevaux et des tatchankas, ancêtres des blindés.
Le Transibérien étant la colonne vertébrale de la partie asiatique du pays, il a été partiellement ou en totalité aux mains des Rouges, des Blancs de Kolchak ou de l'ataman Semenov, des Japonais, du baron mégalomane Ungern-Sternberg qui voulait se tailler un royaume en Sibérie / Mongolie et surtout de la Légion Tchèque qui s'empara de la voie pour le compte des Blancs avant de la livrer aux Rouges en échange de leur rapatriement.
Et encore, j'en oublie certainement.
Bien à vous.
Jules
J'oubliais. À propos de l'Ukraine, vous pouvez trouver une suite makhnoviste de février 2014, sur ce même blogue. On y trouve des choses assez... particulières.
RépondreSupprimerJ
On se souviendra entre autres ici ou
RépondreSupprimerlà de combats ferroviaires et du baron Ungern-Sternberg qui nous firent frissonner. Pas de froid, le papier n'était pas glacé.
Hélas ! Le dessin animé est d'une extrême fadeur si on le compare à la bd originelle.
RépondreSupprimerJ
D'autant que dans ce livre, ce vieux farceur d'Hugo Pratt a représenté un vieil habitué de ce blog sous les traits du mélancolique capitaine Nino.
RépondreSupprimerAh ! Ca j'ignorais, merci pour la découverte. C'est Pratt qui a représenté Ferrer ou le chanteur qui s'est identifié au personnage après coup ?
RépondreSupprimerBen , vu les dates respectives, c'est bien Pratt qui a appelé son officier dépressif et musicien Nino en lui collant la tronche à notre Ferrer favori.
RépondreSupprimerUn geste amical, je suppose.