Et ne serait-ce que pour le tourne-disque, Charles, on t'aime !
Imaginez, ce petit gars de Lagrasse (antique et charmant village de l'Aude, aujourd'hui proie de cultureux fortunés) a inventé successivement le télégraphe automatique (1867), la photo couleur en trichromie (1869) et le paléophone (1877) prototype du phonographe que ce businessman d'Edison va aller breveter avant lui.
Ça, c'est le côté scientifique du bonhomme.
Le moustachu a aussi été membre des Vilains Bonhommes, des Hydropathes (d'Émile Goudeau et de son pote Maurice Mac Nab) et créé Cercle des Zutistes, tous éminents poètes.
Il a brûlé les planches du Chat Noir avec ses fameux monologues (le Hareng saur) et s'est révélé un sacré précurseur des surréalistes.
Extrait :
Je me distrais à voir à travers les carreaux
Des boutiques, les gants, les truffes et les chèques
Où le bonheur est un suivi de six zéros.
Je m'étonne, valant bien les rois, les évêques,
Les colonels et les receveurs généraux
De n'avoir pas de l’eau, du soleil, des pastèques
Voici un autre de ses poèmes en guise d'avertissement, Aux imbéciles, ici chanté par Jean-Luc Debattice. (Suffit de cliquer sur le titre).
Et sa célèbre Berceuse par Juliette Gréco (1969, musique de Yani Spanos)
Charles Cros fut même chanté par Brigitte Bardot : Sidonie sur l'album Vie Privée (1962)
Très grand Pote de Villiers, Cros (z auraient écrit "le moine bleu" - leur gros délire - ensemble) : Cros était le régulier de Nina de Villard (ex-de Callias). Et cette môme Nina n'est autre que la "femme à l'éventail " de Manet (à Orsay, on peut la voir). Toute la bohème montmartroise du temps, en somme, et même d'avant : de Raoul Rigault à Léon Diercx en passant par Bloy, Mallarmé et tant d'autres... Nina de Villard créchait rue des Moines (c'est pour ça que... bon bref), au 82 d'aujourd'hui. C'est là que les loqueteux et/ou gauchistes parisiens de l'époque venaient trouver une soupe et/ou un toit pour la nuit. Nina - comme son amoureux Cros, comme Villiers - avait aussi taté de la Commune en 71, et s'était d'ailleurs, pour ça, exilée en Suisse, très longtemps.
RépondreSupprimerDans "L'Eve future" , et puis ailleurs, Villiers parle d'Edison. Il l'appelle parfois le " papa du phonographe ".
Et Cros, alors ? Coiffé au poteau pour le brevet de la photographie (couleur) aussi... L'alliance du poète et de l'inventeur scientifique. Comme quoi c'est possible, n'en déplaise à Pièces et Nain d'oeuvre.
Bon, sinon, sur Cros, le truc le plus drôle qu'il ait écrit, c'est la " Science de l'amour " : irrésistible ! (dispo dans La Pléiade : trouvable en bibliothèque) : c'est justement une satire anti-positiviste : très complémentaire, du coup, avec " L'appareil pour l'analyse chimique du dernier soupir " (de Villiers) : autre régal d'humour noir.
Grand merci pour tous ces compléments, Moine.
RépondreSupprimerIl semble que le poète inventeur ne se pressait pas trop d'aller faire reconnaître ses œuvres. Là-dessus, Thomas Edison était bien plus "moderne".
Quant au sympathique Villiers, si vous connaissez quelques uns de ses textes mis en musique, n'hésitez pas à les faire tourner.
Salut et fraternité.
Jules