vendredi 24 avril 2015

Ceux du trimard

Livre, ô combien réjouissant, publié en 1928.

Autonome des lettres, le trimardeur Marc Richard, alias Stéphane (1870-1944), s'est payé le luxe d'inventer un langage. Son récit est un chamboulement linguistique quatre ans avant le Voyage de Louis-Ferdinand Céline.
On trouvera un bel article sur le sujet ici.

Son père mort en 1878 et ne supportant plus la tyrannie maternelle, Marc Stéphane se fait émanciper à l'adolescence, touche sa part d'héritage et quitte sa famille. Il parcourt la France à pied, devenant un chemineau parmi les coureurs de routes et autres trimardeurs, glanant ça et là expressions, anecdotes et personnages qu'il recyclera.
Après son service militaire, Marc Stéphane s'installe à Paris et publie à compte d'auteur en 1891 un recueil de poèmes "À toute volée".

C'est à 58 ans qu'il publie "Ceux du trimard". Entièrement écrit en argot de vagabonds à tendance picarde, ce bouquin rassemble les souvenirs décousus d'un vieux de la vieille sous lequel pointe l'auteur  
A ranger sur l'étagère des écrivains vagabonds entre Tom Kromer et Jean-Paul Clébert

 Un petit extrait pour mise en bouche :
 " Qu'est ce qu'un honnête homme ? Hein, je te prends sans verts, à ce coup pour l'définition ? Ben... te casses pas les méninges ilà-dessus, Batiss' te le va donner pour une fois et sans douleur, bon : un honnête homme, c'est un que les cognes ont pas ENCORE paumé sur le tas. Simp'ment." (...)
Et l'loi, qu'est ce que l'LOA, comme ils disent ceux qu'en ont plein le bec, sinon l'égoïsme collectif dressé contre l'individuel ? L'vacherie des repus qui s'efforce de prévenir l'révolte des vent' creux ?
Je dis prévenir, compagnon, et non pas apaiser, ce qui serait pas du tout l'même chose, faut pas confond'. Bon.
Toutefois, pour êt' équita', je dois ajouter que t'as qu'à remplir le vent' creux et le v'là qui passe de rif et d'autor dans l'catégorie des vent' pleins et qui crie, comme les aut' repus : l'lôa ! l'lôa ! Tu t'rends compte ? Bon."


L'auteur en journalier
En 1894, Marc Stéphane avait déjà pondu un roman autobiographique, sur sa courte expérience d'écrivain malchanceux et mal servi : L'Arriviste.

Puis, il a écrit une bonne douzaine d'ouvrages : contes, souvenirs, aphorismes, mémoires ou romans. 
Il a aussi rédigé un mémoire en défense de l'anarchiste Jean Grave, à l'époque du Procès des Trente.
Il a par la suite rompu avec le journal Le Libertaire, le jugeant trop doctrinaire.

À la fin de sa vie, il écrira également sur ses expérience de morphinomane ainsi que sur ses séjours en hôpital psychiatrique, à Saint-Anne.



Pour conclure, du Couté d'époque, patois de Sologne garanti.

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