Un gars qui faisait des chansons et qu'a mal tourné
Jules
Théodore Louis Jouy connu
comme Jules Jouy né
à Paris le 27 avril 1855,
mort
le 17 mars1897.
Issu
d'un milieu pauvre, fréquentant les goguettes de
son quartier et commençant à composer des chansons. Marqué par
la Commune de Paris,
il part pour l'armée à 20 ans dans le service auxiliaire en raison
d'une malformation au bras droit.
À
21 ans, en 1876, il
commence à publier dans Le
Tintamarre journal
de Léon Bienvenue, plus connu sous le sobriquet de Touchatout,
des chansons et articles où percent déjà ses thèmes de
prédilection : l'anticléricalisme, la république, l'injustice
et le macabre, avec une véritable fascination pour la guillotine.
Il
fréquente la célèbre goguette La lice Chansonnière,
puis organise une goguette : Le
Rire gaulois.
En septembre 1878,
il collabore au journal Le
Sans-culotte.
Cet organe de presse fondé par le dessinateur Alfred Le Petit est
républicain virulent, milite pour l'amnistie des communards et
combat le cléricalisme. Parallèlement à son activité de rédacteur
dans Le
Tintamarre et Le
Sans-culotte Jules
Jouy écrit des chansons pour le caf' conç'.
Jules
Jouy qui après la boucherie a exercé entre temps plusieurs petits
métiers est à l'époque peintre en porcelaine.
Il développe alors une intense activité d'écrivain de chansons et
fini par choisir d'en faire son métier. En dépit du succès de ses
œuvres il connait des conditions de vie extrêmement précaires.
Fin 1878 il
fréquente le Cercle des Hydropathes animé
par Emile Goudeau au quartier Latin.
Devenu
rédacteur en chef du journal des Hydropathes Jules
Jouy publie un règlement interne loufoque de ladite société :
Article 1er ;
L'assemblée des Hydropathes se compose de la sonnette du Président.
- Article 2 : La susdite sonnette est chargée de faire observer le présent article.
Après
la disparition du groupe des Hydropathes, en 1880 il
continue son activité
de rédacteur dans différents journaux et écrit toujours de
chansons.
En
septembre 1881 il rejoint le groupe des Hirsutes fondé
par le pianiste et organiste Maurice Petit.
Avec l'illustre Sapeck chef
de file des Fumistes il
fonde, en 1881, L'Anti-concierge éphémère organe
officiel de défense des locataires.
Il en paraît juste 7 numéros. Le même mois Jules Jouy commence une
activité de chansonnier au cabaret du Chat Noir que
vient de fonder Rodolphe Salis.
En avril 1882 il
fonde Le
Journal des merdeux dont
les textes et dessins sont consacrés à la merde. Ce journal dont il
écrit les textes et dont les dessins sont de Eschbach est aussitôt
interdit au motif de son « caractère pornographique ».
En 1883, le
succès vient pour lui avec la chanson Derrière
l'omnibus,
musique de Louis Raynal, chantée par Paulus grande
vedette de l'époque. La même année il fait la connaissance
de Jules Vallès au Chat
noir et
ébauche une collaboration avec son journal Le
Cri du peuple.
Il rencontre aussi Aristide Bruant et
écrit avec lui plusieurs chansons à succès. En septembre 1883
Jules Jouy fonde le banquet-goguette La
Soupe et le Bœuf qui
se réunit au Cabaret des assassins. Début 1884, il
collabore au journal La
Lanterne des curés qui
est condamné pour « pornographie ». En juin 1885, Jules
Jouy préside une goguette : La
Goguette moderne. Décembre 1886, il
reprend sa collaboration avec le journal Le
Cri du peuple.
En 1887, il
écrit La Veuve,
poème sur la guillotine et la peine de mort. Il est dit avec un
grand succès dans les cabarets montmartrois par Jules Jouy, Taillade
et Mévisto.
Début 1888, il
publie son premier recueil intitulé Chansons
de l'année.
Fin mars 1888 il cesse sa collaboration au journal Le
Cri du peuple et
commence à écrire pour le journal Le
Parti ouvrier.
D'avril 1888 à juin 1889, il
y écrit 200 articles dont les trois-quarts sont des attaques d'une
violence extrême contre le général Boulanger qu'il
a baptisé l'infâme
à barbe.
Les boulangistes le baptisent le
Poète chourineur car
ses textes vont jusqu'à l'appel au meurtre.
Exemple :
Gogos,
filous et déclassés,
Rangez-vous autour de ma poire,
Par les ch'mins qu'Badingue [*] a tracés,
Allons prendre d'assaut l'histoire
Parjur's, mensong's, et cœtera,
Pour arriver rien ne m'arrêt'ra
Et s'il faut que l'sang du peuple coule,
Je ferai tirer sur la foule.
Rangez-vous autour de ma poire,
Par les ch'mins qu'Badingue [*] a tracés,
Allons prendre d'assaut l'histoire
Parjur's, mensong's, et cœtera,
Pour arriver rien ne m'arrêt'ra
Et s'il faut que l'sang du peuple coule,
Je ferai tirer sur la foule.
Pour
mettre les naïfs dedans,
J'dégot' les arracheurs de dents'
Les marchands de casse et d'rhubarbe :
C'est moi qui suis l'infâme à barbe !
J'dégot' les arracheurs de dents'
Les marchands de casse et d'rhubarbe :
C'est moi qui suis l'infâme à barbe !
* Napoléon III, dit "Badinguet"
Mais
c'est là que ça dérape : en novembre 1888 dans la chanson Les
accaparés il
est également extrêmement violent et appelle la « bonne
Gaule » au meurtre. Mais les personnes désignées ici comme
nuisibles sont les juifs qu'il faut bastonner, pendre et étrangler
et pas le général Boulanger. Jules Jouy comme Adolphe Wilette, fait
partie du courant antisémite qui
existe à l'époque à Montmartre.
Pendant
quatre ans, pendant la crise Boulangiste,
Jules Jouy parvient à publier chaque jour dans la presse une chanson
d'actualité. Sa facilité et sa rapidité le font surnommer « la
chanson faite homme ».
Fin juin 1889 il quitte Le
Parti ouvrier et
rejoint le journal Le
Paris.
La même année il publie son deuxième recueil Chansons
de bataille.
Son troisième paraît en 1890, La
Chanson des joujoux qui
comprend 20 chansons pour enfants. En 1891 paraît
son quatrième recueil La
Muse à bébé.
Faussement adressé aux enfants il s'adresse en fait aux adultes.Son
activité de goguettier se
poursuit au cabaret du Chat
noir :
il préside en janvier 1892 la
première réunion de la Goguette du Chat Noir et
participe à ses activités.
En 1893,
il publie plusieurs chansons violemment antisémites dans La libre parole illustrée de l'infâme Edouard Drumont.
En 1894 il
reprend la direction du cabaret Café
des décadents qui
a succédé au Café
des incohérents.
Ce cabaret est assez vite fermé par ordre de la Préfecture de
police. Il collabore au nouveau journal hebdomadaire Le
Rire.
Suite à sa brouille avec Rodolphe Salis, suivie d'un procès, il
fonde le cabaret du Chien
noir en
opposition au Chat
noir.
Les
efforts surhumains qu'il a accomplis dans son combat contre Boulanger achèvent
de ruiner une santé déjà très altérée par l'abus du tabac et de
l'absinthe.
Ses troubles mentaux le rendant dangereux ses amis sont amenés à le
faire interner dans une clinique psychiatrique située rue Picpus à
Paris au mois de mai 1895.
Victime d'une paralysie générale, il meurt fou à l'âge de 42 ans
le 17 mars 1897. Trois jours plus tard l'ensemble des chansonniers
montmartrois suit son enterrement au Père Lachaise.
Une de ses plus belles par Michèle Bernard
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