jeudi 4 avril 2013

Du côté du Chat Noir (2) Jules Jouy

Un gars qui faisait des chansons et qu'a mal tourné



Jules Théodore Louis Jouy connu comme Jules Jouy né à Paris le 27 avril 1855, mort le 17 mars1897.




Issu d'un milieu pauvre, fréquentant les goguettes de son quartier et commençant à composer des chansons. Marqué par la Commune de Paris, il part pour l'armée à 20 ans dans le service auxiliaire en raison d'une malformation au bras droit.
À 21 ans, en 1876, il commence à publier dans Le Tintamarre journal de Léon Bienvenue, plus connu sous le sobriquet de Touchatout, des chansons et articles où percent déjà ses thèmes de prédilection : l'anticléricalisme, la république, l'injustice et le macabre, avec une véritable fascination pour la guillotine.
Il fréquente la célèbre goguette La lice Chansonnière, puis organise une goguette : Le Rire gaulois. En septembre 1878, il collabore au journal Le Sans-culotte. Cet organe de presse fondé par le dessinateur Alfred Le Petit est républicain virulent, milite pour l'amnistie des communards et combat le cléricalisme. Parallèlement à son activité de rédacteur dans Le Tintamarre et Le Sans-culotte Jules Jouy écrit des chansons pour le caf' conç'.
Jules Jouy qui après la boucherie a exercé entre temps plusieurs petits métiers est à l'époque peintre en porcelaine. Il développe alors une intense activité d'écrivain de chansons et fini par choisir d'en faire son métier. En dépit du succès de ses œuvres il connait des conditions de vie extrêmement précaires. Fin 1878 il fréquente le Cercle des Hydropathes animé par Emile Goudeau au quartier Latin.
Devenu rédacteur en chef du journal des Hydropathes Jules Jouy publie un règlement interne loufoque de ladite société :
Article 1er ; L'assemblée des Hydropathes se compose de la sonnette du Président.
Article 2 : La susdite sonnette est chargée de faire observer le présent article.
Après la disparition du groupe des Hydropathes, en 1880 il continue son activité de rédacteur dans différents journaux et écrit toujours de chansons.
En septembre 1881 il rejoint le groupe des Hirsutes fondé par le pianiste et organiste Maurice Petit. Avec l'illustre Sapeck chef de file des Fumistes il fonde, en 1881, L'Anti-concierge éphémère organe officiel de défense des locataires. Il en paraît juste 7 numéros. Le même mois Jules Jouy commence une activité de chansonnier au cabaret du Chat Noir que vient de fonder Rodolphe Salis. En avril 1882 il fonde Le Journal des merdeux dont les textes et dessins sont consacrés à la merde. Ce journal dont il écrit les textes et dont les dessins sont de Eschbach est aussitôt interdit au motif de son « caractère pornographique ».
En 1883, le succès vient pour lui avec la chanson Derrière l'omnibus, musique de Louis Raynal, chantée par Paulus grande vedette de l'époque. La même année il fait la connaissance de Jules Vallès au Chat noir et ébauche une collaboration avec son journal Le Cri du peuple. Il rencontre aussi Aristide Bruant et écrit avec lui plusieurs chansons à succès. En septembre 1883 Jules Jouy fonde le banquet-goguette La Soupe et le Bœuf qui se réunit au Cabaret des assassins. Début 1884, il collabore au journal La Lanterne des curés qui est condamné pour « pornographie ». En juin 1885, Jules Jouy préside une goguette : La Goguette moderne. Décembre 1886, il reprend sa collaboration avec le journal Le Cri du peuple. En 1887, il écrit La Veuve, poème sur la guillotine et la peine de mort. Il est dit avec un grand succès dans les cabarets montmartrois par Jules Jouy, Taillade et Mévisto


Début 1888, il publie son premier recueil intitulé Chansons de l'année. Fin mars 1888 il cesse sa collaboration au journal Le Cri du peuple et commence à écrire pour le journal Le Parti ouvrier. D'avril 1888 à juin 1889, il y écrit 200 articles dont les trois-quarts sont des attaques d'une violence extrême contre le général Boulanger qu'il a baptisé l'infâme à barbe. Les boulangistes le baptisent le Poète chourineur car ses textes vont jusqu'à l'appel au meurtre.
Exemple :
Gogos, filous et déclassés,
Rangez-vous autour de ma poire,
Par les ch'mins qu'Badingue 
[*] a tracés,
Allons prendre d'assaut l'histoire
Parjur's, mensong's, et cœtera,
Pour arriver rien ne m'arrêt'ra
Et s'il faut que l'sang du peuple coule,
Je ferai tirer sur la foule.
Pour mettre les naïfs dedans,
J'dégot' les arracheurs de dents'
Les marchands de casse et d'rhubarbe :
C'est moi qui suis l'infâme à barbe !
* Napoléon III, dit "Badinguet"

Mais c'est là que ça dérape : en novembre 1888 dans la chanson Les accaparés il est également extrêmement violent et appelle la « bonne Gaule » au meurtre. Mais les personnes désignées ici comme nuisibles sont les juifs qu'il faut bastonner, pendre et étrangler et pas le général Boulanger. Jules Jouy comme Adolphe Wilette, fait partie du courant antisémite qui existe à l'époque à Montmartre.
Pendant quatre ans, pendant la crise Boulangiste, Jules Jouy parvient à publier chaque jour dans la presse une chanson d'actualité. Sa facilité et sa rapidité le font surnommer « la chanson faite homme ». Fin juin 1889 il quitte Le Parti ouvrier et rejoint le journal Le Paris. La même année il publie son deuxième recueil Chansons de bataille. Son troisième paraît en 1890, La Chanson des joujoux qui comprend 20 chansons pour enfants. En 1891 paraît son quatrième recueil La Muse à bébé. Faussement adressé aux enfants il s'adresse en fait aux adultes.Son activité de goguettier se poursuit au cabaret du Chat noir : il préside en janvier 1892 la première réunion de la Goguette du Chat Noir et participe à ses activités.
En 1893, il publie plusieurs chansons violemment antisémites dans La libre parole illustrée de l'infâme Edouard Drumont. 
En 1894 il reprend la direction du cabaret Café des décadents qui a succédé au Café des incohérents. Ce cabaret est assez vite fermé par ordre de la Préfecture de police. Il collabore au nouveau journal hebdomadaire Le Rire. Suite à sa brouille avec Rodolphe Salis, suivie d'un procès, il fonde le cabaret du Chien noir en opposition au Chat noir.
Les efforts surhumains qu'il a accomplis dans son combat contre Boulanger achèvent de ruiner une santé déjà très altérée par l'abus du tabac et de l'absinthe. Ses troubles mentaux le rendant dangereux ses amis sont amenés à le faire interner dans une clinique psychiatrique située rue Picpus à Paris au mois de mai 1895. Victime d'une paralysie générale, il meurt fou à l'âge de 42 ans le 17 mars 1897. Trois jours plus tard l'ensemble des chansonniers montmartrois suit son enterrement au Père Lachaise.

Une de ses plus belles par Michèle Bernard





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