Non seulement, ce caporal est mobilisé pour le front Russe mais, incorrigible romantique, il est amoureux de deux femmes : sa logeuse Lili et Marleen, une infirmière de sa connaissance.
Qu'à cela ne tienne, avant d'aller patauger dans la gadoue ukrainienne, le poète réunit les deux dames dans un même poème : Lied eines jungen Wachtpostens
(Chanson d'une jeune sentinelle)
Cette même année, la chanteuse Lale Andersen va conclure cette chanson en faisant mourir le soldat dans deux derniers couplets avant de demander à son amant, Rudolf Zink, de la mettre la en musique en améliorant la partoche.
Rodée dans les cabarets, elle enregistrera deux versions différentes. Les choses étant ce quelles sont en 1938, c'est la version la plus martiale qui sera diffusée en radio.
Jugée « terne et sans rythme » par la critique, la scie cafardeuse ne se vendra qu'à 700 exemplaires. Un bide absolu !
La version originale par Lale Andersen
Le 18 août 1941, des bombardiers britanniques rasent l'entrepôt de disques du lieutenant Heinz-Karl Reitgen, directeur et disc jockey de la station de radio militaire de Belgrade, occupée par la wehrmacht. Obligé de se rabattre sur un carton de disque au rebut, il prend cette chanson comme indicatif de fin des programmes.
Mais la renommée est parfois farceuse.
L'émetteur de Radio Belgrade étant capté de Libye jusqu'en Norvège, voilà t'il pas que des milliers de soldats, cantonnés dans cet espace géographique, se mettent à chialer et en redemander tous les soirs à 22h.
Goebbels s'en émouvra et ira traiter cette scie de "danse macabre". Pour sa part, le musicologue Erwin Rommel l'adoptera sans réserve dans son Afrika Korps.
Et tous les soirs, quelque part entre Benghazi et El Alamein, selon offensives et
un public souvent captif |
Ainsi, la chanson du caporal cafardeux de 1915 est devenue l'hymne absolu d'une guerre qui s'éternise.
En quelque mois, elle est chantée en 43 langues. En France, c'est Suzy Solidor qui l'enregistre en janvier 1942 (adaptation d'Henry Lemarchand).
Goebbels, toujours aussi teigneux, en fait graver une version en anglais pour démoraliser les soldats alliés.
Du coup, l'État-major allié riposte avec des versions de Anne Shelton, Vera Lynn ou Glenn Miller.
Mais LA version langoureuse entre toutes, LA version populaire entre toutes, LA version qui tombe à pic, c'est bien entendu celle enregistrée par le capitaine de l'US Army, d'origine allemande et antinazie irréprochable, Marlène Dietrich.
L'actrice embedded fera plus de 60 concerts, en 1944, en accompagnant la progression de la troisième armée de Patton, s'appropriant la chanson au point de changer son titre en Lily Marlène et transformant le blues du soldat allemand loin de chez lui en hymne de la libération.
Une variante des années soixante par Anne Vanderlove
Pour finir, on ne résiste pas au plaisir de vous envoyer ce pastiche écrit par l'écrivain Guy Roves, écrit dans lointain stalag et chanté, il fut un temps, en intro de concerts par la Souris Déglinguée :
- Devant la caserne,
- Y a un Allemand
- qui monte la garde
- assis sur un pliant.
- Je lui demande :
- pourquoi pleures-tu ?
- Il me répond :
- Nous sommes foutus !
- On a les Russes au cul.
- Hitler sera pendu.
On termine par un clin d’œil à Chéribibi qui a aussi raconté cette histoire, à sa manière, dans son numéro 8. Rompez !
En version FTP, petite variante, c'était :
RépondreSupprimer" On a l'maquis au cul ! "
Et pourtant cette triste mélodie m'a toujours évoqué un bidasse traînant la crosse de son flingot dans la poussière plutôt qu'une armée pratiquant la course à pied.
SupprimerPlutôt "Love in vain" que "Blietzkrieg bop", donc.
Jules