dimanche 15 décembre 2013

On enregistre ! (2)  

  Initials B.B.






   Il ne fallait rien moins à Gainsbourg que la grandiose Symphonie du nouveau monde de Dvorak* pour parer de magnificence  sa rupture avec Bardot.
   On a dit  que le dandy s'inspira du fameux Corbeau d'Edgar Allan Poe**. Si le début de la chanson semble lointainement inspirée du début du texte de Poe -disons plutôt qu'il en a gardé l'atmosphère- c'est bien plus la structure du poème que Gainsbourg reprend : "Initials B.B.", répété inlassablement évoque la défunte Lénore du texte, et l'"Almeria" qui clôt le texte appelle irrésistiblement le fameux "Jamais plus" du corbeau... Almeria, le mot de la rupture, où Bardot rejoignit son troisième mari, Gunter Sachs, ce qui marqua la fin de leur relation.

    Le texte de la chanson est par ailleurs une succession de références plus ou moins sibyllines à sa relation à Bardot : de l'accoutrement qu'arborait la femme fatale à cette époque, en passant par le roman de Louis Pauwels*** qu'elle avait conseillé à Gainsbourg, et jusqu'au "platine [qui] lui grave d'un cercle froid, la marque des esclaves à chaque doigt" où d'aucuns ont vu les alliances héritées de ses différents mariages.

   Avant d'en venir à l'objet de cet articule, un petit mot de Claude Dejacques, directeur artistique, à propos de l'enregistrement de l'album Initials B.B. :

    "Nous sommes partis à Londres enregistrer l'album Initials B.B. pour lequel Gainsbourg n'avait rien préparé comme d'habitude, hormis la chanson principale. Mais il travaillait selon une méthode infaillible : pour chaque chanson, il démarre avec un titre, parce qu'il a compris depuis longtemps que le titre doit être la phrase principale du refrain et le thème de la chanson. Pour qu'il ait le temps d'écrire, au lieu de prendre l'avion, nous avons pris le train et le ferry boat : au moment d'embarquer à la gare du nord, il s'est tapé deux bourbons, il a écrit pendant tout le trajet les paroles des trois chansons et, le lendemain, il était prêt."
        










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Notes

* Un papier sur Gainsbourg et le classique ici.
    Le premier mouvement de cette symphonie : 




** Gainsbourg était un grand lecteur de Poe, qu'il cite dans Ford Mustang, la Bise aux Hippies... et a fortiori de son traducteur, Baudelaire.
   Pour mémoire le début du Corbeau
"Une fois, sur le minuit lugubre, pendant que je méditais, faible et fatigué, sur maint précieux et curieux volume d’une doctrine oubliée, pendant que je donnais de la tête, presque assoupi, soudain il se fit un tapotement, comme de quelqu’un frappant doucement, frappant à la porte de ma chambre. « C’est quelque visiteur, — murmurai-je, — qui frappe à la porte de ma chambre ; ce n’est que cela, et rien de plus."
La suite du texte, ici.

*** "Lis ça ! Tu pourrais le méditer, c'est un ouvrage tout à fait pour toi ! Il est écrit à coups de fouet : ça claque à chaque page !"


2 commentaires:

  1. Le simple fait d'avoir conseillé un livre de Louis Pauwels eût pour nous justifié la rupture, et même le largage automatique de pouffe-BB. A part cela, ne serait-ce point dans "Les jours et les nuits de China Blue", du sieur Russel, qu'on trouve également une belle utilisation de cette symphonie très magique ?

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    1. Je n'ai pas vu ce film et vois donc pas la chanson à laquelle vous faites allusion.
      Paraîtrait que "requiem pour un con" serait aussi issu de la même symphonie. Mais vu la ligne mélodique réduite du dit morceau, ça me paraît un peu aventureux... Quant aux percussions??? Sans doute une intoxication de l'internet-tous les sites reprenant la même information erronée (je crois que dans le jargon, on appelle ça un hoax).
      Cet album est loin du meilleur de gainsbourg selon moi. On sent poindre son je-m'en-foutisme (cf l'interview de Dejacques ci dessus) sous couvert de "cut-up" et de pop-culture. Gainsbourg était un escroc-il ne s'en cachait pas- mais un escroc de talent.
      Dans le même esprit, Gainsbourg a fait mieux-et pire aussi.
      Quant à Baudruche Bardot...

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