dimanche 7 juillet 2013

Du côté du Chat Noir (4)

Gaston Couté

Poète des anarchistes et des paysans


Couté (23 09 1880 Beaugency , Paris 28 06 1911) est le fils d'un meunier de Beaugency (Loiret). Il quitte l'école qu'il a cordialement détesté, bien avant le bachot pour se retrouver employé comme commis auxiliaire à la Recette générale des impôts d'Orléans avant de travailler pour un journal local, Le progrès du Loiret. Il commence là à publier ses poèmes, dont certains sont composés en patois beauceron, dans des feuilles locales et les fera entendre à une troupe d'artistes parisiens en tournée. Ayant reçu quelques encouragements, il se décide, en 1898, à monter à Paris alors qu'il a dix-huit ans.
Après quelques années de vaches très maigres, il obtient un certain succès dans les cabarets. 
 Jehan Rictus,  chansonnier et poète qui avait fondé sa poésie sur l'usage de la langue argotique, a été sensible à son talent et dit de lui : « ... Georges Oble et moi, nous nous trouvions incontestablement en présence d'un adolescent de génie qui, à ses dons extraordinaires, joignait déjà une technique des plus habiles et la connaissance approfondie du métier... »


"Admis à réciter des vers à Al Tarlane, il délaissa bientôt ce cabaret, où il se produisait gratuitement, pour l'Âne Rouge dont le patron, plus généreux, lui allouait en guise de salaire un café-crème quotidien. On ne devine que trop que fut l'existence du pauvre déraciné réduit à cette maigre pitance, à laquelle s'ajoutaient parfois les alcools corrosifs offerts par d'aimables spectateurs. Il subsista ainsi, pourtant, pendant un an, créant "Le champ de naviots", et tant d'œuvres d'une facture déjà puissante, cris de révolte d'une âme simple et droite se dressant face à la Société égoïste et veule pour laquelle "l'honneur quient [tient] dans l'carré d'papier d'un billet d'mille".
"De l'Âne Rouge, Gaston Couté passa aux Funambules [...]
"S'il atteignit la gloire, il ne connut jamais l'aisance. C'est au point qu'un soir, un noctambule qui avait heurté du bout de sa canne un gros tuyau de ciment gisant sur un chantier de la Compagnie du Gaz eut la surprise d'en voir sorti Couté mal réveillé. Injurié par celui-ci, l'autre s'excusa, convia le chansonnier à souper et lui loua pour une semaine un gîte plus normal dans un hôtel de Montmartre.
"Le logis qu'il apprécia le plus fut l'arrière-boutique d'un bougnat, non à cause de son confort relatif, mais parce que le local n'était séparé que par l'épaisseur d'une porte condamné d'un tonneau de vin installé dans le débit. [...]
"Sincère dans ses propos comme dans ses œuvres, Gaston Couté distribuait avec beaucoup trop de générosité les vérités désagréables [...]
"Son indépendance, et aussi, hélas !, son intempérance, faisaient de [lui] un pensionnaire inconstant. C'est pourquoi il ne figura pas à la place d'honneur qui lui revenait sur les programmes de nos cabarets. Bast ! Il chantait et cela lui suffisait.
Extrait de Michel Herbert (La Chanson à Montmartre, La table ronde, 1967)

 Un petit spécimen de sa poésie
  http://www.youtube.com/watch?v=QFVQRKNdrqo

Il disait souvent qu'il n'était pas un poète beauceron, ainsi qu'on le désignait dans les milieux montmartrois, mais un poète solognot. Il affirmait que la Beauce commence seulement après les dernières vignes et les derniers bois.
Couté disait aussi, par boutade, que les curés et les instituteurs de la région étaient issus du phylloxera. Ce minuscule insecte venait d'apparaître et avait détruit toutes les vignes du pays.
 Gaston Couté continuait son tour de chant dans divers cabarets. On le voyait au " Pacha-noir ", au " Carillon". De nouvelles chansons s'ajoutaient à son répertoire : "L'école", "Les mangeux de terre", "L'Idylle des grands gas", "Monsieur Imbu", etc... Il continuait sa vie de bohême, sans souci du lendemain, avec des périodes d'aisance ou de gêne. Il acceptait les unes et les autres avec une sérénité et un fatalisme que rien ne pouvait ébranler. De nouvelles amitiés venaient à lui. Ainsi, il avait fait connaissance avec Liard-Courtois, un curieux type d'homme, ex-forçat pour faits politiques.




 Fernand Desprès fit entrer Couté à " La Guerre Sociale " que dirigeait Gustave Hervé. Le numéro du 22-28 juin 1910 de cet hebdomadaire, dans une courte notice, à gros caractères, annonçait que le poète chansonnier Gaston Couté avait : " accepté de mener, dans ses colonnes, le bon combat contre la bêtise des Riches et des Maîtres, contre les iniquités de l'ordre bourgeois ". Couté y publiait une chanson par semaine sur les faits sociaux et politiques du jour. Mais ces chansons satiriques, rythmées sur des airs connus, écrites à la hâte au dernier moment, n'atteindront jamais l'envolée extraordinaire de ses premiers poèmes, il forçait trop la note. L'inspiration vient rarement sur commande, pas plus qu'à heure fixe.
Par contre, c'est dans ce boulot à la tâche qu'il fut le mieux payé. Il gagnait chaque mois 150 à 200 francs, ce qui était une somme importante pour l'époque. Il avait donc de quoi vivre décemment. Mais cet argent venait trop tard puisque sa santé était définitivement compromise. Et puis, un bohême ne peut être ni aisé, ni riche !...
Le 13 juin 1911, " La Guerre Sociale " annonçait que Gaston Couté était poursuivi pour "outrages à la Magistrature".
Un ouvrier, arrêté au cours d'une manifestation, avait été trouvé porteur d'un tire-bouchon. Il avait été traduit en Correctionnelle pour port d'arme prohibée. Couté en avait fait une chanson sous le titre " Il avait an tire-bouchon ". Elle pouvait se chanter sur l'air " Elle avait une jambe en bois ".
Il avait un tir' bouchon
Dans la poch' de son veston
On s' demande où s'arrêt'ra
L'audace de ces scélérats ?

Par cette poursuite judiciaire Couté payait les chansons parues dans les journaux et revues anarchistes. On les fredonnait dans les rues et les ateliers. Au lieu d'en rire, les Autorités se fâchèrent.

 Miné par des années de privation et par l'alcool, son corps usé n'a pu résister à la phtisie. Après diverses démarches, le corps de Couté a été ramené dans son pays et au moment du, départ pour la gare d'Orléans, il y avait beaucoup de monde dans la cour de l'Amphithéâtre. Des chansonniers, des artistes, des écrivains, des musiciens, des hommes politiques .de gauche. Des militants syndicalistes étaient venus nombreux. Des gerbes et des couronnes s'étalaient autour du cercueil.

Une chanson pour tous nos braves travailleurs de l'armement


Et pour la route, si j'ose dire, une de ces petites merveilles qu'on croirait écrite exprès pour décrire le sort des Roms dans cette petite république bananière qu'est la France d'aujourd'hui.



On trouve ses oeuvres littéraires au éditions le Vent du ch'min :
- La chanson d'un gâs qu'a mal tourné (4 tomes)
- La guerre sociale
- Et un glossaire 
Et un site à la gloire du gars de Beaugency : http://gastoncoute.free.fr/

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