vendredi 7 décembre 2018

Taxes et contrebande : Louis Mandrin


La révolte contre les taxes abusives a toujours été une constante française (et anglaise, hollandaise, américaine, etc.)
Rappelons, en préambule, que sous l'ancien régime, chaque région possédait non seulement ses unités de mesure mais aussi sa fiscalité. Avec, comme conséquence pratique, que la circulation des marchandises hors des barrières d'octroi relevait de la pure et simple contrebande. 
Le plus célèbre des contrebandiers d'alors, Louis "Belle humeur" Mandrin (1725-1755) est entré dans l'histoire comme un rebelle ayant organisé une guérilla ayant su tisser un fabuleux réseau de protection au sein du peuple. 
Originaire du Dauphiné, Mandrin, qui avait vu pendre un de ses frères comme faux-monnayeur est d'abord condamné à mort en 1753 pour une bagarre.
Il déclare alors la guerre aux collecteurs d'impôts, les fermiers généraux, qui taxent le sel (gabelle), le tissus ou le tabac, entre autres. 
Il devient très vite chef d'une bande de centaines de passeurs savoyards (la Savoie est alors rattachée au royaume de Sardaigne), formés militairement. 
Combattant l'administration, il recrute en libérant des prisonniers poursuivis par la ferme générale (en évitant d'enrôler des assassins) et se garde d'attaquer le peuple. 
Il étend son réseau sur les régions de l'Auvergne, la Bourgogne, Rhône-Alpes et organise même des ventes de produits détaxés en occupant les villes de Beaune, Autun, le Puy-en-Velay (sa préfecture inflammable), Rodez, sous les acclamations de la populace, forçant parfois les collecteurs à racheter sa marchandise à ses conditions.
Sa légende populaire commence de son vivant, non seulement auprès des masses mais chez certains philosophes comme Voltaire. 

À la demande des fermiers généraux, Louis XV envoie l'armée et, après plusieurs campagnes infructueuses, des soldats déguisés en paysans envahissent la Savoie, où est réfugiée sa bande, violant la souveraineté de ce duché.

Comme tout héros plébéien, Mandrin sera trahi par les siens et jugé en urgence à Valence pour éviter son extradition en Savoie. 
Son exécution, le 24 mai 1755, passera elle aussi à la légende : roué de coups six heures durant, Mandrin exhortera les quelques 6000 spectateurs à poursuivre la guerre contre le fisc.  

 



Un "Testament politique" sera imprimé la même année à Genève. 
Extrait : "J'ai cherché la cause de cette grande affluence de Peuple qui venait chaque jour s'enrôler sous mes drapeaux; en remontant à sa source, j'ai découvert qu'elle prenait elle-même son origine dans le système des Fermes. J'ai trouvé que c'est à celui-ci, qui a renversé en France le premier ordre du Gouvernement économique, politique, civil qu'il fallait l'attribuer. Depuis soixante ans une espèce de maladie a attaqué le Ministère Français. La fureur des Baux (taxes) a prévalu sur tous les autres systèmes de l'administration. Tout est Ferme aujourd'hui en France, tout est Contrat, bientôt, il ne sera permis au Peuple de respirer que par entreprise."

Une complainte naît dès la mort du bandit héroïque. Diffusée par les colporteurs, elle se chante sur un air tiré de l'opéra Hyppolite et Aricie de Jean-Philippe Rameau (1733).  
Prenant quelques libertés avec l'histoire, cette chanson connaîtra des regains de popularité durant la Commune de Paris et au sein des maquis de l'occupation. 
Elle a connue de nombreux enregistrements. 
Si le plus connu est d'Yves Montand, on lui préfère la version de Monique Morelli, chantée en générique de la série Mandrin, bandit d'honneur d'Albert Vidalie et Philippe Fourastié (ORTF, 1971)

3 commentaires:

  1. Corrigez moi mais "mandrin", n'est-ce pas aussi une sorte d'insulte?

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    1. Au contraire, c'est même un compliment dans certaines régions.
      Par contre, le terme "malandrin " en est une et c'est l'équivalent un peu vieillot de "voyou", "loubard", "ministre"... non , là je plaisante.
      J.

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