lundi 25 décembre 2017

Jazz et gangsters, le mariage idéal ?


Un livre surprenant. Quatrième de couverture :
Que seraient devenus Duke Ellington, Louis Armstrong, Earl Hines ou King Oliver sans les gangsters qui les employaient ? Ces mobsters et ces racketeers, souvent juifs ou siciliens, n’étaient pas aveuglés par les préjugés racistes qui empêchaient l’establishment blanc d’apprécier et de soutenir les musiciens noirs. Dans les clubs qui proliférèrent pendant la Prohibition, ils assurèrent la sécurité de l’emploi nécessaire à la constitution d’orchestres stables et à la maturation d’un style. Et ce sont les politiciens conservateurs qui, en faisant de la Mafia leur bouc émissaire, ont mis fin à l’âge d’or du jazz.
À l’appui de cette thèse étonnante, Le Jazz et les gangsters propose une enquête et une documentation exceptionnelles, une peinture réaliste de la vie des premiers musiciens de jazz et du milieu de la pègre à la Nouvelle-Orléans, à Chicago, New York et Kansas City. Ronald L. Morris lève ainsi le voile sur un pan méconnu de l’histoire de la culture populaire. Les gangsters, conclut-il, se sont comportés avec les jazzmen comme les grands mécènes de la Renaissance : « Il n’y eut peut-être jamais, dans toute l’histoire de l’art, d’association plus ­heureuse. »


Ella Fitzgerald (1949)
On a un peu de mal à se représenter les crapules que furent Lucky Luciano, Al Capone ou Meyer Lansky en "Laurent le Magnifique ", en mécènes éclairés de la Renaissance. Encore qu'au niveau de l'utilisation des poisons et autres moyens de se débarrasser de leurs contemporains, on doit trouver quelques points communs.
Ceci posé, l'auteur brosse un tableau déplorable des tripots d'avant le jazz, assommoirs dégueulasses, où la violence et le racisme régnaient en maîtres. Les Noirs avaient des juke joints où, vu les projectiles, les musiciens jouent souvent derrière un grillage. L'histoire du jazz débutant à la Nouvelle Orléans, les diverses mafias feront du quartier Storyville, the place to be, prenant les musiciens sous leur aile. Suite au grand ménage de 1917, mené par la police, tout ce beau monde montera vers Chicago. Petit à petit les gangs juifs et italiens vont tenir 90% des clubs de la côte Est. Et comme ça représente une belle source de revenus, ces boîtes vont devenir de splendides lieux de fête et de création musicale. Posséder un club fut surtout une façon de cacher d’autres activités (jeu, alcool de contrebande, stupéfiants), de rencontrer des gens influents (pour les piéger ou les corrompre), d'étaler sa richesse, son statut social et de séduire les femmes.
Fameux mécènes

Les collaborations entre mafieux et musiciens se sont plutôt bien passées à conditions de respecter certaines règles de base. Les gangsters attendaient de leurs employés qu’ils soient loyaux, travailleurs, élégants, discrets et qu’ils ne se mêlassent pas de leurs affaires. Bien entendu, il y aura pas mal d'accrochages, l'auteur en narre quelques-uns et pas mal de musiciens, y compris des légendes d'époque, n'hésitaient pas à se trimballer un flingue.
La crise de 1929 sonnera le glas de cette fête. Les clubs coulent, les jazzmen retrouvent la dèche et des guerres de gangs vont achever le tableau. Rajoutons que les politicards n'hésiteront pas à utiliser les arguments les plus racistes ou prêcher le retour l'ordre moral pour nettoyer cette racaille.
Bien entendu les mafieux les plus sérieux feront carrière avec ces mêmes politiciens.
C'est assez passionnant, même si on reste parfois sceptique devant ce "bon vieil âge d'or".
Où on y retrouve, entre autres, le "Duke" (ici dans le train A en 1939) :


Et aussi le "Fats"




7 commentaires:

  1. "Lucky Luciano, Al Capone ou Meyer Lansky". Ajoute Arnold Rothstein et surtout Enoch L. Johnson, et tu as presque tous les personnages de la série Boardwalk Empire, un genre d'anti-Incorruptibles (le seul fédéral qu'on suit un peu est évangéliste complètement bigot, en vient à assassiner un de ses hommes, et, de dégringolades en gaffes, finit en homme de main d'Al Capone). Parmi beaucoup d'autres, le jazz est un thème de la série. On y retrouve même le Omar de The Wire qui s'attire pas mal d'ennuis en tombant amoureux d'une chanteuse de ce style. "les mafieux les plus sérieux feront carrière avec ces mêmes politiciens" : dans la dernière saison, on assiste bien à ce type de connivences avec un peu ragoûtant... papa Kennedy.

    Sur le thème de l'histoire peu, voir inconnue du jazz (dont nous avons fêté le centenaire l'année dernière, ne l'oublions pas !) ce livre vient de paraître, par un pote dont je ne rate aucune des excellentes émissions musicales qu'il commet sur une radio libre. Pour éviter toute équivoque, j'insiste bien sur le mot "pote", je ne suis en aucune façon son "frère".

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  2. Jazz et francs-maçons ????
    Ça me coupe la chique. On imagine sans peine les autres titres d'une collection à venir comme "blues et trotskistes" ou "punk et bouddhisme, une histoire souterraine".
    J.

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    1. Taquin ! Moi je prends "Menuet et culture SM".

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    2. Et comme vous avez l'air initié, vous auriez pu participer au mini-jeu que je proposais ici, et qui consistais à trouver de qui parle Bakounine dans les propos suivants : "Aujourd'hui, descendue au triste rôle d'une vieille intrigante radoteuse, elle est nulle, inutile, quelquefois malfaisante et toujours ridicule, tandis qu’avant 1830 et avant 1793 surtout, ayant réuni en son sein, à très peu d'exceptions près, tous les esprits d'élite, les cœurs les plus ardents, les volontés les plus fières, les caractères les plus audacieux, elle avait constitué une organisation active, puissante et réellement bienfaisante."

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  3. La franc-maçonnerie, justement et par hasard ?

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  4. Apprenez, mon cher que dans nos campagnes de Gascogne profonde, nous avons l'habitude de ces notables radicaux (mais de gauche) et anti-cléricaux qui se mettent des robes pour jouer aux frangins.
    Par ailleurs, les crétins de l'Action franchouillarde collent régulièrement des autocollants exigeant leur dissolution. Y'en a qu'ont des causes à défendre, s'pas ?
    J.

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