Scène de la transaction* démocratique espagnole |
Sans raconter notre vie, ça nous rappelle une anecdote.
C'était en 1985 (ou 1986, d'ailleurs). Lassés des concerts hors de prix et d'attendre que nos groupes chéris daignent avoir la faveur d'un tourneur, avec quelques potes du Mirail, on organisa un concert en banlieue toulousaine, une soirée avec le label Bondage : au programme Washington Dead Cats, Ludwig von 88, les Béruriers Noir et Nuclear Device.
Au cours de la conversation avec ces derniers, après les avoir gentiment moqués pour leur titre "Arriba España" (en cette ville qui se targuait d'être la deuxième capitale espagnole, l'utilisation de ce slogan franquiste en fit s'étrangler plus d'un) on causa cinoche. Et on leur conseilla chaudement d'aller voir un de nos films, préféré qu'on regardait alors en boucle, Deprisa, deprisa (en français Vivre vite) de Carlos Saura.
Non seulement nos sarthois ont suivi le conseil mais ils en ont tiré profit.
Loin des frasques des branchouilles petits bourgeois de la Movida, ces films narraient les aventures de délinquants juvéniles (interprétés par de vrais voyous souvent payés sur la bête) dans leur quotidien au sein d'un pays d'après dictature où rien n'avait changé.
Des bagnoles, des braquages, de la dope, des filles et des garçons perdus dans leurs quartiers de clapiers en construction, des flics tortionnaires, voilà qui fit le quotidien des jeunes de Madrid, Barcelone ou Bilbao et le succès de ce sous-genre cinématographique (un million d'entrées pour Perros callejeros de Antonio de la Loma)
On a même vu certains bandits célébres comme El Torete ou El Vaquilla y faire des apparitions.
Longtemps avant l'existence du gangsta rap, la bande son de ces films était constituée de beaucoup de flamenco à tendance rumbero, d'un peu de rock local et d'une pincée de disco.
Carlos Saura avait anticipé le genre d'une bonne décennie en réalisant Los Golfos (les voyous) en 1962.
En 1981, il récidive en contant l'histoire romantique et sans avenir de trois amis et d'une fille qui passent du vol de "bugas" (tires) au braquage. Le tout pour tuer l'ennui et s'insérer dans une normalité désespérante, devenant ainsi le reflet de cette société qu'ils rejettent.
Plusieurs acteurs don Jésus Arias ("Meca") ont eu une belle carrière carcérale et on en retrouvera même dans la COPEL (Coordination des Prisonniers En Lutte)
On vous envoie les premières minutes et on parie que la musique d'ouverture, écrite pour l'occase par los Chunguitos, ne vous est pas tout à fait inconnue.
* z'avez bien lu.
** Plus ou moins "ferrailleur" de l'argot gitan, systématiquement employé dans ces films.
Ah que dolor...
RépondreSupprimerEt le scandale provoqué par le film dans les festivals ciné, en Espagne et à l'étranger !
Les zotorités ne voulant y voir qu'un énième symbole de décadence et la seule référence à la drogue...
Et le journal réac, l'ABC, qui accusait Saura d'avoir payé ses acteurs avec de la drepou.
RépondreSupprimerÇa le faisait bien marrer d'ailleurs, il répondait que les petits gars savaient s'en procurer mieux que lui. Et de la bonne, au moins !
Jules
Des sons qui s'écoutent encore et des films qui tournent toujours dans certains quartiers nicois ou ailleurs, probablement pour les mêmes raisons qu'à l'époque où ils étaient un peu plus frais.
RépondreSupprimer"Quinqui" vient de "quincalleros" ou "quincalla", désignant les quincaillers ou la quincaille. Les "mercheros", un groupe nomade, étaient traditionnellement quincaillers ambulants, et on les a surnommé "quinquis" (quand et comment exactement ? aucune idée). Il y a assez peu de choses écrites (à ma connaissance) sur ce groupe qui ne partage pas les origines des gitans. Ils ont été popularisés avec le film "El Lute". Il y a une communauté sédentarisée importante à Torrente, dans la province de Valence. Pour le reste je ne sais pas, il me semble qu'il ne nomadisent plus.
Superbe billet.
Merci pour l'info sur les mercheros qui m'étaient inconnus.
RépondreSupprimerJe n'avais pas souvenir qu'El Lute, qui exista, fit un livre (enfin, un nègre quelconque) avant d'être porté à l'écran venait de cette communauté.
jules