jeudi 1 décembre 2022

Mort naturelle d'un anarchiste

 

Livrozet et Drolc

Serge Livrozet était d'une autre époque, pas meilleure ni pire, quasiment d'un autre monde.
Né en 1939 à Toulon de père inconnu et de mère prostituée ("je suis un authentique fils de pute!") il a un parcours de pauvre assez classique, de l'armée à une boite de pub, jusqu'à être victime d'un associé véreux. Qu'il cambriole en représailles. Et le cassement, quand on y a pris goût...
D'où un premier séjour à l'hôtel des gros verrous de 1961 à 1965.  
En sortant, devenu forain par obligation (merci le casier) il écrit, adhère à la CNT et occupe la Sorbonne en 1968. Il se refait gauler en fin de cette même année pour avoir repris le turbin afin de financer une maison d'édition révolutionnaire. 
Sorti en 1972, il cofonde, accompagné d'un parterre d'intellos en vogue, le CAP (Comité d'action des prisonniers) en pleine période d'émeutes carcérales. 
Son premier livre, De la prison à la révolte sort en 1973, préfacé par Foucault.
 Une nouvelle condamnation sera due à une remarque pleine de bon sens hurlée dans un tribunal : "Pourriture de justice française!". Phrase pour laquelle il se rétractera ensuite : " Je n’aurais pas dû dire pourriture de justice française... Mais pourriture de toutes les justices, la française, la russe, l’américaine, etc." 
S'ensuivent les luttes contre le QHS, la guillotine, etc. Et nous sommes un certain nombre a avoir été frappés par la lecture de son livre Hurle !
Ayant créé la maison d'édition Les Lettres libres en 1981, il est à nouveau arrêté en 1986 pour fausse monnaie. Acquitté mais ruiné en 1989, il zonera désormais entre ateliers solidaires et cinéma.
Le réalisateur Nicolas Drolc a d'ailleurs réalisé un documentaire sur sa personne en 2017, La mort se mérite, film qui n'a pas trouvé de distributeur et que nous faisons un plaisir d'envoyer ici. Commentaire de l'intéressé : "Qui a envie d'aller voir râler un vieux con ?" 

LA MORT SE MÉRITE from LES FILMS FURAX on Vimeo.

Il a écrit une quinzaine de bouquins et intervient dans quatre films.
Il est mort de maladie le 28 novembre dernier.
En guise d'hommage, qui de meilleur que Johnny Cash dans un classique joué à San Quentin dans l'inégalé Folsom prison blues.
 

 

Décidément, ce blogue vire à la rubrique nécrologique "Avis de décès". 

2 commentaires:

  1. Livrozet a aussi été une voix familière des auditeurs de Radio Libertaire dans les années 90, de celles qui retiennent l'attention car on sentait qu'elle exprimait une révolte digne, entière et irréductible. (de la famille de Jacques Lesage de la Haye - ras-les-murs)

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    1. Exact. Le côté désespérant de tout ça étant qu'avec tout ce qui a été fait contre les taules (et là, on ne cause pas de l'extérieur) on en est à quelque chose comme 72 000 prisonniers.

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