Bien loin du patriotard requin fier de son orgueil de race,
conscients que notre Patrie est là où se trouvent les peuples opprimés :
Ouvriers, masses laborieuses, Arditi d'Italie À NOUS!
Sauf énorme et pas forcément agréable surprise, l'élection qui vient se jouera entre le petit marquis méprisant et la dédiabolisée par la grâce d'une crevure qui a joué au crétin utile. Le fascisme est donc à nos portes.
Ce qui nous permet de revenir une bien belle histoire et rappeler qu'il n'y a qu'une façon de traiter avec ces gens là. Même si on n'est pas en Italie en 1922, manquerait plus que ça !
Durant la première grande boucherie mondiale, les Arditi (hardis, courageux) étaient des troupes d'assaut italiennes, équivalent de nos nettoyeurs de tranchée ou des futurs commandos. Ces unités d'élite hyper entraînées et jouissant de privilèges que n'avait pas la piétaille ordinaire furent une véritable caste guerrière marquée, à la fois d'esprit patriotique et d'un mépris pour l'autorité, l'État et la bourgeoisie, d'où de nombreuses bagarres avec flics et carabiniers (ces planqués).
Pour le patriotisme, vu la reconnaissance de la Mère Patrie vis à vis de sa chair à canon, les 40 000 Arditi démobilisés ont monté leurs propres associations, se sont rapprochés des futuristes, ont été nombreux à participer à la tragi-comédie de la République de Fiume rêvée par Gabriele d'Anunzio et un bon nombre a rejoint les rangs du fascisme naissant.
Tous ? Non ! Sous l'impulsion d'ex combattants anarchistes et socialistes, en juillet 1921, sont fondés les Arditi del Popolo (Arditi du peuple) mouvement paramilitaire destiné à s'opposer en actes aux chemises noires et autres squadristes. Un de leurs slogans était Arditi, non gendarmi ! (Arditi! Pas flics!) en cette année où la violence fasciste se déchaîne contre le mouvement ouvrier. Même si Antonio Gramsci les admire publiquement, les communistes n'entrent généralement pas dans ce mouvement puisqu'ils ne dirigent pas.
Voilà pour l'ambiance, voyons le décor.
En août 1922, nous sommes à trois mois de la Marche sur Rome et les hordes mussoliniennes ont à peu près nettoyé le pays de tout ce qui pouvait s'opposer par force à leur montée au pouvoir. Une grève générale appelée suite à de sanglants affrontements à Ravenne (où plus de 3000 squadristes ont été repoussés par les Arditi del Popolo) s'achève lamentablement à cause de syndicats terrifiés.
Reste un caillou dans la botte : la ville de Parme où les chemises noires subissent revers sur revers et où la grève s'installe. L'épicentre de la résistance se situe dans le quartier populaire d'Oltre Torrente et le responsable local des environ 300 AdP locaux est le socialiste Guido Picelli qui organise patrouilles et plan de défense depuis des mois et a monté un Front uni avec tous les autres groupes d'autodéfense prolétarienne.
Guido Picelli |
Farinacci, chef fasciste régional a donné 48 heures aux rouges pour faire place nette faute de quoi ses troupes ravageront les quartiers populaires. Comme de bien entendu, forces de l'ordre et militaires se retirent complaisamment.
Le 2 août 1922, près de 10 000 squadristes passent donc à l'attaque et tombent sur des barricades, des rangées de tranchées, de câbles électriques, de barbelés et même des champs de mines artisanales.
Les chemises noires sont reçues à coup de fusil, de revolver, de briques, de grenades, de bouteilles d'essence, de vitriol, d'huile bouillante, de traverses, de pierres...de tout ce qui peut faire mal.
Toute la population s'y est mise hommes et femmes, vieillards et gamins et logiquement, les mussoliniens prennent une belle dérouillée.
Évidemment, comme il est hors de question de rester sur pareille humiliation, Mussolini écarte l'incapable Farinacci et envoie son bras droit mater Parme : Italo Balbo.
Et les combats reprennent, vague après vague, cinq jours durant, l'assaut fasciste va s'écraser contre les défenses des quartiers d'Oltre Torrente, Naviglio et Saffi.
L'enjeu semble de taille, Balbo note dans son journal Si Picelli arrive à vaincre, les subversifs de toute l’Italie vont relever de nouveau la tête. À 10 combattants contre 1, les fascistes tombent comme des mouches et la débandade se profile.
Le commandant militaire de la place, toujours vautré dans sa neutralité, finit par communiquer à Balbo qu'il n'est pas en mesure d'assurer la sécurité de ses hommes. Finalement, dans la nuit du 6 août, les fascistes refluent et quittent la ville non sans emporter plus de quarante cadavres et un nombre élevé de blessés. Du côté des défenseurs, on déplore 5 morts.
Contrairement aux prévisions d'Italo Balbo, l'expérience victorieuse de Parme ne sera pas suivie d'effets : syndicalistes, socialistes, communistes feront la sourde oreille aux appels de Picelli et trois mois plus tard Mussolini sera installé dans l'Aventin.
Pas rancunier, Picelli entre au PCI, avant de s'exiler suite à une condamnation de cinq ans. Il meurt en Espagne, le 5 juin 1937 à Mirabueno (Guadalajara) à la tête de sa section de la Brigade Garibaldi au cours d'une des rares victoires de la république qui y écrasa... les forces fascistes italiennes.
Quant à Balbo, il attendra 1933 avant d'oser revenir à Parme, comme ministre de l'aviation (la ville possédait des usines aéronautiques) et auréolé de ses traversées aériennes transatlantiques. Ce fut pour y découvrir cet énorme graffiti en dialecte parmesan : Balbo, tu as traversé l’océan mais pas le torrent Parma !
Voilà, on vous a raconté ça, faites en ce que vous voulez.
Tiens ? Un groupe qui s'appelle par hasard Oltre Torrente et qui chante sa bonne ville rebelle, Parma brucia.
Et une belle affiche commémorant ces journées d'août à la gloire des Arditit del Popolo au son du vieil air anarchiste Figli dell' oficina
Chanson reprise, à son tour par nos Parmesans, la boucle est bouclée.
À noter que Lénine reconnut officiellement la République de Fiume. L'époque était à la confusion, plus ou moins... assumée.
RépondreSupprimerEn même temps où il fit égorger Kronstadt et la Makhnochina. Pas à une contradiction près, la realpolitik.
Supprimer