Vu comme l'époque prête à rire, réfugions-nous encore un coup chez les cinglés. Celui-ci est particulièrement gratiné.
David Edward Sutch, alias Screaming Lord Sutch, troisième comte d'Harrow (1940-1999) n'avait rien d'un aristo, mais quand on est né dans une banlieue bourgeoise et ennuyeuse, autant s'affubler d'un titre nobiliaire.
Étant tombé en pamoison devant le bluesman fantaisiste américain Screamin' Jay Hawkins, auteur de l'immortel I put a spell on you en 1956, il décide de grimper lui aussi dans le train du rock 'n roll au wagon cirque Barnum et autres monstruosités.
Persuadé d'être un chanteur médiocre, accompagné d'un solide groupe, The Savages, il jaillit d'un cercueil ou des coulisses en glapissant, peuple la scène de squelettes et de filles en bikini, adapte des séries Z en show (Sutch et la chute de l'empire romain), rosse des policemen à l'épée ou à la hache.
Les Anglais n'ayant aucun complexe à mélanger Grand Guignol, train fantôme, cabaret et rock, l'affreux personnage invente au passage ce mélange de rockabilly, de garage et de sous-culture de films d'horreur qui deviendra plus tard le psychobilly, porté à ses plus hautes cimes vingt ans plus tard par les Cramps, de Los Angeles.
Tradition british et (fausse) noblesse oblige, son personnage le plus fameux est resté Jack the Ripper aka Jack l'Éventreur, surnom du légendaire tueur de femmes ayant terrorisé Whitechappel en 1888 tout en entretenant une correspondance moqueuse avec la police qui le pourchassa en vain.
Joué là fin 1964.
L'excentrique tente également une radio pirate, Radio Sutch (what else ?) où entre deux rocks on lit l'Amant de Lady Chatterley, œuvre à la réputation encore sulfureuse. Puis, refusant de porter des jupettes pour les tournées péplum, plusieurs membres des Savages vont se faire pendre ailleurs, Richie Blackmore fondant Deep Purple, Nicky Hopkins allant accompagner les Stones et Roger Warwick rejoignant la formation de Freddie Mark.
Les années 70 seront donc celles de la décadence et de petits jeunes allant plus loin, plus fort, plus vulgaire, dans la monstrueuse parade.
Curieusement, il ne grava que des 45 tours dans les années 1960, la suite étant émaillée de compilations ou d'albums ratés.
Un autre titre de 1964, Dracula's daughter.
Autre particularité du gugusse : il s'est présenté pendant 40 ans aux élections locales avec un succès variable, d'abord sous l'étiquette du National Teenage Party puis, à partir de 1983 pour l'Official Monster Raving Loony Party (Parti officiel des barjots monstrueux) inspiré d'un sketch des Monty Python et revendiquant le droit de vote à 18 ans, le passeport pour animaux, les pubs ouverts toute la journée. N'hésitant pas à aller défier Thatcher dans sa propre circonscription, celle-ci fera augmenter le coût de l'inscription des candidats pour se débarrasser de l'emmerdeur qui doit écumer les pubs en jouant pour payer sa campagne électorale.
Dépressif, comme tout authentique pitre, le faux nobliau s'est pendu le 16 juin 1999.
Pour les aficionados je recommande l'article de Guy Darol dans l'indispensable ouvrage "Outsiders" où le Lord figure en bonne compagnie aux côtés d'autre francs-tireurs du rock et de ses environs.
RépondreSupprimerTiens, j'connais pas cet ouvrage, merci à vous. Heureusement qu'il y a des biblis dans le quartier. Par contre, on recommande le "Héros oublié du rock'n roll de Nick Toshes auquel on a piqué sans vergogne le titre de cette rubrique.
SupprimerOuais, on a jeté un coup d’œil à la notice de Darol et ça vaut le détour. Les autres aussi d'ailleurs. Mais on est encore dedans. 'chas gracias caballero.
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