Livre, ô combien réjouissant, publié en 1928.
Autonome des lettres, le trimardeur Marc Richard, alias Stéphane (1870-1944), s'est payé le luxe d'inventer un
langage. Son récit est un chamboulement linguistique quatre ans avant le
Voyage de Louis-Ferdinand
Céline.
On trouvera un bel article sur le sujet
ici.
Son père mort en 1878 et ne supportant plus la tyrannie
maternelle, Marc Stéphane se fait émanciper à l'adolescence, touche sa part d'héritage
et quitte sa famille. Il parcourt la France à pied, devenant un chemineau parmi les coureurs de routes et autres
trimardeurs, glanant ça et là expressions, anecdotes et personnages qu'il recyclera.
Après son service militaire, Marc Stéphane s'installe à Paris et publie à compte
d'auteur en 1891 un recueil de poèmes "
À toute volée".
C'est à 58 ans qu'il publie "
Ceux du trimard". Entièrement écrit en argot de vagabonds à tendance picarde, ce bouquin rassemble les souvenirs décousus d'un vieux de la vieille sous lequel pointe l'auteur
A ranger sur l'étagère des écrivains vagabonds entre
Tom Kromer et
Jean-Paul Clébert.
Un petit extrait pour mise en bouche :
" Qu'est ce qu'un honnête homme ? Hein, je te prends sans verts, à ce coup pour l'définition ? Ben... te casses pas les méninges ilà-dessus, Batiss' te le va donner pour une fois et sans douleur, bon :
un honnête homme, c'est un que les cognes ont pas ENCORE paumé sur le tas. Simp'ment." (...)
Et l'loi, qu'est ce que l'LOA, comme ils disent ceux qu'en ont plein le bec, sinon l'égoïsme collectif dressé contre l'individuel ? L'vacherie des repus qui s'efforce de prévenir l'révolte des vent' creux ?
Je dis
prévenir, compagnon, et non pas
apaiser, ce qui serait pas du tout l'même chose, faut pas confond'. Bon.
Toutefois, pour êt' équita', je dois ajouter que t'as qu'à remplir le vent' creux et le v'là qui passe de rif et d'autor dans l'catégorie des vent' pleins et qui crie, comme les aut' repus : l'lôa ! l'lôa ! Tu t'rends compte ? Bon."
 |
L'auteur en journalier |
En 1894, Marc Stéphane avait déjà pondu un roman autobiographique, sur sa courte expérience d'écrivain
malchanceux et mal servi :
L'Arriviste.
Puis, il a écrit une bonne douzaine d'ouvrages : contes, souvenirs, aphorismes, mémoires ou romans.
Il a aussi rédigé un mémoire en défense de l'anarchiste Jean Grave, à l'époque du
Procès des Trente.
Il a par la suite rompu avec le journal
Le Libertaire, le jugeant trop doctrinaire.
À la fin de sa vie, il écrira également sur ses expérience de morphinomane ainsi que sur ses séjours en hôpital psychiatrique, à Saint-Anne.
Pour conclure, du Couté d'époque, patois de Sologne garanti.