lundi 12 juin 2023

Chronique cinoche : Modelo 77

 

Le réalisateur Alberto Rodríguez avait déjà commis l'excellent thriller post franquiste La isla minima en 2014. Avec Modelo 77 (Prison 1977) il s'attaque à un thème assez peu évoqué hors des cercles anti carcéraux ou connaisseurs des années de la "transaction" démocratique espagnole.
Dans la période où il fut question d'amnistie au compte-gouttes pour les "politiques".
On y suit les prises de conscience puis la révolte des prisonniers "sociaux" (de droit commun) au sein des taules ibériques, en particulier par la création de la COPEL (Coordination des prisonniers en lutte), les différentes étapes de cette confrontation et on y évoque la fameuse "évasion des 45" qui bouleversa Barcelone en 1978. Les trahisons de l'administration pénitentiaire, des politiques et le lâchage massif d'héroïne sont aussi traités.
Disons le tout net, on a trouvé ce film passionnant. Les acteurs (Miguel Herrán, Javier Gutiérrez, Fernando Tejero, et le gitan Jesús Carroza entre autres) irréprochables, la photographie virtuose et le film haletant. En outre, c'est bien moins putassier que Celda 211 qui avait tout de même un certain charme.
 
Mais surtout, on est allé voir ce qu'on pu en dire les anciens protagonistes. Et on a trouvé deux articles
Daniel Pont trouve le film "digne, honnête, nécessaire" en soulignant à quel point, en prime, la situation carcérale s'est durcie et dégradée. Rien de plus juste sur ce dernier point.
Fernando Alcatraz, de Valencia (https://tokata.info/pros-y-contras-de-modelo-77-por-otro-participante-mas-en-la-copel/) dans un long texte, sans nier son plaisir de spectateur développe quelques critiques censées être plus "radicales".
En vrac, il est déçu que le film ne tienne pas compte des événements chronologiques, ne rende pas l'ambiance globale de l'époque 1976/1978 avec non pas uniquement des luttes de prisonniers mais généralisées (de quartier, ouvrières, etc.) et fasse donc comme si c'était "hors de l'Histoire". Et là, on ne l'approuve pas entièrement.
C'est un film, camarade. Et avec un scénario et une durée de 2h05. on ne peut jamais tout y mettre. Constance des films de prison : on suit l'itinéraire de deux ou trois personnages et à travers leur Odyssée enfermé, on développe toute une situation alentour (voir Brute Force de Jules Dassin ou Animal factory de Steve Buscemi pour deux exemples très honorables). On a suffisamment de reproches à adresser aux oeuvres littéraires (BD ou romans), ou cinématographiques qui chargent la mule et se perdent dans les méandres des événements racontés pour ne pas être d'accord avec les déceptions d'un ancien activiste.
Il s'agace aussi du manque d'argot de l'époque. Là, on peut comprendre que c'est du cinéma et que les producteurs n'auraient jamais laissé tourner un film dans un langage des années 70 que plus personne ou pas grand monde ne comprend. Ceci dit, y'a moyen de saupoudrer et ils auraient pu faire un effort. Je me souviens du film La peur qui m'avait particulièrement énervé car les poilus dans les tranchées s'y exprimaient avec un vocabulaire et un ton des années 2010. Ce qui bousille tout le film.
Un truc pas compris, par contre, c'est pourquoi pour les transferts suite à une émeute, on envoie les "meneurs" à El Espinar (Ségovie) plutôt qu'à El Dueso (Santander). D'autant que cette partie a été tournée dans une caserne désaffectée de Séville... Mais bon, détail.
Le reste a été tourné à la Modelo de Barcelone ou ce qu'il en reste et la réussite est que ce bâtiment dévoreur d'hommes en devient un vrai protagoniste.
Z'aurez compris que ce film ayant fait une carrière confidentielle en France, n'hésitez pas à le rechercher, on vous garantit un bon moment globalement honnête dans ses intentions.  

Et une qui fit les belles heures de cette période.

5 commentaires:

  1. Merci, Julio, pour cette recension. Film effectivement passé inaperçu… Après vérification, il a été montré dans un festival polar à Reims, mais n'a jamais intéressé nos épiciers de la grande ou petite distribution en salles. Il serait dispo sur plateformes… Un abrazo

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  2. D'autant plus surprenant que La isla minima fit un carton ici. On se demande ce que foutent lesdits épiciers. D'autant quand on passe devant une salle et sa programmlation assez déprimante.

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  3. "Transición" o "tranzacción" ? del mexicano tranza, quién no tranza no anvanza etc...

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