mercredi 6 novembre 2024

L'empereur "nouveau" est arrivé

 


L'Empereur voudrait fuir de ses crimes
mais le sang répandu ne le laisse pas en paix.
Malgré les morts et l'air éteint
il tente en vain
de leur échapper.

D'abord, on arrive à effacer
à coup de peinture, l'ombre
que dans l'après-midi
le corps de l'Empereur finit par projetter
sur les murs du Palais.

El emperador de los cadáveres in No me preguntes cómo pasa el tiempo (trad maison)


Même si on doute fortement que le gangster pornographe devenu maître du monde a des insomnies, nous lui dédions ce poème de José Emilio Pacheco et cette chanson avec nos compliments.


Ainsi que celle-ci adressée ses valets



Tout ça n'est peut pas très lyrique mais que voulez-vous, y'a des jours comme ça.  

lundi 30 septembre 2024

Kris la belle gueule

 




Et allez, après avoir été une des plus belles voix de la country, joué chez Dennis Hopper, Sam Peckinpah, Michael Cimino et j'en passe, Kris Kristofferson nous a quitté à l'âge respectable de 88 ans.
Démissionnaire de l'armée de l'air en 1965, il s'était tiré à Nashville (Tennessee) pour copiner avec Johnny Cash ou Janis Joplin. Qui lui empruntera une chanson en 1970, éponyme du premier album du beau gosse prometteur, Me and Bobby McGee

 

L'année suivante Hopper le fait tourner dans The Last movie. s'ensuivront, pour les plus inoubliables Pat Garett and Billy the Kid (1973), Bring me the head of Alfredo Garcia (1974), Le Convoi (1978) et notre préféré, le grand, le démesuré, l'increvable Heaven's gate (1979)
Ici avec Isabelle Huppert et David Mandsfield à qui on doit la musique du film.


Il aura tourné jusqu'en 2017 et commis la bagatelle de 21 albums dont trois live. 
Mais tant qu'à rendre hommage, autant reprendre le Blow up du délicieux Luc Lagier, C'est quoi Kris Kristofferson ?

mercredi 25 septembre 2024

Comrade George



 Il est très facile d’imaginer une classe moyenne financièrement poussée dans ses derniers retranchements et n’en demeurant pas moins farouchement hostile à la classe ouvrière : et vous avez là un parti fasciste tout trouvé.  
Le quai de Wigan

 

 Le véritable ennemi, c’est l’esprit réduit à l’état de gramophone, et cela reste vrai que l’on soit d’accord ou non avec le disque qui passe à un certain moment. 

 L’idée que le Parlement n’a plus guère d’importance est à présent très répandue. Les électeurs sont conscients de n’exercer aucun contrôle sur les députés. 

Essais, articles, lettres 1943-1945

 

lundi 26 août 2024

Cinéma : la fin de la frontière

 

Andy Dale Petty

WESTERN LANDS un film de Nicolas Drolc - FR / USA  - 86 minutes

Un essai cinématographique à la gloire de la côte Ouest américaine, à travers la parole de ses habitant-e-s en résistance contre l'ordre établi et la culture dominante.

Alors qu'ils s'embarquent pour une tournée d'un mois sur la côte Ouest, le musicien de Folk originaire d'Alabama Andy Dale Petty et son ami, le cinéaste nancéien Nicolas Drolc en profitent pour improviser un film, à la croisée du road movie, de l'expérimental, du documentaire fauché et du journalisme gonzo. Sillonnant les routes des Etats de Californie, Oregon, et Washington, le film est un hommage à l'esprit de liberté qui caractérise ces lieux et leurs habitants, des pionniers de la ruée vers l'or, jusqu'au beatniks de San Francisco des années 50, aux punks de Portland des années 70 jusqu'à l'explosion culturelle Grunge qui part de la région de Seattle à la fin des années 80 pour embraser le monde entier. Le long de la route, on croise des curiosités oubliées et on obtient une collection visuelle détaillée , hommage à une amérique étrange, vouée à disparaître.

On y écoute les témoignages de Lloyd Kahn, architecte hippie de 87 ans, ancien rédac chef de Shelter et du Whole Earth Catalog, d'Art Chantry, l'un des plus importants graphistes vivants, figure de proue du mouvement grunge, de V. Vale, anthropologue et éditeur du fanzine Search & Destroy et des livres Re-Search), de Kelly Halliburton, activiste punk pionnier de la scene de Portland et collaborateur du groupe culte de garage punk Dead Moon, d'Eric Isaacson, fondateur du label indépendant Mississippi Records, de Dave Reisch, du groupe de rock psychédélique new yorkais Holy Modal Rounders, de Bret Lunsford, historien, et musicien membre du groupe Beat Happening, ainsi que bon nombre d'anonymes, artistes, activistes politiques et agitatrices et agitateurs notoires.

   

Un film de l'ami Nicolas Drolc est toujours une (bonne) surprise.
Western Lands ne déroge pas à la règle en nous offrant une errance qui va de Big Sur jusqu'aux environs d'Oak Harbour en compagnie du musicien folk Andy Dale Petty.
S'il y a bien un ensemble de sensations plus difficiles à faire ressentir au spectateur qu'elles n'y paraissent, ce sont bien celles du vent, du frais, de la chaleur, de la pluie et du froid au long de cette longue route ponctuée de motels, de snacks, de bars, de boutiques étranges et de musées bizarres. 
On ressent tout ça en avançant vers le Nord. Et en tombant sur autant de pancartes, montagnes, panneaux, plaines, baraques, routes et encore d'autres routes.
Et on y croise des fantômes. Ceux de la classe ouvrière émiettée, des diggers de l'été 1969, des lobotomisés oubliés, des squatters expulsés, des Indiens pas assez glamour pour Hollywood, des homeless, des rockers SDF, des créateurs du punk de l'Ouest, des trop pauvres pour rester là alors barrez-vous vers l'Est ce coup là, des country singers et soulmen du nord-ouest... De tout un peuple qui est devenu gênant car il n'est ni assez propre ni assez soumis ni surtout, assez friqué pour ce monde.
C'est ce que nous racontent toutes ces voix, graves, profondes, hésitantes, éraillées dont on ne verra jamais le visage mais qui forment le choeur de cette évocation. 
On adorerait avoir une deuxième série qui serait, par exemple, une route Detroit / Chicago / Cleveland. Mais chaque film a son histoire et l'histoire ne se répète point. 

Un rappel d'un de ses autres films, Bungalow sessions avec la séquence consacrée à Andy Dale Petty.
 

lundi 22 juillet 2024

Trump & fils

 

Donald et Fred
Une remarque pour commencer, les nord Américains ont beau être surarmés, ils tirent comme des cochons. Lee Harvey, reviens, tout est pardonné !
Ceci posé, quelques mots sur le miraculé "qui s'est fait tout seul grâce à son sens des affaires". 
Encore un mensonge : Donald est le fils et héritier de Fred Trump (1905-19999), sinistre personnage gouvernant un empire immobilier de 27 000 appartements new yorkais, de casernes et de logements pour la Marine. 
Comme son rejeton, cet abject promoteur immobilier collectionna quelques déboires judiciaires : une arrestation en 1927 au cours d'une émeute pour implanter le Ku Klux Klan dans le Queens, une inculpation pour abus de contrats publics en 1954 et une autre pour discrimination en 1973 (la crapule refusait purement et simplement de louer à des Noirs).
Autant dire que l'ex et éventuel futur président a hérité d'un domaine conséquent et de coquets revenus dès 1968.Voilà pour le self made man, menteur pathologique.
Là où le vieux Trump laissa des traces dans la culture populaire, ce fut lorsqu'il eut un locataire bien connu de nos services : le chanteur Woody Guthrie, grand maître de la chanson qui démange. 
En 1950, Woody, exilé de son Oklahoma natal, emménagea dans le complexe de Beach Heaven. Il en tira plusieurs chansons aux titres on ne peut plus explicites : Beach Haven Race Hate, Beach Haven Ain't My Home et Ain't got no home, qu'il eut l'occasion d'enregistrer.


Cette chanson fut doublée d'une autre, toute aussi explicite : Old Man Trump. Écrite en 1954, jamais gravée, elle fut exhumée comme manuscrit par un professeur de lettres en 2016. 
Et depuis largement diffusée. 
Ici par les Missin' cousins.


Bien entendu, la chanson oubliée du troubadour folk a connu une nouvelle vie ces ultimes années.
Il existe donc des dizaines de variantes, de parodies et de nouvelles versions tirant sur Donald Trump avec l'efficacité d'un AR 15 correctement manié.
On a un faible pour celle, tout à fait actuelle de Middle class Joe
Enjoy it before the flood !

mercredi 17 juillet 2024

Antifascisme à l'anglaise

 

La bande à Mosley bousculée en 1962
Qu'on le veuille ou non, l'avenir étant ce qu'il est, nous pensons qu'il est bon de rappeler deux ou trois moments de l'histoire qui peuvent être inspirants pour les temps à venir. 
Même si l'histoire ne repasse pas les plats, comme disait l'autre.
Contrairement à ce que présente certaine série à succès, le fasciste britannique Oswald Mosley (fondateur de la BUF, British Union of Fascists) n'avait rien d'un génie du mal machiavélique. 

Ce Jacques Doriot raté (tout le monde n'a pas eu la chance d'avoir la Wehrmacht à domicile) baronnet de son état, était passé des rangs conservateurs aux travaillistes avant de tenter sa chance en fondant un parti fasciste britannique en 1932 suite à des vacances romaines. 
Mêlant un semblant de programme économique keynésien à un décorum impeccable (chemises noires paramilitaires) ainsi qu'à une haine des rouges, des Juifs, des Irlandais, des immigrés caribéens et de tout ce qui n'est pas Anglais pur jus fantasmé, ces brutes atteignirent 50 000 adhérents en 1934 et multiplièrent meetings et parades de rue.    
Évidemment, dans un pays où le sentiment de classe est aussi exacerbé que le Royaume Uni, ces joyeux happenings ne se déroulèrent pas sans heurts .
Mais l'événement d'avant-guerre qui resta dans toutes les mémoires fut celui du 4 octobre 1936, demeuré "la bataille de Cable street". 


Ce jour-là, les matamores d'Oswald n'avaient trouvé rien de plus fumeux que d'effectuer une marche dans l'East end, quartier prolétaire à forte population juive.
Les 5 000 chemises noires se retrouvèrent donc face à un ensemble de communistes, d'anarchistes, de socialistes d'organisations juives et nationalistes irlandaises de gauche regroupant entre 100 000 et 300 000 antifascistes décidés à en découdre. T'en veux du Front pop' fait à la base ? 
Pour arbitrer le match, la police métropolitaine avait envoyé entre 6000 et 10 000 flics, dont la cavalerie.
Logiquement, les flics chargèrent les antifascistes qui se chargèrent de renvoyer les sinistres corbeaux jusqu'à la Tamise. On parla alors de "deuxième guerre civile". 
Ce fut la dernière marche jamais organisée par le BUF.
Par ailleurs, le gouvernement de sa Majesté se hâta de passer une loi interdisant les défilés politiques en uniforme (un peu a l'instar de la dissolution des ligues en France).
Cette réaction populaire fut célébrée dans de nombreuses chansons fredonnées dans les foyers ouvriers. Une des plus fameuses fut Ghost of Cable street, ici exécutée par le sympathique groupe folk rock The men They couln't hang (leur nom méritant, à lui seul un autre article).
La version ici proposée inclue un résumé de l'affaire sur des images d'époque.


À partir de juin 1940, Mosley et quelques milliers de ses sbires, devenus pacifistes forcenés, échappèrent aux combats en cours en passant leurs années de guerre en taule. 
Le lamentable führer remonta un parti fasciste après-guerre, l'UM qui évoluera en NF (National front) qui aura un succès certain à partir des crises des années 1960 et 1970.
Le courageux chef avait d'ailleurs préféré s'exiler en France, dans l'Essonne, pour diriger tout ça à prudente distance.  
En ce qui concerne l'après-guerre, rendons ici hommage à un groupe assez méconnu The 43 Group. Groupe de combat semi-clandestin monté par des vétérans majoritairement Juifs (parachutistes, marins, commandos, etc.) antifascistes afin d'infiltrer, de s'opposer et de détruire toute résurgence fasciste en Grande-Bretagne.
Nommés ainsi d'après l'adresse du club sportif d'Hampstead, cette organisation de combat compta plus de 1000 membres à Londres, Manchester, Birmingham et Newcastle.
Ils publièrent aussi un journal dénonçant tant le fascisme à l'international que les politiques racistes des États Unis ou de l'Afrique du Sud.
Considérant le danger immédiat écarté, ce groupe s'auto-dissout en 1950.
Avant de faire place au 62 Group en 1962 (photo ci-dessus) mais c'est une autre histoire. 
Allez, tirez-en les leçons qui s'imposent et quittons-nous sur une dernière ballade au sujet de Cable street : The balade of Johnny Logstaff par les Young'uns

jeudi 11 juillet 2024

Un peu de poésie par Arletty

 

Arletty et un coquin (Hôtel du Nord)

Bon, maintenant que le fascisme est toujours à la porte en attendant d'occuper le séjour, que notre roitelet vient de s'octroyer deux ans de répit et que la chambre sera d'un centrisme affligeant (on parie ?) passons un peu à autre chose.
En 1934, déjà face à une extrême droite rampante et un Front pop' en gestation, que fabriquait notre chère Arletty ?
Elle chantait, ne vous en déplaise.
Et en outre elle se payait la fiole toutes ces bourgeoises qui soupiraient après les marlous (on ne disait pas "bad boys") sur une chanson signée Jean Neuburger (encore un mauvais français à coup sûr). 
Postmodernes divers et variées, avant de hurler sur ces paroles injurieuses et scandaleuses, songez deux minutes que c'est du second degré. Puisqu'il faut tout préciser.
Et dans le genre rions un peu avec le mépris de classe...