jeudi 28 février 2019

Kaurismäki, du rock, du tango, du twist...


Une des choses formidables avec le cinéma d'Aki Kaurismäki, c'est que même dans ses films ratés (enfin, y'en a qu'on aime moins) il y a toujours une séquence musicale qui vaut la peine d'être non seulement ouïe mais aussi vue.
On ne sait si notre Finlandais préféré a vraiment pris sa retraite du cinéma, lui qui fut recalé pour cynisme à l'entrée de la FEMIS locale. Mais on conseille aux réalisateurs en herbe d'appliquer sa méthode : soyez ouvriers pour bouffer un peu et allez voir une bonne quantité de films. Au moins, si vous causez du prolétariat, ce sera en connaissance de cause, pour une fois. 

À titre d'illustration, André Wilms en prophète et en grande forme dans une séquence de Leningrad Cowboys meet Moses (Les Leningrad Cowboys rencontrent Moïse) 1994.


Un tango en finnois, spécialité du maître qui n'hésite pas à truffer ses films de chansons de Carlos Gardel. Il semble que vu son climat quelque peu pénible, sa condition de satellite déguisé de l'URSS et de parent pauvre et méprisé de la Scandinavie, la Finlande soit assez propice aux chansons nostalgiques. Ça s'appelle Kauas pilvet karkaavat (Au loin vont les nuages) et ça donne le titre de ce film de la dite "trilogie finlandaise " de 1996. 



Terminons sur notre scène préférée, celle qui nous fit bondir sur un fauteuil à la sortie du film en gueulant "Merde ! Il est là, celui-là aussi !"
Un extrait de I hired a contract killer, 1990, (J'ai engagé un tueur). Outre Jean-Pierre Léaud frisant la perfection, Serge Reggiani interprétant à merveille le rôle d'un agonisant, on y croise le Kaurismäki lui-même en vendeur de lunettes et accoudé au bar, Nicky Tesco, ex chanteur des légendaires Members, en homme de main d'un truand minable.
Et qui chante dans ce pub ? Un Joe Strummer éblouissant de grâce, de simplicité et d'inspiration.


 

Promis, on vous en remettra.

lundi 25 février 2019

Les Vanneaux et une guerre de 50 ans

Berlin, 1961, le vopo Conrad Schuman se trisse du côté ouest de la rue.
Le 5 mars 1946, Winston Churchill pontifiait "Un rideau de fer s'est abattu sur l'Europe". Ce vieil hypocrite avait auparavant scellé le sort de la Bulgarie, de la Roumanie, de la Yougoslavie, de la Hongrie et de la Grèce avec son collègue Joseph Staline lors de la conférence de Moscou, en octobre 1944.
Les populations des pays concernés seront reconnaissantes à leurs libérateurs !
Mais l'Europe fut un champ d'affrontement bien trop étroit pour une période de conflits plus ou moins interposés connus dans l'histoire comme Guerre Froide (l'expression serait de George Orwell). 
Le lundi 4 mars, les Vanneaux de passage couvriront en chanson cette période qui va, en gros de 1946 à 1991.
Dès 17h30 sur la fréquence de Radio Canal Sud (92.2) ou sur canalsud.net

En 1980, en pleine invasion d'Afghanistan, le groupe russe DDT sort Nie Strieliai ! (Ne tire pas !) on le passe surtout pour la vidéo




Alors qu'une dizaine d'année avant, Edwin Starr fabriquait un tube monstrueux contre la guerre du Vietnam : War. On ne reculait devant rien chez Motown. Remarquez à quel point il n'est pas facile de repiquer une vieille VHS. 


vendredi 22 février 2019

Combien de marins imbibés ?


Retrouvons le grand large et les embruns avec un classique des chansons à virer. De celles que les marin entonnaient pour virer le cabestan pour relever l'ancre (Wae, Hey, and up she rises !).
Même à l'âge d'or de la Royal Navy, un des corps les plus répressifs de ce temps, il était permis aux hommes d'équipage de se défouler en chantant n'importe quelle obscénité pourvu qu'elle permette de supporter cette manœuvre de force. Les officiers de bord étaient alors l'objet de tous les quolibets
Il est prouvé de puis belle-lurette que c'est pas tant la mer qui tue l'homme, mais plutôt la gnôle. Encore que de nos jours, la coke et l'héro ont pas mal remplacé la bibine sur les chalutiers.
Ce classique irlandais du chant de marins s'en prend donc à l'état lamentable des camarades encore pris de boisson ou en sévère gueule de bois qui se retrouvent incapables d'aider efficacement leurs collègues à l'appareillage. En leur promettant une vingtaine de châtiments en représailles.
Ce Drunken sailor (Qu'allons-nous faire du marin ivre ?) a été entonné par des dizaines d'ensembles. Même si un des tous premiers enregistrements est celui, uniquement musical, du violonidte John Baltzell on a un faible pour la version des Irish Rovers qui, eux au moins, osent les paroles (Rasez-lui ventre et couilles /  Mettez-le au sel et à l'eau / Collez-le dans le lit de la fille du capitaine, etc...)


Noir Désir ne dédaignait pas la reprendre en concert. Pas seulement lors des tournées bretonnes. Là, c'était en 1989. En disque, le titre ne se trouve que sur la compilation En route pour la joie (2000).

mardi 19 février 2019

La valse des gilets et ses suites

Toulouse 01 12 2018 (photo J. Fourcade)
Une série d’images prises depuis un téléphone portable navigue sur la Toile des affects. On y voit une « ZAD » du pauvre bâtie à la va-vite sur un rond-point haut-savoyard, une baraque en flammes et des forces du désordre faisant cordon autour de femmes et d’hommes occupant les lieux et dansant en nombre sur la chanson La Foule d’Édith Piaf. À les regarder, ces images, on comprend l’essentiel d’un incroyable défi : détruisez, nous reconstruirons ailleurs. C’est l’expression même d’une authentique puissance fondée sur une claire conscience des fraternités et des connivences qui s’arriment depuis trois mois à ces éclats de fugue en jaune majeur que sont les ronds-points, les dérives en zone dangereuse, les coups de main échangés, les histoires partagées, les traverses empruntées, la vie réinventée.

Ainsi débute ce long article signé Freddy Gomez qu'on vous encourage à lire en cliquant sur le lien.
Peu importe que l'on partage ou pas toute l'analyse avec l'ex-directeur de publication de l'excellente revue À contretemps (en particulier sa classification bien trop simpliste d'un certain milieu), on lit son élégante prose avec profit.
La vidéo tournée à Margencel (Hte-Savoie) à l'aube du 19 décembre sur la RD 1005

 


Autres extraits grappillés :
C’est encore ce murmure que des « intellectuels » atones, puis désemparés, se sont tardivement mis en tête d’interpréter, ou de sur-interpréter, à partir de leur savoir théorique et des quelques critères – historiques et sociologiques – qu’il leur confère. Jacquerie, fronde, charivari, mais qu’est-ce ? Peuple, pas peuple, quart de peuple, plèbe, tiers de plèbe, comment dire ? 1789, 1830, 1848, quelle filiation ? Gauche, droite, ultragauche, ultradroite, d’où ça vient et où ça va tout ça ? Ils ont débattu, les intellectuels. Ils sont payés pour ça – pas cher, parfois, mais peu importe. Ils sont payés pour construire une vérité ou la déconstruire, ce qui somme toute revient au même.
 (...)
Ce n’est pas rien, trois mois, après des décennies d’humiliation sociale, de traque aux pauvres, d’insultes répétées, de silences impuissants. C’est plus qu’un réveil ; ça ressemble à une sécession.(...)

Afin d'illustrer le propos, revoici le camarade D1ST1 qui, comme nous tous, à Toulouse comme ailleurs, ne veut désespérément pas rentrer à la maison mais rester encore dans la rue avec les autres.

samedi 16 février 2019

Hommage au frangnol, aux maçons et aux réfugiés

Équipe de foot des espagnols de Toulouse (années 1920)
Arrivants de 1939
Comme tous les années qui se terminent en 9, le Sud de la France commémore l'arrivée des espagnols de l'armée en déroute, de leurs familles et de tous ceux qui avaient les meilleures raisons du monde de mettre une frontière entre le nabot d'El Ferrol et eux. N'épiloguons pas, une fois de plus, sur le fait que hier comme aujourd'hui, ce pays a reçu et reçoit les arrivants comme des chiens galeux. Et que toutes les cérémonies du monde ne feront jamais oublier les camps d'Argelès, de Gurs, du Vernet, de Brams, et tous les autres. Ni sur l'apport de ces exilés à notre région.
Ça faisait pourtant déjà des décennies qu'andalous, asturiens, estrémègnes et autres castillans passaient la frontière poussés par la faim, les propriétaires terriens, la Garde civile ou la justice. Après celle de 1939, la vague suivante arriva en 1956, à la faveur d'un petit assouplissement de loi espagnole d'émigration qui fit que des dizaines de milliers de sujets du Caudillo, coincés dans des régions occupés par les nationaux dès le début de la Guerre, allèrent se faire bronzer en France.
Pour avoir une pensée pour cette communauté avec laquelle on a grandi, le CRAS nous signale cette chanson de maçon exécutée par Alain du 34 qui la présente ainsi :

Hommage aux immigrés espagnols qui se sont installés dans le midi. Une première vague il y a une centaine d'années, et une seconde après la guerra civil, pour fuir cet hijo de la gran puta de Franco. Ici, c est le portrait, d'un maçon, qui explique comment faire un mur ! Sur un air de sevillana. Que les puristes ne m'en veulent pas si les temps (très carrés en principes et codifiés) ne sont pas respectés.





mercredi 13 février 2019

L'héritage du marquis de Queensberry

Arthur Cravan, poète et boxeur


À part établir un règlement, toujours en vigueur, pour la boxe dite "anglaise", John Sholto Douglas de Queensberry fut le grand responsable de l'emprisonnement d'un Oscar Wilde qui avait "dévergondé" son aristocrate de fils. Et à la poubelle, de l'histoire, donc.
Jack London, Joyce Carol Oates, Arthur Cravan, Leonard Gardner, Norman Mailer, "Hurricane" Carter... On n'en finirait plus de citer les écrivains fascinés par ce sport à nul autre pareil qui oscille entre élégance, brutalité, finesse et combat social pour émerger de la pauvreté.
Côté cinéma, des centaines de films parmi lesquels on a tant apprécié Fat City (La dernière chance) de Huston, 1972, The set-up (Nous avons gagné ce soir) de Wise, 1949, Raging Bull, de Scorcese, 1980, The harder they fall (Plus dure sera la chute) de Robson, 1956, Killer's kiss (Le baiser du tueur) de Kubrick, 1955...
Étant innombrables, on ne va donc pas se lancer dans un catalogue de chansons sur ce thème mais revenir aujourd'hui sur deux titres qui ont en commun le personnage du boxeur plutôt sonné.
Quatre boules de cuir, par un Claude Nougaro en pleine inspiration et en répétition (1969).


Christophe Dettinger, boxeur et poète en actes, passe en procès aujourd'hui.

Et Quinzième round par Bernard Lavilliers tiré de son album Les Barbares (1976)

dimanche 10 février 2019

Camarón

Le flamenco se chante avec des fautes d'orthographe.
Rancapino


Inutile de chercher des ressemblances entre ce fandango, grand succès du Cabrero, et Soy gitano, Rosa María, Canastera ou La Leyenda del tiempo. Paco de Lucía le résumait ainsi : « Si d’autres cantaores font appel à des thématiques sociales, la voix déchirante de Camarón évoque, à elle seule, toute la désolation de son peuple. »
Le Cabrero parque ses chèvres et se rend là où il doit jouer avec plusieurs heures d’avance. (...) Vêtu de noir, portant son foulard à la Clint Eastwood et chantant dans la voiture, il part dans des villages, conduit par Jeromo et aime prendre tranquillement son gazpacho, s’essuyer la bouche à son mouchoir et, s’il le faut, discuter avec les gens, puis, s’en aller sans se presser.  
Le cas de Camarón est tout autre mais Jeromo a su s’adapter aux deux.
Pour José, il a versé deux fois des larmes en vingt minutes. La première fois de peine, lorsqu’on lui a appris sa mort à la Feria de Séville, la deuxième, de joie, quand on lui a appris qu’il s’agissait d’une fausse rumeur.

Pachón ne pensait pas que Camarón appréciait réellement Lorca. Le producteur estime qu’on peut transmettre un profond sentiment même si le cantaor ne le saisit pas.
Il marchait à l’intuition. Dans le titre La leyenda del tiempo (« El sueño va sobre el tiempo flotando como un velero* ») Camarón demandait à Pachón « Mais qu’est ce que ça veut dire ? »
Et l’autre haussait les épaules car il n’avait pas, non plus, la moindre idée de la signification de ce poème.


La douleur d'un prince, une biographie de José Monge Cruz, à jamais Camarón de la Isla, plutôt centrée sur son entourage, par Francisco Peregil (Les Fondeurs de briques)


* Le songe file avec le temps / flottant comme un voilier.

jeudi 7 février 2019

Rocking class hero

Castres 2 février 2019
On revoit beaucoup de vieux amis ces temps-ci, surtout le samedi.
Mais ce dimanche 3, on est allé retrouver le meilleur ami du rocker, notre dernier trésor national vivant, monsieur Roberto "Libero" Piazza, alias Little Bob.
Quand on songe qu'on a du le voir la première fois autour de 1980, ça donne une idée de la longévité du bonhomme.
Il a vieilli, nous aussi au passage, mais la voix est intacte, les yeux toujours aussi vifs, le regard bienveillant, chaque geste empreint de simplicité et de complicité. Il est heureux d'être là, quoi.

Et son "nouveau" groupe (depuis 2012), les Blues bastards lui sied à merveille : Bertrand Coulome en contrebassiste inspiré, Gilles Mallet à la guitare moulinette, Jérémie Piazza, neveu du Bob et batteur efficace et enfin, Mickey Blow, de Saint Ouen, ci-devant harmoniciste des Stunners (1979-1985) mémorable groupe de pub rock banlieusard, des Belleville Cats ou de Johnny Thunders.

Petit Robert a cavalé deux heures, nous assénant nouveaux morceaux et classiques (y'a qu'à puiser dit-il) dont l'inévitable Riot in Toulouse qui connaît une nouvelle jeunesse dans nos rues, le swamp Lost Territories, Libero, la chanson en l'honneur de son père, ouvrier italien anarchiste atterri au Havre, ( celle que Kaurismaki a foutu dans son film. Mon vieux m'a toujours exigé d'être libre. Il l'était, je le suis).


Puis, il a achevé en balançant coup sur coup deux reprises de Little Richard à toutes blindes ! On avoue avoir furtivement craint que le camarade Piazza n'aille calancher sous l'effort, là-même, sur scène. Mais non il tient le coup et s'il vient un jour à lâcher la rampe, sa place est de toute façon réservée au paradis de la musique du diable, quelque part entre Robert Johnson et Eric Burdon (toujours là, lui aussi). 
On lui laisse le dernier mot :
Il paraît que je deviens culte. Moi j’ai pas bougé d’un iota. Je ne suis pas devenu riche, mais je fais ce que j’aime depuis 42 ans.
Extrait tiré du documentaire Rockin' class hero de Gilbert Carsoux et Laurent Jézéquel. Only liars, qui nous valut une diatribe au sujet des salauds qui gouvernent.


lundi 4 février 2019

Les Vanneaux hors-la-loi

André, bandit tragique, guillotiné à 19 ans

On a donc chanté les réprouvés de l'autodéfense sociale, les opportunistes de la situation historique et les guérilleros qu'on nommait brigands.
Ce qui, comme plongée dans le monde du crime, donne :

Bobby Fuller Four                               I fought the law
Daddy Sucks                                        Mandrin
Joan Bez                                               O Cangaceiro
Leon Gieco                                          Bandidos rurales
Johnny Cash                                        Ned Kelly
Ideflawen                                            Arezki Ibacir
Eugenio Bennato                                Brigante se more
Camera Silens                                    Classe criminelle
Ben Rogers Trio                                 Somali pirate song
Adaptat Sia                                        Aldar Kose
Townes Van Zandt                             Pancho and Lefty
Rghiss Abdenour & Chriff ben Abbas    Messaoud Ugzelmad
Mala Fama                                          Juanin y Bedoya
OTH                                                    Le rap des Rapetout
Bruce Springsteen                              Jesse James
Billy Joël                                             The ballad of Billy the Kid
Patrick Denain                                    À la Courtille                                           

Pour semer les sbires, braquer les banquiers ou faire dérailler les trains, il suffit de cliquer là.
 
Tiré du film Rude Boy, une reprise de Bobby Fuller Four par le plus grand groupe de l'époque






Une autre version de la calabraise, cette fois en Banditi si muore par Golaseca, groupe sarde


Et comme le sujet manque de femmes, une brève bio de la reine des bandits de l'Uttar Pradesh : Phoolan Devi


vendredi 1 février 2019

Ricet Barrier biker

La marque de moto la plus classe de cette décennie là
Rendons grâce au sieur John Warsen, qui exhuma dernièrement l'ensemble des EP quatre titres de notre cher Ricet Barrier (de 1959 à 1964), celui dont ceusses de ma génération se rappellent qu'il fut un chanteur touche-à-tout, c'est à dire rigolo ou mélancolique, bien avant de prêter sa voix à Saturnin le canard.
Notre chantre d'un monde déjà révolu dans les années soixante ne daignait pas se gausser, au passage, de la modernité ambiante.
En témoigne ce microsillon de 1966 (Philips 434.839 BE) dans lequel il sacrifia au culte de la Horde Sauvage à lui tout seul.
Avec toutefois une dizaine d'années de retard sur l'imbattable Édith mais en misant sur une marque britannique nettement plus élégante que cette grosse vache de Harley Davidson (et néanmoins fâcheusement instable dans les virages).
Et Vrooaapp, comme on écrivait dans les BD de mon enfance.