jeudi 16 novembre 2017

Casseurs et terroristes (3) Yiddishland

Des teigneux du FPO (1943)
Actuelle capitale de la Lituanie, Vilnius (anciennement Wilno ou Vilna selon qui en cause) était un grand centre intellectuel du judaïsme d'Europe centrale. Au point d'être surnommée "la Jérusalem de Lituanie". La communauté juive, d'environ 55 000 membres, y représentait plus de 28% de la population totale.
Pris au piège du souvenir d'une occupation allemande assez "correcte" lors de la première guerre mondiale et des pogroms menés par la soldatesque russe, une bonne partie des dizaines de milliers de juifs ne cherchèrent pas à passer en URSS lorsqu'il en était encore temps. Épaulés par une police supplétive, une population au mieux indifférente et l'aimable collaboration du groupe Nord de la Wechmacht, les sinistres Einsatzgruppen menèrent la liquidation des deux ghettos de la ville entre juillet 1941 et septembre 1943.

FPO à la libération de Vilnius (1944)

Mais cette région balte est restée également fameuse par le nombre de ses maquis, réfugiés dans les proches forêts dont certains étaient exclusivement formés de partisans juifs, hommes et femmes.
C'est d'un de ces maquis ou du ghetto que sortit le chant Zog nit kejnmol (Ne dis jamais, en yiddish זאג ניט קיין מאל ) qui deviendra l'hymne des résistants juifs de Pologne jusqu'en Ukraine. La mélodie vient du chant soviétique Ce ne sont pas des nuages mais l'orage (То не тучи — грозовые облака) écrit par Dimitri Prokrass en 1935.
Selon les sources, la paternité des paroles annonçant le soulèvement est généralement attribuée au partisan et poète Hirsch Glick et parfois à Shmerke Katsherginski, résistant également membre du FPO (Fareynikte Partizaner Organizatsye, Organisation Unifiée des Partisans) première organisation de guérilla juive montée à Vilnius en 1942, alliance de jeunes sionistes de gauche, bundistes ou communistes préfigurant les futurs détachements de partisans de Lakhva, Varsovie, etc.
D'un refus du fatalisme à l'affirmation Nous sommes (et serons donc toujours) là ! ce chant est devenu un classique du florilège antinazi qui a éclot dans toute une Europe sous la botte.

 
Traduction :
Ne dis jamais que c’est ton denier chemin
Malgré les cieux de plomb qui cachent le bleu du jour
Car sonnera pour nous l’heure tant attendue
Nos pas feront retentir ce cri : nous sommes là
Le soleil illuminera notre présent
Les nuits noires disparaîtront avec l’ennemi
Et si le soleil devait tarder à l’horizon
Ce chant se transmettra comme un appel
Ce chant n’a pas été écrit avec un crayon mais avec du sang
Ce n’est pas le chant d’un oiseau en liberté :
Un peuple entouré de murs qui s’écroulent
l’a chanté, nagan* à la main
Du vert pays des palmiers jusqu’au pays des neiges blanches
Nous arrivons avec nos souffrances et nos douleurs
Et là où est tombée la plus petite goutte de sang
Jaillira notre héroïsme et notre courage
C’est pourquoi ne dis jamais que c’est ton dernier chemin
Malgré les cieux de plomb qui cachent le bleu du jour
Car sonnera pour nous l’heure tant attendue
Nos pas feront retentir ce cri : nous sommes là

Une version contemporaine par le groupe Cartouche, pas les Belges, non, les keupons de la bande à Géraldine


* Le nagan(t) est un revolver russe calibre 7.62 mm.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire