vendredi 28 juillet 2017

Desnos, Liabeuf et la chanson qui ne fut pas (ou pas encore)


Presse à sensations
Comme on y fit allusion dans cette aimable émission, Jean-Jacques Liabeuf, honnête cordonnier persécuté par deux argousins des mœurs, Maugras et Vors,  qui lui avaient taillé un costard de proxénète, fut injustement condamné à la prison et à l'interdiction de séjour en 1909.
Fou de rage, l'ouvrier se confectionna des poignets de cuir hérissés de pointe, y rajouta un poignard et un revolver browning pour régler ses comptes avec les deux bourriques responsables de sa disgrâce. Le 8 janvier 1910, contrôlé par des agents, il tue un flic et en blesse quatre autres, dont un grièvement, avant d'être maîtrisé.
Sale ambiance

C'était mal barré pour l'homme d'honneur qui malgré son manque de chance sera défendu par une bonne partie des socialistes* et des anarchistes.
Le premier juillet 1910, Liabeuf est guillotiné sur le boulevard Arago, contre le mur de La Santé. Il aura clamé jusqu'à son dernier souffle qu'il n'était pas un souteneur. Son exécution fut l'occasion d'une des plus belles émeutes du Paris des années 1900 : des milliers de personnes s'affrontent à la police, les cuirassiers chargent la foule dans laquelle se trouvent quelques futurs "bandits tragiques" dont certains feront eux aussi parler la poudre (Soudy, Valet, Kilbatchiche).

Or, Robert Desnos a prétendu avoir assisté à l'arrestation de Liabeuf, dans la rue Aubry-le-boucher. Il avait dix ans et c'était pas pourtant pas à une heure où on laisse traîner les moutards.
Trente ans plus tard il écrivit une chanson en argot, en hommage à Liabeuf et son action dans la rue Aubry-le-boucher. Ce texte sera publié pendant la guerre sous pseudonyme, il est intitulé

À LA CAILLE** 

Rue Aubry-le-Boucher on peut te foutre en l’air,
Bouziller tes tapins, tes tôles et tes crèches
Où se faisaient trancher des sœurs comaco blèches
Portant bavette en deuil sous des nichons riders.

On peut te maquiller de béton et de fer
On peut virer ton blaze et dégommer ta dèche
Ton casier judiciaire aura toujours en flèche
Liabeuf qui fit risette un matin à Deibler***.

À Sorgue, aux Innocents, les esgourdes m’en tintent.
Son fantôme poursuit les flics. Il les esquinte.
Par vanne ils l’ont donné, sapé, guillotiné

Mais il décarre, malgré eux. Il court la belle,
Laissant en rade indics, roussins et hirondelles,
Que de sa lame Aubry tatoue au raisiné.
 


On ne connaît pas de mise en musique de ce petit bijou. Si ça vous inspire, n'hésitez surtout pas, on se fera une joie de diffuser. Camarades musicos, à vous.
Autre représentation fantaisiste

Je trouve que dans ce siècle d'aveulis et d'avachis, Liabeuf a donné une belle leçon d'énergie et de courage à la foule des honnêtes gens. À nous-mêmes, révolutionnaires, il a donné un bel exemple. Gustave Hervé dans La Guerre Sociale

** En rogne, en pétard, en colère...

*** Famille de bourreaux de génération en génération.

Et puisqu'il faut terminer sur une rengaine, voilà l'occase d'envoyer encore une fois celle qui ne fut pas écrite par Raymond Callemin mais par qui vous savez. L'occase aussi d'écouter ce cher Jacques Marchais. 

4 commentaires:

  1. Y a un journaleux de la Guerre sociale qui s'est pas mal démené aussi pour Liabeuf, Miguel Almeyreda. Mais pour quelle raison connait-on aussi cet Almeyreda, et quel jeu de mot est à l'origine de son nom ? Attention vous jouez pour le super banco ! Ding, ding, ding...

    Vous faites une émission en août ? Sur quel thème ?

    A bientôt.

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  2. Un homme fort sympathique ce Miguel mais à part être le paternel de Jean Vigo, non, je ne vois pas quelle peut être l'origine de son pseudonyme.
    Pas d'émission en août mais de retour sur les ondes le 4 septembre pour causer (dé)colonisation.
    Jules

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  3. Oui, c'est le père de Jean Vigo. Il prend le pseudonyme de Almereyda, peut-être l'anagramme de Y'a de la merde.

    Bon, ben bonnes vacances de poste alors.

    Salut et fraternité.

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  4. Marrant comme anagramme.
    Bonne vacances aussi monsieur Wrob.

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