vendredi 28 avril 2017

On a chanté les Dalton

Coffeyville, 1892, Grat et Bob Dalton sont au milieu
Maintenant que nous voilà débarrassés d'au moins deux des quatre (Onze ? Vraiment ?) malfaisants pour subir, par défaut, les deux étrons restants (que par paresse, nous nommerons la Brute et le Truand), penchons-nous sur le cas d'une autre bande.
US marshall dans l'Arkansas, l'aîné de la fratrie Dalton, Frank, s'est fait abattre dans l'exercice de ses fonctions. Les frères restants, Robert "Bob", Emett, Bill et "Grat" vont se tailler une réputation, souvent calomnieuse, de bandits de grands chemins avec une prédilection certaine pour le pillage des trains et banques de la Southern Pacific.


Pas si méchants que ça et surtout pas du tout idiots, ces outlaws épongent les dettes des fermiers, se tissant ainsi un réseau de complicité dans une population qui les avertit des mouvements des forces de l'ordre.
Leur carrière criminelle s'arrête brutalement, lors du braquage des deux banques de Coffeyville (Kansas, 1892). Cernés par la population, Bob et Gratt Dalton sont abattus avec leurs complices Bill Powers et Dick Broadwell. Emett, truffé de vingt-trois balles, survivra pour partir vers quinze ans de prison, puis d'achever sa vie dans l'industrie du cinéma, scénariste à Hollywood, en 1937.
Le dernier frangin, Bill menait à cette époque une vie d'honnête fermier.
C'est par les chansons populaires que le gang des Frères Jesse et Frank James, belle bande d'assassins, a gagné une notoriété bien plus durable que ces bandits qui, eux, ne s'en prenaient vraiment qu'aux capitalistes. 

Le coup de génie du scénariste René Goscinny fut d'avoir créé, à partir de ces personnages historiques, quatre méchants, d'abord assassinés*, puis ressuscités sous forme de cousins, dans la série Lucky Luke (1957). Les lecteurs adoptèrent immédiatement la bande des quatre.
C'est à Joe Dassin, fils de Jules, excellent cinéaste exilé des États-Unis pour cause de "chasse aux sorcières", comme on appelait l'hystérie anti-communiste, qu'il revint d'écrire la chanson qui fit la joie des petits et grands en 1967, à partir des personnages de Goscinny.
Et tagada, tagada, voilà le scopitone...


La version de Morris et Gosciny

Curiosité amusante, un groupe, plus ou moins surf rock, du tout début des années 60, avait déjà adopté le patronyme des bandits d'honneur. Il s'agissait de Long Chris et les Daltons qu'on retrouve ici, en 1962, dans l'adaptation de ce classique du sauvage et regretté Gene Vincent, I'm going home.


Terminons cette tournée Dalton par une version d'un petit gars de Nancy sur le cas duquel nous reviendrons : King Automatic, certainement un des "one-man band" (homme-orchestre, quoi) les plus réjouissants de ce pays à la con (et on cause pas là de Nancy, ville aux recoins tout à fait agréable, mais bien de la nation). 

                                   *Comme le fait justement remarquer Wrob en commentaire, les quatre premiers Dalton sont de Morris seul. Gosciny créera les personnages des cousins qui connaîtront la gloire.

mardi 25 avril 2017

France Société anonyme (Actualités)

Jeune financier plein d'avenir
Si comme l'affirmait certain barbu en paraphrasant Hegel, l'histoire ne repasse jamais les plats sauf sur le mode de la farce, on peut affirmer que nous vivons une époque tout à fait hilarante.  

En ce qui concerne l'avenir, on ne peut qu'être rassurés, que ce soit pour celui du Bonimenteur de la jet-set ou de la Mère Fouettard.
Ces deux-là trouveront toujours suffisamment de lâches, d'opportunistes, de flics, de beaufs bien rassis prêts à se donner de l'importance, d'intellectuels organiques, de syndicalistes qui n'ont pas vu une pointeuse depuis des années, de journalistes cireurs de pompes, bref, de toute cette lie de l'humanité qui émerge dans ce genre de circonstance pour avoir le cul bien assis sur leur trône. Ça se bouscule déjà.
Pour notre part, nous persistons à penser que la vie est ailleurs. Et que tout se paye du moment qu'on ne se contente pas de s'abstenir.
Rien de bien neuf depuis 1984.

Patriotes décomplexés en costume folklorique

dimanche 23 avril 2017

Aznavour joueur

Tu t'laisses aller
On a parfois reproché à cet excellent acteur de cinéma qu'est Charles Aznavour de posséder une technique de chant irréprochable pour la mettre au service d'un déplorable manque d'émotion.
Sans pour autant négliger le fait qu'il est un auteur compositeur émérite.

Pour contredire cette opinion un peu injuste sur le petit homme aux huit cent chansons, voyez ce petit film de 1965.
Diction remarquable, piano swinguant en diable et œil goguenard dans ce petit bijou redécouvert grâce à la série consacrée à Guy Debord des Chemins de la philosophie sur (ce qu'il reste encore de) France Culture.

jeudi 20 avril 2017

À vos calepins


L'Herbe Tendre a cinq ans. En conséquence, l'Herbe Tendre aimerait partager un verre pour fêter ça. D'ailleurs, l'Herbe Tendre ne voit pas ce qu'il y aurait de plus passionnant à faire ce jour là. À moins que...
L'Herbe Tendre aime les bals musettes, le rockabilly, le folk transnistrien et les lampions. Car l'Herbe Tendre est souvent d'un passéisme crasseux.
L'Herbe Tendre donne rendez-vous aux aminches. L'Herbe Tendre fera donc des crêpes. L'Herbe Tendre veut guincher en attendant la mort. L'Herbe Tendre aime la valse, le be-bop et le pogo. Si l'Herbe Tendre ne peut pas danser, elle ne veut pas faire partie de votre révolution. L'Herbe Tendre vomit les tièdes. Certes, l'Herbe Tendre est parfois cuistre mais jamais vulgaire. L'Herbe Tendre a invité ses potes muzicos. Et a une riche sélection de disques.Vous n'aurez donc aucune excuse de ne pas venir agiter votre séant en rythme et partager un verre avant de repartir pour cinq années de deuil.
On vous attend donc le 7 mai 2017 dès 16h à l'Atelier Idéal (i.e. La Chapelle) au 36 rue Danièle Casanova (Métro Canal du Midi ou Compans-Cafarelli) 31000 Toulouse.

On peut aussi amener à grignoter.
Et on tâchera de ne pas démériter face à Helzapoppin


Et comme un bonheur n'arrive jamais seul l'émission de mai de l'Herbe Tendre se fera le lendemain, lundi 8 mai à l'heure habituelle (canalsud.net ou 92.2).
Le thème, d'actualité, sera Lendemains qui chantent et qui déchantent

Afin de mieux préciser notre propos, une chanson de ce bon vieil Eugène Pottier (auteur d'un tube immortel) qui décrit l'état des lieux que nous balaierons dans tous les sens du terme. 
Ça s'appelle L'antropophage (clic) ici interprété par une troupe de caf' conc', l' Œil du Silence (Olivier Copin, Aurélia Marceau et Christophe Seval) dans un spectacle entièrement consacré au père Ugène.
Extrait :  
Je suis la vieille anthropophage
Travestie en société ;
Les deux masques de mon visage
Sont : Famille et Propriété.
L’homme parqué dans mon repaire
Manque à ses destins triomphants ;
Je le tiens, j’ai mangé ton père
Et je mangerai tes enfants !‎


Et puis, de beaux lendemains illustrés par le tube en question par Oyoun Al Kalam. "Il n'est pas de sauveur suprême, ni dieu, ni césar, ni tribun..."
Un chaleureux salut aux camarades de Tunisie et d'ailleurs.  
 

lundi 17 avril 2017

Le Chanson Boum ! de Michelle Senlis

Claude Délecluse et Michelle Senlis (1994)
Un soir de novembre 2016, George Wilhelm Ferdydurke nous signala cette émission de Chanson Boum !
Commentaire de l'esthète : on ne comprend quasi rien à ce que tente de marmonner Michelle Senlis à travers je ne sais combien de dentiers, mais c'est de la pure balle (et incroyable que ce genre de truc puisse être diffusé à la radio fin 2016 !)
Née en 1933, auteur et parolière grande admiratrice de Francis Carco, elle a donné des chansons à Édith Piaf, Jean Ferrat, Juliette Gréco, Catherine Sauvage, Georgette Lemaire, Hugues Aufray, Germaine Montéro et même Léo Ferré. Et on ne cite là qu'une brochette des plus connus.
En 1956, avec son amie Claude Délecluse, elle avait écrit Les amants d'un jour.
Elle raconte donc ça et bien d'autres choses encore.


En sus, son grand succès repris par un chantre de la chanson prolétarienne


vendredi 14 avril 2017

La vie infortunée de Robert Foulcan

Hélicon ramassé chez Pop 9 (Wieznak, 1962)
Posthume postérité pour le roi des calembours, des allitérations et de la scoumoune.
Robert Jean-François Joseph Pascal Lapointe est né à Pézenas le 16 avril 1922.
Gagman dès l'enfance et petit génie des mathématiques, il est raflé pour le STO en 1943 et s'en évade sous le doux  pseudonyme de Robert Foulcan avant de se planquer comme scaphandrier au port de La Ciotat.
En 1946, il monte à Paris avec femme et enfants pour ouvrir un commerce de layettes. Vu le physique du patron, on se doute que le petit commerce périclite promptement. Depuis quelques temps, il écrivait des chansons à nulle autres pareilles et, en 1954, l'accordéoniste de Bourvil lui emprunte Aragon et Castille pour un film. Voilà notre balèze lancé dans les cabarets et remarqué par Truffaut qui l'embauche pour une séquence de son film Tirez sur le pianiste, en 1960. La scène avec Aznavour au piano accompagnant Avanie et framboise vaudra à Boby le titre de "premier chanteur sous-titré".

Cet extrait du film donne une bonne idée de son jeu de scène : une grosse brute bourrue chantant des absurdités.
Embarqué en tournée par son copain et compatriote héraultais Brassens, un duo avec Anne Sylvestre et quelques apparitions chez le regretté Jean-Christophe Averty lui assurent un succès d'estime. Manifestant une authentique vocation commerciale, il ouvre son cabaret, le Cadran Bleu, qui coulera corps et bien le laissant couvert de dettes.
Entre temps, tout à son amour des maths, il invente le système bibi-binaire, ancêtre du langage informatique. Comme ses collègues de cabaret, ringardisé par la vague yé-yé, il tourne des petits rôles dans une dizaine de films : le chauffeur des Choses de la vie et le gorille à la mitraillette de Max et les ferrailleurs, c'était lui.
Régulièrement remis en selle par ses amis Brassens, Pierre Perret ou Joe Dassin, il meurt d'un cancer foudroyant à cinquante balais.
À partir de là il connaît renommée, reconnaissance et hommages mais on cherchera en vain un successeur digne de son art bordélique.
Autre de ses irruptions télévisée : Tube de toilette issu de l'album Comprend qui peut (1969).


mardi 11 avril 2017

Variation fébrile

Otis au turbin

Né en 1937, Little Willie John (William Edward John, de son vrai nom) enregistra ce titre écrit par Otis Blackwell et Eddie Cooley en 1956.
Grand amateur, de country et de blues, Blackwell, encouragé par un autre forçat de la chanson, Doc Pomus, fut un des rares Noirs à avoir écrit pour des rockers blancs comme Jerry Lee Lewis ou Elvis Presley. On lui doit, entre autres perles Great balls of fire, Don't be cruel ou Daddy Rolling Stone, accompagnées d'un petit millier d'autres.
Son Fever créé par le jeune Little Willie John sera un tel succès dans le monde du rhythm 'n blues que plusieurs autres artistes en enregistreront quelques plagiats plus ou moins dissimulés comme Pneumonia de Joe tex (qui aurait écrit les paroles originales de Fever et les aurait revendues pour 300 dollars) ou She makes my blood run cold de ce filou de Ike Turner.
Mais le gamin turbulent qu'était Little Willie se fera souffler la renommée par une chanteuse de jazz de chez Capitol records qui reprendra le titre en 1958 en modifiant les paroles et le ton général. De fait, la plupart des auditeurs croiront que Fever est une création de Peggy Lee.
Rendons donc justice au premier chanteur qui, comme dans tout blues exemplaire, finira une vie de dégringolade en taule à 36 ans.

Propulsé par Peggy Lee, Fever connut plus de 200 reprises dans les langues les plus diverses.
Il semble qu'en français, la première adaptation, assez parodique et potache, fut de Boris Vian pour une chanteuse et actrice méconnue en France mais qui fera une belle carrière en Allemagne, Caterina Valenta.
Ça s'appelait 39 de fièvre :



Bien entendu, Claude Nougaro ne pouvait se contenter de cette version. Il signera une nouvelle adaptation en 1965 pour un 45 tour, Sing Sing song, qui inaugure sa fructueuse collaboration avec Maurice Vander.
"Docteur", ou comment passer du burlesque à la tragédie.

samedi 8 avril 2017

Guy Marchand en Ruy Blas

Le flic violent de garde à vue (1981)
Contrairement à certain prix Nobel, il est des crooners qui vieillissent plutôt pas mal.
Même si on ne sait pas vraiment ce que vaut l'album Folk you (2015) signé par Guy Marchand et Kim Kapone (qui ça ?) mais on a fort apprécié cet extrait dans lequel le vieux séducteur s'essaye à un extrait de Ruy Blas. Pièce qu'il avait déjà interprété sur scène. Oui, il y a des moments où Victor Hugo est incomparable.  

On retrouve dans ce clip Guy Marchand (chant), Olivier Dambezat et Alexandre Morier (guitares), Abdenour Notouri (contrebasse), Jean-Philip "Pee Wee" Steverlynck (violon et Samuel Bobin (batterie).

mardi 4 avril 2017

Avril : un peu d'amours ratés dans ce monde de brutes

Il est des jours où Cupidon s'emmerde (Raphael-détail-1513) 

Comme l'affirment certains, les histoires d'amour finissent mal, en général.
C'est ce que nous nous sommes attachés à démontrer. Au menu :

Juliette Gréco                         Un petit poisson....
Thomas Fersen                       La chauve-souris
Mouloudji                               Les petits pavés
Jean Sablon                            Vous qui passez sans me voir
Bobby Lapointe                      Le petit homme
Carla Bley                              India song
Marie Laforêt & Guy Béart   Frantz
Jacques Douai                        File la laine
Anne Sylvestre                       La nonne par contrainte
Oxmo Puccino                        Amour et jalousie
Jean-Luc Debattice                 Suicide en partie double
Katerine                                 Excuse-moi
Patachou                                Vos yeux cachous
Marc Aryan                           L'amour au chômage

À poadcaster ou écouter à l'endroit habituel.

Accompagné d'un deuxième traditionnel franc-comtois

 Et d'une petit annonce. On vous y espère :

samedi 1 avril 2017

Du free jazz et de l'institution militaire


Contrairement à nos habitudes, voici un peu de free jazz déclamatoire.

Mobilisation Générale est une compilation de protest-jazz réunissant des titres plus ou moins oubliés et enregistrés entre 1970 et 1976 sortie chez les infatigables fouineurs de Born Bad Records.
C'était le temps où l'Art Ensemble of Chicago tournait en France et accompagnait Brigitte Fontaine sur Comme à la radio. On y retrouve aussi le duo Fontaine / Areski sur leur tube C'est normal. Les autres sont soit de vieilles connaissances, comme Archie Shepp, soit des plus obscurs : Michel Roques, Pharaoh Sanders, Alfred Panou, Béatrice Arnac...
Quinze ans avant l'anarcho-punk, on posait un tapis musical y pour balancer des textes allant d'une incontestable poésie à une pure lecture de tracts, inspirant au passage quelques-uns des groupes de rock les teigneux du moment (MC5, Rocket from the tomb..)
Il s'agit certes de free jazz mais ça annonce bien des genres qui ne seront populaires que bien plus tard, à commencer par l'afro beat qui ne deviendra rentable, pour les maisons de disque, qu'avec la diffusion de Fela Anikulapo Kuti.
Typiquement représentatif, Attention l'armée, joué et amélioré par le Collectif Le Temps des Cerises depuis 1969. Sur ce titre Kirjuhel (chant) Carlos Andreu (guitare), Jean-Jacques Avenel (contrebasse), Philippe Castellin (textes), Antoine Cuvelier (trombonne), Denis Levaillant et Christian Ville (percus), Robert Lucien (batterie), Jean Méreu (trompette), Super P4 (saxo). Atarpop 73 serait le nom des graphistes.

 

Ce titre aurait été enregistré par Jean-Pierre Turola en 1975. 
Entre 1969 et 1975, on était passé de l'hypothèse d'une intervention militaire en 1968 (suite à l'escapade de de Gaulle à Baden-Baden), à la lutte contre le camp militaire du Larzac (Hé toi, avec ton char qu'est ce que tu fous dans mon champ ?), aux comités de soldats, à l'essor des mouvements d'objecteurs et d'insoumis mais aussi au coup d'état au Chili ou à la révolution portugaise.  
Un temps où l'institution militaire ne faisait pas vraiment rêver. Elle n'aurait alors pas eu l'idée de s'afficher sur des publicités et, malgré ou à cause du service militaire obligatoire, elle se faisait plus discrète. L'idée de s'engager, pour un jeune au chômage se concrétisait plutôt en Angleterre où la conscription ayant été supprimée en 1960. Là-bas, certains pauvres partaient servir de chair à canon en Irlande du Nord.
Autre exemple de ce rejet, Mahjun avec "Nous ouvrirons les casernes". Encore raté, le ministère en est à les revendre aux collectivités locales...