lundi 2 janvier 2017

Dranem, crétin lunaire


Armand Ménard est né (1869) et mort (1935) à Paris.
Après une suite de petits boulots et son service militaire, il fit ses débuts à l'Electric-Concert, au champ de Mars, comme "chanteur comique" le 1er avril 1894, sous le nom de Dranem (anagramme de Ménard). Deux jours plus tard, son cachet était réduit de moitié.
Ses débuts furent plutôt laborieux dans le genre comique troupier, style censé accompagner la reconquête de l'Alsace - Moselle.
En 1896, ayant déniche au puces du Carreau du Temple une petite veste étriquée, un pantalon trop large et trop court, jaune rayé de vert, d'énormes godasses sans lacets et un petit chapeau bizarre, le voilà doté d'un nouvel uniforme. Joues et nez maquillés de rouge, il entrait en scène en courant, comme poursuivi. Il s'arrête devant le trou du souffleur et chantait les yeux fermés, qu'il ne rouvrait que pour simuler la frayeur de débiter pareilles incongruités. Ce fut un triomphe !
Son grand comique découlait du fait qu'il chantait de navrantes énormités sans, semble-t-il, s'en rendre compte, comme si ce que l'on demandait de chanter était la chose la plus importante au monde. Et voilà notre crétin national atteignant la fantaisie d'un Buster Keaton.
En 1905 a enregistré cinq phonoscènes, appareils ancêtres du scopitone qui tentaient de coordonner l'image de cinéma à l'enregistrement phonographique.   
Le voici en démonstration de jiu-jitsu :



Autre particularité du bonhomme : sans être un chanteur proprement homosexuel, il a laissé quelques airs "interlopes" qui sont restés dans la mémoire collective des pas encore gays. Les plus célèbres furent incontestablement « Henri, pourquoi n’aimes-tu pas les femmes ? » ou «Le trou de mon quai » pourvu de nombreuses contrepèteries ou allusions à peine voilées.
Même si elle ne fut pénalement criminalisée que sous Vichy (et ce, jusqu’en 1981), l’homosexualité, à l’époque, ne pouvait être abordée que sous l’angle de la dérision et de manière non explicite pour ne pas choquer les âmes prudes. Dranem s’était donc fait une spécialité de chansons décalées, souvent à double entendement.


Au cours de la Grande Guerre, versé au théâtre des armées : il va chanter dans les hôpitaux. Puis, en 1918, conscient que le music-hall a fait son temps, il se tourne vers le théâtre, l'opérette et le cinéma et devient vite le grand premier comique aux Bouffes-Parisiens (entre autres).
Le chanteur idiot disparaît pour laisser place à un virtuose de l'opérette, genre qui déplaçait alors les foules populaires.
Il jouera donc dans plus de 20 opérettes et 12 films, généralement des nanars, dont un du jeune réalisateur Claude autant-Lara (Ciboulette, 1932).

Le revoilà dans "Chanson sinueuse"


Il meurt en 1935 et est enterré dans le jardin de la maison de retraite qu'il avait fondée pour ses camarades artistes en 1911, la "Fondation Dranem", à Ris-Orangis.

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