vendredi 30 septembre 2016

Brel et quelques suiveurs

Dans des chapitres précédents, nous avons vu à quel point Amsterdam de Brel a fait une belle carrière chez rockers et folkeux anglo-saxons (Bowie, Bailey, Van Ronk, etc.).
Un autre titre du grand Jacques connut et connaît encore un beau destin du côté des screamers et des crooners : Au suivant, écrit en 1964.
Est-ce dû au côté théâtralisé à outrance des paroles de la chanson? À une identification aisée à faire avec ce jeune homme de 20 ans, largué dans une situation incontrôlable ? Broyé qu'il se trouve entre l'institution militaire, misère sexuelle, sa solitude dans la foule et perte de pucelage, tous thèmes assez récurrents dans le rock ? À cette musique de faux tango saccadé assez facilement transposable ? Ou à un peu tout ça en même temps... ?
Pour se faire plaisir, un rappel de l'original.



Nick Cave, talentueux mégalomane (c'est pas très aimable mais qui a vu le film qui lui est consacré comprendra ce qualificatif), en fit une version tout à fait énervée sur scène. Tiens, il est moustachu ?


Où on constate que notre Australien a repompé les arrangements sur les petits gars de Glasgow du Sensational Alex Harvey Band. Mais il s'en cache tellement peu qu'on suppose que Sa Majesté Nick fait là un hommage non dissimulé.
Comparez, c'était en 1973 sur leur deuxième album justement titré "Next". 
Une superbe version du même morceau par des mêmes en live et en studio était déjà disponible à cette page.
On signale aux amateurs de l'écrivain Christopher Brookmyre (il en existe parmi cet honorable lectorat) qu'en s'y rendant,ils pourront aussi apercevoir la tête de Zak, je veux dire Zal Cleminson, le guitariste dont le maquillage inspira les masques des "malfaiteurs" du Petit bréviaire du braqueur.




mercredi 28 septembre 2016

Florelle, l'oubliée de la bande

Voici une artiste fort méconnue, marginalisée dans les mémoires de cette ribambelle de chanteuses et actrices de l'entre-deux guerres .
Ça avait pourtant bien commencé.
Elle est née Odette Rousseau (1898-1974) au sein d'une famille vendéenne montée à Paris.
Sa mère travaillait au café du bas-Montmartre La Cigale depuis 1909. C’est là qu’elle a débuté sur scène, dès l'âge de 13 ans. Elle y est notamment la partenaire d'un autre novice, Raimu, dans un sketch Le Marseillais et la Parigote. Après avoir travaillé dans divers établissements, elle part pour sa première tournée à l’étranger, en 1914, avec la troupe de L’Européen. C’est là qu’elle adopte le pseudonyme de Florelle (du nom d’un comédien de la troupe, Jean Flor). La tournée est évidemment interrompue début août à Vienne, en Autriche, par le déclenchement de la grande boucherie. Après guerre, elle est cooptée par Maurice Chevalier, avec qui elle tourne trois films au début des années 1920. Mais Florelle privilégie sa carrière au music-hall : en 1925, elle est doublure de Mistinguett, meneuse de la revue du Moulin Rouge, Ça, c’est Paris pour une tournée en Amérique du Sud.
Son plus gros succès: Fascination




Pendant la première moitié des années 1930, elle apparaît beaucoup au cinéma : la version française de l'Opéra de quat' sous, elle tourne de nouveau avec Pabst (L'Alantide), puis avec Robert Siodmak (Tumultes), Raymond Bernard (les Misérables), Fritz lang (Liliom) ou Jean Renoir dans l'inoubliable Crime de monsieur Lange (scénario de Prévert). 
La voici d'ailleurs dans le rôle de Valentine Cardès chantant "À la belle étoile" (de Prévert et Kosma) en 1936 :

 


En 1934, elle joue dans la comédie musicale Marie Galante de Jacques Deval, (musique de Kurt Weill) et enregistre plusieurs disques, plus ou moins liés aux films qu’elle tourne. Ils sont devenus à peu près introuvables.
Elle suspend ses activités artistique pendant l'Occupation et donne pas mal de coups de main à plusieurs personnes en situation illégale. Sa carrière en pâtira, oubliée par le public, le seul film notable où on la reconnaît après-guerre est Gervaise de René Clément. Elle se lance alors dans des affaires foireuses : un cinéma, des cafés... en Belgique, au Maroc, en Algérie et à Abidjan. Fait de la figuration épisodique à son retour en France, au milieu des années cinquante, avant d'ouvrir un dernier bistrot aux Sables-d'Olonne.
Elle retourne à Paris et meurt, ruinée, dans un hôpital psychiatrique où elle a été internée suite à un accident de circulation en 1974.
Une destinée marquée par la poisse qu'on croirait sortie d'une chanson réaliste.

dimanche 25 septembre 2016

Folie d'octobre

Le Concert dans l’œuf (Jérôme Bosch)
« Trouvez-vous une différence entre ceux qui, dans la caverne de Platon, regardent les ombres et les images des objets, ne désirant rien de plus et s’y plaisant à merveille, et le sage qui est sorti de la caverne et qui voit les choses comme elles sont ?" Érasme, Éloge de la folie (1509) 

Voulait-il dire par là que la différence entre un esprit sain et un esprit dérangé n'aurait pas l'épaisseur d'un papier à cigarettes ?
Depuis longtemps l'Herbe Tendre se prépare à aborder les rivages de la santé mentale. Crainte, magnifiée, exaltée, source de douleur ou de génie, ou des deux à la fois, la folie sera donc le thème de l'émission du 3 octobre 2016 à 18h sur radio Canal Sud.

Un Thiéfaine en plein dans le mille mais un peu trop long pour figurer décemment dans une émission d'une heure.


jeudi 22 septembre 2016

Les tueurs de la lune de miel, meilleur album belge ?

À l'origine, "les Tueurs de la lune de miel*" sont un groupe bruxellois fondé par Yvon Vromman, Gérald Fenerberg et JF Jones Jacob, en 1974 pour aller explorer le monde de la "délinquance musicale" : parodie et déconstruction de chansons, de rockabilly, free jazz, punk, d'hymne national (la Brabançonne mise en pièce) et de fanfares de fêtes.

Ce noyau de base enregistre son premier album, Special manubre, en 1977.
Puis fusionnant avec le groupe Aksak Maboul, ils sont rejoint par Marc Hollander, Vincent Kenis et Véronique Vincent en 1980.
C'est en alternant leur nom avec celui de "Honeymoon killers" qu'ils enregistrent leurs deuxième disque et vont rechercher le gros tube du côté de chez Charles Trenet.
S'ensuit un gros succès radio accompagné d'un clip artisanal, désargenté, qui ne vieillit pas trop mal :

  

Ce deuxième album sera déclaré "meilleur album de rock belge de tous les temps" par le magazine MoFo et figure dans la liste des 10 meilleurs albums belges de l'histoire, du magazine Le Vif/L'Express. Fallait oser.
Le groupe s'est séparé en 1985 et Yvon Vromman disparaît en 1989.
En 2014, Véronique Vincent et Askak maboul sortent Ex-Futur Album, constitué à partir de bandes inédites enregistrées entre 1980 et 1983, chez Crammed Discs.
Un autre exemple de leur humour absurde, cette fois emprunté à Gainsbourg :



* Oui, en référence au film de Leonard Kastle (1970).

lundi 19 septembre 2016

Jacques Grello en meeting

Image du Blog kmalden.centerblog.net
emprunté à kmalden.centerblog.net 

Né à Vierzon, grand amateur de dive bouteille, le père Maurice Mac Nab avait parfois la dent un peu dure pour les classes qui bossent. 

Dans ce classique immortel de 1887, "Le grand métingue du métropolitain", repris ici par Grello, un prolo plutôt assoiffé narre un rassemblement agité au prétexte de la construction du métro parisien. 
Petits rappels :
La grève de Vierzon est celle de chez Bernardon, patron la "Société française de matériel agricole et industriel" qui eut un retentissement national en 1886.

Émile Basly, ancien mineur et patron d'estaminet à Valenciennes, a servi de modèle à Zola pour son personnage de Lantier. Il finira maire de Lens, puis député du Pas-de-Calais de 1891 à 1928. Non sans s'être durement affronté à Benoît Broutchoux, secrétaire de l'Union Syndicale des mineurs et anarchiste, dans les années 1902/ 1910.  
Zéphirin Camélinat, ancien communard, ami de Proudhon, passera à la SFIO en 1885. Il sera même député de Paris de 1885 à 1889 avant de devenir fondateur du Parti Communiste au congrès de Tours en 1920. Candidat à l'élection présidentielle de 1924, il meurt huit ans plus tard.  


Piquet de grève en 36 (trouvé dans l'excellente série du CRAS)
 

vendredi 16 septembre 2016

Jecqueline Taïeb s'y reprenait à deux fois



Jacqueline Taïeb est née à Tunis en 1948.
Après un début de carrière en fanfare en 1967 avec 7h du matin puis Qu'est ce qu'on se marre à la fac (t'en veux, du prémonitoire ?) elle disparaît des écrans non sans avoir tenté plusieurs retours, tous plus foireux les uns que les autres.
Elle a tout de même enregistré un Dégage song plein de bonnes intentions en 2011, en hommage à la révolution du jasmin.
Horreur ! Son premier tube, une aimable kitcherie, étrange mélange de chant yé-yé soutenu d'une rythmique garage impeccable, se retrouvera utilisé par au moins trois publicités (merci wiki, parce que moi, la télé..)

Mais la jeune fille avait depuis longtemps usé son 45 tour jusqu'à la corde. 
Et à l'instar de quelques collègues (Nino Ferrer, Aznavour, Mireille Mathieu) elle s'est elle-même reprise dans une autre langue pour percer à l'étranger.
Ça a évidemment raté mais ça a donné cette chose assez particulière :

mardi 13 septembre 2016

Daniel Denécheau en jâse musette

Ophélia et Daniel
On l'a ici d'abord découvert en complice de Patrick Denain, puis on a appris que le bougre pratique des instruments plutôt spéciaux. Sa découverte du vieux style musette parisien, lors de ses recherches au sein de l’association des Musiciens routiniers sur les musiciens auvergnats émigrés à Paris, lui a fait découvrir l'accordéon diatonique mixte (ce qui signifie donc à moitié chromatique) dont il est l’un des rares représentants.
Il est à l'origine du groupe Jâse Musette.
Leur originalité : avoir recréé la formation typique des bals musette parisiens des années 30. Pour cela ils reprennent le tout premier répertoire musette et utilise les mêmes instruments, certains étant d'époque. Il sont même le seul groupe à le faire aujourd'hui.
Tout ça est raconté dans une passionnante émission d'Héléne Azera du 27 mars 2016:
Si ça s'affiche mal ou pas, c'est ici-même.
Les Jâse Musette sont :
Daniel Denécheau : accordéon diatonique mixte
Robert Santiago : Jâse (batterie ancienne), chant, accessoires (jazzoflûte, pipeau, ocarina, flexatone, tôle...)
Denis "Scotch" Gérard : banjo
Ophélia Bard : chant, bigophone, percussion
Et selon le cas
Pour la partie swing-musette, manouche : Jean Claude Laudat : accordéon chromatique et Jean Yves Dubanton : guitare
Pour la partie auvergnate :Michel Esbelin : cabrette.

vendredi 9 septembre 2016

Série de gigolos

Schöner Gigolo est à l'origine un tango viennois écrit par l'auteur d'opérettes Julius Brammer et le violoniste Leonello Casucci. Selon la contrée, les paroles  racontent l'histoire, soit l'errance d'un officier de hussards après la défaite de l'Autriche en 1918, soit celle d'un officier russe, exilé après la Révolution, qui survit en faisant le taxi-boy ou le gigolo.

 
Sortie en 1929, la chanson est traduite dès cette année là en italien. L'année d'après c'est au tour du français avec des paroles d'André Mauprey sous le titre C'est mon gigolo.
Il laisse tomber l'histoire du militaire pour en faire la complainte d'une femme accrochée à son salaud, thème récurrent de la chanson dite réaliste.
Si la première interprété en France fut Irène Bordoni, on a tout de même un gros faible pour la reprise de Damia.


Irving Caesar signe l'adaptation aux États-Unis en y revenant aux mésaventures d'un officier déchu, ce coup-là, français (déjà !).
Mais la version immortelle restera celle du chanteur de swing de la New Orleans, Louis Prima, enregistrée en 1943 pour le bon moral l'armée. Il va transformer la version originale en y incorporant un blues des années 1930, I ain't got nobody.
On ne résiste pas au plaisir de passer un (faux ?) live d'un Prima qui trouillote quelque peu du goulot. Du moins si on en juge par l'air plutôt surpris de sa choriste et future épouse, Keely Smith

mardi 6 septembre 2016

Septembre : Chansons violentes

Mods et rockers en week-end à Brighton
Émission insoutenable qui nous a laissé sidérés.
Comme on dit de nos jours.

Générique surprise
Les Shériffs                À coup de battes de base-ball
Béruriers Noirs          Chromosome Y
Gérard Manset           On ne tue pas son prochain
Germaine Montéro     La complainte du Bon Pasteur
Juliette                         Les tueuses
MM                              La violence
Dick Annegarn            Robert Caillet
Julos Beaucarne          Lettre à Kissinger
Pino Masi                    La violenza
Mise en Demeure        Violence légitime, mon oeil
Eugéne Mora              Bwa Brûlé
Noêl Akchoté              Josquin Baston
Renaud                       C'est mon dernier bal

On peut donc écouter et télécharger à cette adresse.
Une chanson violente par essence : un titre mythique des Métal Urbain, joué la première et dernière fois à la télévision à l'émission "aujourd'hui Madame" en 1978.



En supplément un classique de l'anarcho-punk.
Ce qui est bath chez Conflict, c'est qu'ils ont toujours l'air de déclamer un manifeste.

samedi 3 septembre 2016

Rimbaud (4) par Komintern

Recto (de Diego Rivera) et verso du LP
Comme son nom ne l'indique pas, Komintern fut un groupe de rock "progressif" né en 1971 d'une scission de Red Noise et de la rencontre de Francis Lemonnier avec une bande joyeusement hétéroclite. 
Ils étaient donc :  Francis Lemonnier (Saxophone et Chant, ex Red Noise), Serge Catalano (Batterie, ex Red Noise), Olivier Zdrzalik-Kowalski (Basse, chant et futur Malicorne), Michel Muzac (Guitare) et Pascal Chassin (Guitare)
Leur genre musical empruntait au free-jazz et au rock de l’École de Canterbury (une bande de dadaïstes). Ils étaient par ailleurs assez proches du groupe Gong. Provocateurs et contestataires, ils ont utilisé la parodie, la dérision et une mise en scène théâtrale dans leur musique comme dans leurs concerts. Avec d’autres groupes (Lard Free, Barricade), ils avaient créé le Front de Libération de la Rock-Music (après le FLIP, Front de Libération International de la Pop) mouvement totalement éphémère.

Leurs deux seuls enregistrements sont de 1971 : le LP "Le bal du rat mort" et le 45 tour "Fou, roi, pantin". 
Ce morceau, qui conclue le 33 tour est une version du poème de Rimbaud "Paris se repeuple" dans lequel le poète dégueulait sur la bourgeoisie parisienne en réponse aux massacres de la Semaine Sanglante.  


Après avoir accompagné la pièce de Fernando Arrabal Bella ciao La guerre de 1000 ans en 1972, le groupe sera petit à petit déserté par ses membres.
En 74, Francis Lemonnier écrira deux chansons pour le disque Pour en finir avec le travail, produit par Jacques Le Glou et les Éditions Musicales du Grand Soir (FPL1 0054, distribué par RCA). Il s'agit de La Java des Bons-Enfants (paroles G. Debord) et de La vie s'écoule, la vie s'enfuit (paroles R. Vaneigem). Mais ça, on vous en a déjà causé ailleurs...