jeudi 25 avril 2024

Du passé et du tourisme de masse

 

Ce qui ne se visite plus

Cédons exceptionnellement au lamentable exhibitionnisme des réseaux sociaux en donnant quelques conclusions sur un récent déplacement.
Il sera ici question de le province de Biscaye (en local, Bizkaia) vue comme symbole de la manière dont le spectacle (au sens situ du terme) étend sa griffe sur toute terre immergée.
Déjà, la capitale, Bilbao. On a déjà évoqué le sort de l'ex forteresse ouvrière, les chantiers navals Euskalduna qui ont dû céder la place, non pas comme on l'avait abusivement écrit au très bourgeois musée Guggenheim mais à un immonde palais des congrès, manière d'effacer une bonne fois pour toutes l'histoire du peuple travailleur.  

Toutefois le Guggenheim et son monde ont parfaitement rempli leur office.
Ainsi, quelle n'a pas été notre surprise et tristesse de constater que l'embouchure du Nervion se voit encombrée par des paquebots de croisière déversant des milliers de consommateurs sur la ville.
Et, comme ailleurs, spéculation et Rbnb ont fait leur oeuvre. Ainsi, la région côtière est-elle constellée de protestations contre les conséquences de la soi-disant culture et l'augmentation de 30 % du tourisme.
Mais le plus beau reste à venir.
Tout près de la pointe du cap Matxixako, entre Bermeo et Bakio, se trouve un charmant îlot, le Gaztelugatxe, relié à la terre ferme par une antique chaussée régulièrement submergée. Un ermitage du IXème siècle orne le rocher. Il fut un temps où il suffisait de prendre un duvet (les nuits sont fraîches) pour passer une nuit dans ce cadre magnifique. Mais depuis que les petits génies de la série Game of Thrones ont eu l'idée de tourner dans ce charmant paysage, il faut compter entre quatre et cinq mois d'attente, en réservant par le net, pour avoir l'insigne avantage de s'entasser sur le lieu du tournage.
On sait bien que c'est partout pareil mais on ne peut s'empêcher d'une bouffée de nostalgie du temps où ces terres regorgeaient de prolos rebelles ou de délinquants énervés.


Allons faire un tour à l'intérieur des terres. À Gernika où le Condor passa (milesker Pott).
Depuis Picasso, chacun sait que ce bourg fut rasé par l'aviation nazie le 26 avril 1937.
Ce qui est nouveau est qu'après une relative (très relative) discrétion sur ce massacre, il est devenu ce qu'il faut, hélas, bien nommer l'argument principal de l'attraction touristique locale.
Le "Condor tour" comprend des reproductions du tableau de Picasso, des photos d'époques du désastre disséminées dans le centre-ville, un inévitable mémorial, des abris anti-aériens (Sans dec', y'avait des abris à Gernika ???) et une superbe statue de gudaris (soldats basques) dans le plus pur style réaliste socialiste.


Comprenons-nous, on n'a rien contre la mémoire historique, bien au contraire.
Mais transformer une ville moyenne en nécropole touristique ne comporte-t'il pas une certaine part d'obscénité ?
En tout cas, de quoi rendre furieux l'office de tourisme de Durango, ville distante d'une grosse trentaine de kilomètres. Durango fut, elle aussi, copieusement bombardée par l'aviation fasciste mais, manque de bol, n'étant ni siège de réunion historique ni sujet d'une peinture célèbre, désolé les gars, va falloir trouver autre chose pour attirer le chaland !
Comme tout n'est pas négatif, le moment comique est venu de la campagne des élections régionales. Certains partis utilisent encore des bagnoles munies de haut-parleurs pour balancer leur propagande. C'est lorsqu'on croise simultanément un cirque en tournée usant du même dispositif qu'on est devenu franchement hilare. 
Jamais l'expression "cirque électoral" n'avait mieux justifié son existence.

lundi 25 mars 2024

Un an déjà !

 


Communiqué n°7 : Un an après

Le 25 mars à Sainte-Soline ne sera jamais un anniversaire que l’on célèbre. Loin d’une victoire politique, cette date rappelle plutôt le carnage que l’Etat français a perpétré à l’encontre de celles et ceux qui avaient fait le choix de lutter. 
 
Mais certains récents événements nous ont permis de nous réjouir et de fêter ça ensemble. Le S, après un échec d’opération due à une infection en octobre dernier, a été de nouveau opéré. L’objectif de l’opération (cranioplastie) était de reconstituer la boite crânienne percutée par la grenade.
 
Tout s’est bien déroulé et le S a de nouveau un crâne opérationnel ! C’est une étape-clé dans son processus de reconstruction qui a été franchie. Il continue à récupérer chaque jour des aptitudes, au prix d’efforts de rééducation importants. De lourdes séquelles persistent, mais sa détermination et la solidarité qui la nourrit nous renforce dans ce qu’on a défendu depuis le début : le refus de s’écraser. Preuve s’il en fallait qu’il ne faut jamais rien lâcher, quelle que soit la force des puissants. En être ici un an après la tentative de meurtre, ça donne l’impression de sortir vainqueur d’une défaite !
    
À l’heure des bilans, que tirer de Sainte-Soline ? La manifestation du 25 mars 2023 a été l’occasion pour nombre d’entre nous de participer à un élan collectif puissant autour du refus en acte de céder, ne serait-ce qu’un pouce de terrain, aux intérêts capitalistes, ici contre un projet d’accaparement de l’eau au profit d’une industrie agraire faiseuse de cancers, de pauvres et de sécheresses. Tandis que certaines fractions politiques ont fait de la lutte contre les grands projets un programme à long terme pour la constitution d’un camp social-démocrate que nous gerbons, nous y avons participé principalement pour ce que ce moment représentait : une reprise d’initiative en faveur de la force collective. 
 
En effet, fort du succès de la première manifestation, le deuxième acte de Sainte-Soline avait la particularité de faire écho à ce qu’il se passait dans la rue alors. Le mouvement contre la réforme des retraites avait connu un regain d’intensité après le 49.3 et les manifestations de rue, inondées de gaz lacrymogènes, s’échappaient peu à peu du nuage soporifique que les directions syndicales avaient installé depuis le mois de janvier. 
Sainte-Soline s’est transformé en enjeu symbolique et un symbole se défend souvent au canon. L’Etat ne voulait pas perdre la bassine, parce qu’il ne voulait pas perdre la face. S’en est suivie la démonstration d’un corps militaire surarmé, qui avait pour instruction de mutiler les corps et les esprits, dans un affrontement asymétrique, en rase campagne, depuis une position en hauteur. Notre camarade a échappé à la mort grâce à la détermination de celles et ceux qui l’ont protégé et soigné, sous le regard goguenard des militaires. Nous n’oublierons pas.
 
Depuis mars 2023, rien n’a cessé. Les démonstrations de force se sont succédé. Tout est symbole. L’Etat impose la terreur partout où il passe et convoque le pire pour nous convaincre de lui laisser le champ libre. Nous ne pourrons pas ici énumérer toutes les personnes, dans les cités ouvrières principalement, à qui la police a enlevé la vie depuis mars 2023. Les révoltes après l’assassinat à bout portant de Nahel ont reçu comme réponse immédiate la puissance de feu des équipes tactiques de la flicaille. Au lendemain des assauts des jeunes prolétaires contre les blindés et les fusils à pompe, l’Etat n’avait qu’un mot à la bouche : la discipline contre les prolétaires, jeunes et moins jeunes. Il veut une population aux ordres, pour que la classe se tienne sage. Il ne parle que de guerre prochaine et de sécurité, à grand renfort de coups de communication patriotiques, de financement du SNU et de répression tous azimuts. À entendre ses représentants, échapper au destin funèbre dont nous sommes témoins en plusieurs endroits du monde ne tiendrait qu’à notre soumission aux ordres.
 
Aujourd’hui, difficile de parler de la terreur d’Etat sans évoquer le massacre au grand jour des Palestiniens par l’Etat israélien. Pour rédiger ce communiqué, nous avons beaucoup discuté de la manière, et même de la pertinence, de lier dans un seul texte, un retour sur Sainte-Soline avec la colère sourde qui nous tient quand nous portons notre regard sur cet épisode et sur d’autres, constitutifs d’une situation internationale terrifiante. 
Il ne s’agit pas de comparer ces situations pour produire des équivalences, mais d’essayer de les lire à partir d’une même lunette, celle de la gestion prévisionnelle de notre répression. Le génocide des Palestiniens de Gaza signale aux prolétaires du monde entier ce que les gouvernants sont capables de faire, en chœur, pour le maintien de leur classe. C’est une blessure mondiale qui nous renvoie à notre impuissance.
 
Voilà le sale boulot des Etats : ils savent que, par leurs ravages et leurs carnages, ils produisent des traumatismes et s’en frottent les mains. Ils nous veulent saisis d’effroi et savent profiter de ce moment pour avancer encore, toujours plus, pour leur profit et vers notre écrasement. 
 
Mais ce monde n’est pas réductible à leurs calculs glacés. Nous qui sommes des milliards, nous les exploités, avons aussi un langage qui nous est propre et s’invente au gré des luttes. Il parle de solidarité, de force collective et de victoires, y compris dans les moments les plus sombres de leur Histoire comme aujourd’hui. Il permet aussi de désigner un horizon : celui d’une révolution mondiale, seule visée suffisamment ambitieuse pour gagner la puissance de libération nécessaire à la mise en PLS de ce monde de merde !
 
On ne lâchera pas l’affaire. 
 
Les camarades du S
 
PS : 
Après les épreuves traversées, nous souhaitons produire un bilan des Camarades du S pour paver le chemin de la résistance aux répressions qui jalonneront nos luttes. Pour y parvenir, nous serions intéressés par des retours critiques de la part de ceux et celles qui ont suivi et participé, de près ou de loin, à cette initiative. 
Vous pouvez envoyer tout témoignage, texte, réflexion ou analyse en ce sens à l’adresse      « s.informations@proton.me ».


jeudi 29 février 2024

Crever de faim pour la propriété et sa gracieuse Majesté

 


Il est bien connu qu'une famine a ravagé l'Irlande au XIXème siècle, particulièrement entre  1845 et 1852.
On estime que cette disette fit la bagatelle d'un million de morts et en poussa un autre million à émigrer vers l'Amérique ou l'Australie.
L'île ne retrouvera un équilibre démographique qu'en...2022.
Mais quels furent les responsables ? Le mildiou qui ravagea la pomme de terre, principal aliment des fermiers pauvres ? La rapacité des propriétaires terriens qui expulsèrent à tour de bras ? La colonisation britannique qui avait morcelé les terres en guise de représailles et qui laissa crever ces "papistes" dans une indifférence flagrante tout en continuant d'exporter des aliments (détail piquant: seule la nation amérindienne Choctaw envoya des secours en Irlande. Entre occupés...) ? Le capitalisme libéral qui n'intervint en aucun cas ?
Un peu de tout cela à la fois.
Mais ce dénuement alimentaire ne fut pas plus "naturel" que celui qui sombra sur l'Ukraine en 1933 ou toute autre famine de ces deux derniers siècles. 
Une intéressante émission du "Cours de l'histoire" revient sur cette multiplicité de facteurs en compagnie des historiens Fabrice Bensimon et Karina Bénazech Wendling.
On peut l'écouter  en cliquant sur ce lien.
 
Cette tuerie a bien entendu laissé des traces dans la mémoire collective. 
Dont cette ballade narrant exil et prison, Fields of  Athenry, ici par les Dropckick Murphys, irlandais de Boston (Mass.)
 

 

Et plus accusatrice vis à vis du gouvernement anglais, une chanson de Sinead O'connor simplement nommée Famine.

lundi 19 février 2024

Les assasins de la mémoire

 

Femmes du groupe Marta, Marseile, 1945.

 

Ils sont incorrigibles ! Après Sarkozy honorant Guy Mocquet, voilà-t-il pas qu'un président dont le gouvernement mène la chasse les étrangers, passe des lois abjectes, réduit les conditions de travail et de chômage en bouillie, pose un tapis rouge à des fafs même pas repentis, laisse l'Arménie se faire dépecer et j'en passe s'en va panthéoniser le résistant arménien communiste Missak Manouchian et sa compagne pour qu'il y en ait pour tout le monde.

Mais qui croient-ils tromper ces minables ?
 
Rappelons qu'entre les Juifs de diverses origines, les Roumains, les Italiens, les Espagnols de l'armée en déroute, tous enfermés comme étrangers pernicieux et indésirables dès 1939, et même quelques Français entrés dans ses rangs, les FTP MOI étaient une belle bande métèques pas vraiment propres sur eux selon les critères de cette époque.

La preuve, comme l'écrivit sous forme d'aveu le patriote professionnel Aragon, "onze ans, que cela passe vite, onze ans".
Tu l'as dit bouffi ! Onze ans durant lesquels un parti sur une ligne nationaliste et cocardière avait "francisé" les actions des FTP de la MOI pour les redistribuer à des petits gars dont le nom fleurait plus la Bretagne ou la Bourgogne.
Et ce, que ce soit à Paris (groupe dit "Manouchian") Toulouse (35ème brigade dite "Marcel Langer") Marseille (groupe Marat) ou la région lyonnaise (groupe Carmagnole).
Alors pour des internationalistes, se faire récupérer tour à tour par la France, les volte faces du parti et désormais une bande de minables managers, voilà qui fait un peu beaucoup.
Nous crachons sur vos calculs, messieurs.
Ce qui n'empêche de réécouter la grande Monique
  

 

Et de partager ce film de MOsco de 1985 dont le PCF tenta d'interdire alors la diffusion télévisée. 
Faut dire qu'il y a là quelques approximations mais qu'est ce qu'on a aimé ces vieux !
Et puis, le film de Guédiguian était vraiment trop raté.

jeudi 15 février 2024

Une chanson d'Albert Londres

 

 
Le très fameux grand reporter Albert Londres, dont le métier, selon ses dires était de "porter la plume dans la plaie",commit, outre un nombre impressionnant de reportages plus d'une vingtaine de livres tirés de ses pérégrinations.
 Il semble qu'une de ses expériences les plus marquantes fut son séjour au bagne de Cayenne en 1923 et 1927.
Certes, ce n'était pas la première plongée dans l'univers de la misère carcérale (les Bat d'Af en 1925) mais le degré de sadisme institutionnel rencontré en Guyane le rendit fervent abolitionniste de cet enfer républicain. 
Le bagne n'est pas une machine à châtiment bien définie, réglée, invariable. C'est une usine à malheur qui travaille sans plan ni matrice. On y chercherait vainement le gabarit qui sert à façonner le forçat. Elle les broie, c'est tout, et les morceaux vont où ils peuvent. (Au Bagne, 1923)
Une autre rencontre fondamentale pour lui, fut celle du forçat Eugène Dieudonné, condamné pour appartenance à la Bande à Bonnot, ce que tous les autres anarchistes avaient farouchement nié, y compris au pied de l'échafaud ou avant de tomber sous les balles. 
En 1928, il écrivit L'homme qui s'évada en son honneur et fit campagne pour la grâce d'un des rares bagnards ayant réussi son échappée.
Utilisant tous les moyens à sa portée, le journaliste écrivit même une chanson qui sortit en 1928, interprétée par Lucienne Boyer, artiste alors fort en vogue (même si ce fut édité par Columbia).
Elle fut fort à propos, intitulée La Belle :

Évadé en 1926, amnistié suite à cette campagne de presse, Dieudonné témoigna à son tour dans son ouvrage, La vie des forçats, en 1930 et joua son propre rôle dans un film du surréaliste Brunius en 1934 (Autour d'une évasion).
Achevons cet hommage à un honnête journaliste par une version nettement plus contemporaine prise en charge par les inévitables Parabellum. Bientôt 10 ans que tu es parti, Schultz, c'est fou ce que le temps passe !

dimanche 4 février 2024

Wayne Kramer (1948-2024)

 

J'ai passé cinquante ans de ma vie à jouer la musique du MC5. Quand j'ai commencé, je n'avais même pas mon permis de conduire. Mais j'avais une guitare et des potes qui voyaient le monde comme moi. On se retrouvait dans la cave de ma baraque à Detroit pour jouer. On a créé cette musique ensemble.
La musique du MC5 est ce que j'ai fait de plus mémorable. L'album Kick out the jam à tellement compté pour moi et a continué à compter énormément à travers les décennies et continents. 
Alors, bienvenue gens du monde entier, de tout âge, couleur ou genre dans la musique.
Wayne Krambs aka Kramer
 
 


  

 "D'un point de vue esthétique, nous avons connu un énorme succès. D'un point de vue économique... il n'y a pas eu de succès. Il s'agissait de la musique du futur et malheureusement, le groupe n'avait pas de futur."

  



mercredi 24 janvier 2024

Du côté de l'élite

 

"Je suis toujours été en faveur de l'IVG"
 
Gérard Larcher, président du Sénat,* entendu hier à la radio.

* Ce qui laisse supposer qu'il est allé un peu au-delà du certoche.